vendredi 18 août 2023

L'art cristallise le temps

J'vais être un peu mystique aujourd'hui. Vous en faites pas, ça durera pas. Mais je réfléchis depuis plusieurs mois aux questions d'intelligence artificielle et de pourquoi les trucs créés par IA me dérangent et je crois que je viens d'arriver à articuler un truc que je ressentais intuitivement. Permettez-moi d'abord d'énoncer une évidence : 

Nous sommes des êtres mortels. 

Chaque minute qui passe, chaque minute que nous dépensons ne reviendra jamais. Elle nous rapproche de notre mort. On n'y pense pas trop quand on est jeune. En vieillissant ou au contact de la mort de personnes qui nous sont chères, cela devient plus évident. Nous nous mettons à accorder une plus grande valeur au temps.

Or, il faut sacrifier beaucoup de temps pour écrire un livre, en choisir chaque mot. Et on ne parlera pas du temps infini que les films et séries télévisées exigent, avec leurs équipes gigantesques, soigneusement coordonnées (et toute la paperasse à remplir pour obtenir du financement). L'art visuel demande parfois un peu moins de temps... mais pas toujours. Tout dépend de la démarche de l'artiste, de ce qui est porté par l'œuvre. 

Une œuvre, peu importe le médium, c'est donc du temps d'artiste cristallisé.

Malgré cet investissement exigé en temps de la part des artistes, j'ai quatre bibliothèques chez moi qui débordent de livres que je n'ai pas encore lus. Ma liste Netflix grossit plus vite que je n'arrive à la vider. Et c'est seulement UN des services de streaming vidéo disponibles. J'emprunte quand même des tonnes de livres et de films à la bibliothèque. J'en achète aussi. Et je n'arrive pas à caser dans mon horaire toutes les expositions d'arts visuels qui m'intéressent. Une chance que je ne suis pas aussi passionnée de musique, je ne sais pas quand je dormirais...

Bref : le monde ne manque pas de productions culturelles et artistiques auxquelles consacrer mon temps. Même si je ne faisais qu'en consommer à temps plein, sans travailler, je ne viendrais pas à bout de tout ce qui me charme, m'interpelle et m'intéresse.

Alors pourquoi est-ce que je consommerais des productions faites par IA? 

Pourquoi est-ce que je gaspillerais de mon temps, mon temps de mortelle, si rare et si précieux, pour contempler, lire ou écouter quelque chose qui a été produit - extrêmement rapidement - par une machine?

(Attention, je ne parle pas ici des Karoline Georges et autres artistes numériques, qui poussent l'IA dans ses derniers retranchements et exploitent ses capacités à l'intérieur d'une démarche artistique où l'humain intervient constamment. Je parle de ceux qui demandent à ChatGPT et autres itérations de leur écrire un roman à la manière de Stephen King et qui tentent ensuite de me le vendre.)

Pour me divertir? Pour obtenir quelque chose qui répond exactement à mes goûts et mes humeurs du moment? Je crois que ces impératifs peuvent être comblés par les productions humaines, pour peu qu'on y consacre quelques instants de recherche. Au pire, demandez donc à l'IA de vous conseiller. Ça, ça serait un bon emploi de votre temps et du sien. 

Pour pouvoir vous-mêmes produire des images ou des récits? D'accord... mais quelle satisfaction tirerez-vous de voir apparaître sur l'écran des traits de crayons ou des mots qui ne sont pas les vôtres, avec lesquels vous n'avez rien à voir? Vous aurez gagné du temps? Peut-être. Si vous êtes un prof qui devez produire 75 exercices en 3 jours pour vos 200 élèves, ça peut se justifier... (quoique vos conditions de travail, elles, sont injustifiables.) Mais la prochaine fois que vous voudrez créer, vous aurez encore besoin de l'AI. Vous ne vous serez pas amélioré ni en dessin ni en rédaction. Votre temps consacré à créer ne deviendra pas plus productif, il sera exactement égal aux capacités de l'IA. 

Les seules personnes qui profiteront vraiment des créations automatisées, ce sont les rapaces qui voient, avec la montée des IA, la possibilité de se passer des artistes. D'économiser quelques sous et de pousser les artistes à se recycler dans des emplois où ils seront moins revendicateurs, bruyants et dérangeants. 

De les forcer à consacrer leur temps à autre chose qu'à l'art. 

En prendre conscience, choisir les productions humaines plutôt que les productions artificielles (toujours plagiées, mais n'en parlons même pas), c'est honorer l'aspect précieux de votre temps, comme créateur ou comme consommateur d'art. 

Parce qu'un futur où des enseignants vont corriger avec support IA des résumés rédigés par les étudiants à l'aide d'IA au sujet de romans écrits par IA, je sais pas pour vous, mais moi j'en veux pas. 

lundi 7 août 2023

Contempler

Je m'étais promis de décrocher cet été. De la routine, des contrats alimentaires et même de l'Internet. 

C'est pas un succès total, mais je me rends compte que je suis entrée en mode contemplatif : je lis les journaux, je consulte les réseaux sociaux, les blogues des autres, je lis, je réfléchis, mais je réagis peu. Mes statuts Facebook se résument à mes activités littéraires et mes dernières broderies. Je placote en privé avec des amis, autour de machines à café virtuelles et ça me suffit. 

Et je sens qu'en moi, ça bouillonne. Plusieurs projets sont en préparation et tout ce qui me heurte, me blesse ou m'enrage les nourrit. J'ai hâte de commencer à les écrire pour vrai, au lieu de bidouiller des plans et de noter des scènes. Ça viendra. 

En attendant, la puce, l'amoureux et moi avons fait notre premier voyage en tant que famille. Un road trip Kingston, Toronto, Niagara. Rien de bien exotique, mais l'image, le bruit, la force des chutes va rester longtemps avec moi. (De même que l'odeur de la poudre à canon à Kingston ou la magie de l'aquarium de Toronto avec les poissons qui nageaient au-dessus de nos têtes.)

Surtout que, à la suggestion de Luc, je suis allée voir les chutes à 5h30 du matin, alors que je les avais juste pour moi. (Notez l'influence de Luc : il m'arrive maintenant - ok, rarement - de me lever volontairement à 5h30 le matin!!!) 

La promenade, vide

Ça aussi ce fut un moment profondément contemplatif. Ça a fait du bien. Je sens que j'ai besoin de ça ces temps-ci : m'arrêter, regarder, profiter du silence. M'emplir les yeux de nature aussi. L'été est déjà à moitié passé et je ne sais pas trop quand je pourrai trouver des moments propices à ce genre de méditation, mais... je vais activement les rechercher!