Ok, je sens que je vais me faire tirer des tomates, mais je me lance pareil...
On s'entend, la langue française a d'immenses qualités : précise, nuancée, c'est l'outil par excellent pour les travaux d'analyse et ses multiples sonorités la dotent d'une grande beauté. De plus, maîtriser son orthographe aux exceptions chargées de sens historique et sa grammaire capricieuse constituent un défi intellectuel dont on peut être fiers!
Pour sa part, l'anglais a également ses avantages, souvent cités : facilité d'apprentissage, concision et poids émotif incomparable. Ce n'est pas une langue belle, c'est surtout une langue forte.
Cela dit, plus je progresse dans mon cours de traduction, plus je constate que le français du Québec, celui qui a été poli par l'usage plutôt que moulé aux normes, possède maintenant plusieurs des qualités de l'anglais, acquises grâce à une tendance au dépouillement et à la simplification du discours.
Mon manuel de traduction, qui ne suit pas du tout l'usage courant du français, m'a poussée à remarquer quelques exemples.
Premier cas : On me demande de traduire "I quit" (dans un contexte d'emploi). J'inscris "Je démissionne." Le corrigé m'informe que j'aurais dû dire "Je vous présente ma démission." Peut-être vrai en France. Ici, pas nécessairement.
Second cas : "Nos services sont offerts 24 heures par jour, 7 jours par semaine" me demande-t-on de traduire en anglais. Je commence "We provide services..." Je consulte le corrigé : "Services 24/7". Bien sûr! Et c'est valable dans les deux langues!
Certes, en quelques occasions, la simplification du français "québécois" passe par l'emploi de calques syntaxiques de l'anglais. Cependant, si certains de ces calques sont des monstruosités grammaticales et s'effectuent aux détriments de mots précis déjà existant (je pense au "Mon nom est" que les enfants utilisent avant d'apprendre à dire "Je m'appelle"), d'autres ne sont pas fautifs grammaticalement parlant et me semblent souvent rejetés par simple principe de "on veut pas que le français ça puisse être une traduction de l'anglais"! (Notons dans cette catégorie l'usage de "comparé à" plutôt que de "comparativement à" dont on a déjà parlé cette semaine. Quand on a pris l'habitude d'éviter les adverbes, la seconde formulation, pourtant celle mise de l'avant par l'Office de la langue française, apparaît douteuse).
Mais en de nombreuses occasions, notre français s'est simplifié de lui-même, sans heurt, en perdant simplement l'habitude (Française) de dire en 100 mots ce qui peut être exprimé en 10. Je crois que notre langue est en train de se simplifier, de gagner en versatilité, de devenir, par moment, plus dense, moins verbieuse, sans perdre pour autant sa précision ou sa capacité à expliquer longuement en cas de besoin.
Et vous savez quoi? J'adore ça! :)
14 commentaires:
Hé, on ne passe pas 250 ans à vivre avec des anglos sans se faire pimenter notre langue! Tu cites un exemple, mais il y en a des tas d'autres. D'autant plus que notre français à nous est celui de «l'Ancien régime» Beaucoup d'expressions utilisées ici sont tombées en France après la Révolution de 1789. Joyeux mélange linguistique!
Je me souviens avoir lue que l'anglais québecois avait changé dû à sa proximité du français. :)
Reste que j'ai hate que le Québec applique l'échelle courte comme le reste de l'amérique du nord. En attendant je vais continué à utilisé des pamphlets, et à acceuillir froidement tous ceux qui veulent s'introduire à moi.
Ce que tu racontes ressemble beaucoup à nos discussions durant nos cours de normes et usages du français. Mon ancien prof tient un blogue consacré au sujet, ça t'intéresserait, je pense : www.entouscas.ca
@Prospéryne : La question des expressions anciennes est un tout autre débat. Là-dessus, les Français nous laissent tranquilles une fois qu'on leur explique! lol!
@Joe : Ouais, à ce que je comprends, nos anglos utilisent moins de mots français que le reste du Canada! Et moi aussi, les introduiseurs je les regarde de travers! :p
@Dominic : Super intéressant ce blogue! :) Et pas étonnant que le sujet se ressemble : comme la traduction travaille avec les normes et usages, tout se recoupe! :)
Amen! Vive la langue vivante!
J'apprends... j'apprends.
Peut-être pas tout réduire à anglais/français québécois/français-de-France. Il y a aussi les genres: langue parlée, langue écrite, contexte, comme tu présentes dans ton premier exemple alors que tu ne le mentionnes pas dans ton second. Selon qu'on écrit pour une annonce de journal, une lettre administrative, un roman, les mots pour dire la même chose ne s'écriront pas de la même façon, traduits ou non.
Ton 24/7, je l'aurais écrit en français dans une annonce mais pas dans un roman.
Et je ne sais pas qui tu visais en croyant recevoir des tomates. Pas moi, je suis zéro en traduction. Pour ça que je disais que j'apprenais.
@Fred : lol! Le "amen" latin dans ce contexte n'est pas dépourvu d'ironie! ;)
@Claudel : C'est sûr qu'il y a le contexte et les registres de langue qui entrent en jeu, mais sous cet aspect je remarque une plus grande diversité au Québec (suffit de voir les pubs Française pour se rendre compte que l'art du "punch" est pas à son meilleur).
Et oui, j'ai eu un peu peur que tu me lances des tomates! ;) Tu n'aimes pas tellement les emprunts à l'anglais d'habitude, qu'ils soient traduits ou non! ;)
Et la traduction, c'est un monde à part. Je suis contente de commencer à l'explorer! :) Ça ouvre de nouvelles pistes de réflexion.
Méchante ClaudeL, garde-chiourme! Dis-toi qu'il y en a des pires que moi!
@ClaudeL : lolol! Je t'imaginais pas en méchante garde-chiourme quand même! Hihihihihi ;) J'aime bien les divergeances d'opinion de toute façon : ça pimente les discussions!
Ceci dit, attention au mot «versatilité». C'est une qualité en anglais, mais plutôt un défaut en français!
@claude b : lolol! ;) bonne remarque!
Je suis tout à fait d'accord avec toi. C'est une des choses que j'aime du Québec.
La semaine dernière, j'ai entendu des débats dans les médias sur notre langue française, en situation de plus en plus inquiétante dans les statistiques qui venaient de sortir. Mais en écoutant les commentaires des gens, plusieurs disaient qu'avant de s'inquiéter de disparaître, il fallait s'inquiéter de la qualité de notre langue.
Et moi, je dis qu'ils sont tous dans les patates. Avant de s'inquiéter de la qualité, il faut s'inquiéter de l'amour qu'on a pour quelque chose. Et si on n'a pas d'estime pour la langue qu'on parle (bref, si on est tout le temps en train de se faire dire qu'on la parle donc ben mal), ça se peut qu'on n'ait pas vraiment le goût de l'améliorer.
Et là, on vient de perdre l'essentiel.
@Valérie : En effet, je me suis souvent fait la réflexion que les gens peuvent difficilement aimer le français à force de se faire dire qu'il est en danger, qu'on le parle mal, qu'on s'en occupe pas assez...
Avec un discours pareil, le français devient comme le sofa de grand-maman, celui sur lequel on avait pas le droit de manger ou de faire le fou et qui devenait hideux et passé de mode bien avant d'être usé, mais dont plus personne ne voulait quand grand-maman décidait de le donner...
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