J’ai déjà entendu des gens se demander ce qu’est un
personnage en carton ou un personnage unidimensionnel, par rapport à un « bon »
personnage. Bon, j’ai pas la science infuse, mais une lecture récente m’a
inspirée.
Prenons, pour l’exemple, la même situation, qu’on pourrait
retrouver dans un roman policier :
Un enquêteur doit se défendre d’une attaque au couteau dans
une ruelle, puis identifier un reste de poisson abandonné sur les lieux d’un
crime, discuter avec ses collègues, puis aller chez lui souper.
Le personnage en carton va se défendre sans mal de l’attaque
parce que, apprend-on au moment de l’attaque, il est ceinture noire en arts
martiaux. Puis il va identifier le poisson sans mal, parce que c’est un grand
pêcheur dans ses loisirs. La discussion avec ses collègues va consister à un
échange d’information court et rapide. Puis il rentrera souper dans son
appartement vide ou, à la limite, peuplé par une famille avec laquelle il a peu
de liens.
En somme, le personnage en carton est un corps plaqué par-dessus les
habiletés dont l’auteur a besoin pour faire avancer l’histoire. Il n’a pas de
passé, pas d’avenir, pas de motivations,
pas de personnalité, mais il est là au bon moment, avec les bons outils.
Le personnage unidimensionnel, lui, a probablement commencé
l’histoire dans un gym d’arts martiaux, où un des autres personnages l’a
remercié pour le poisson qu’il lui a offert en revenant de son voyage de pêche.
Ensuite quand le personnage se fait attaquer et identifie le poisson, on ne s’en
étonne pas. Pendant la discussion avec les collègues, il fera preuve d’un
esprit gentiment compétitif, mais économe de mots, qui va bien avec la figure
du pêcheur silencieux ou du maître d’armes martiaux. Chez lui, le personnage sera accueilli par une
compagne ou des enfants qui ne comprennent pas pourquoi il accorde autant de
place à son travail.
Ça vous dit quelque chose comme modèle d’histoire? Ben c’est
le film américain classique. Le héros est taillé sur mesure pour affronter les
épreuves qu’on lui balance. Il a un but dans la vie, mais c’est de surmonter,
justement, le genre d’épreuve qu’il rencontre. Il n’a aucun talent qui ne
seront pas utilisés dans le scénario. Et s’il a une famille, elle finira par
être menacée ou pire. Rien d'inutile dans les récits unidimensionnels. Tout est au service de l'histoire. Elle peut être bonne ou non, reste que le personnage sera fade.
Le personnage « vrai », lui pourrait se faire
amocher dans la ruelle. Ou identifier le poisson de façon provisoire, parce que
son fils est un passionné de la vie aquatique. Durant la discussion avec ses
collègues, il échangera de l’information, mais pourrait aussi, selon son tempérament,
faire des farces, se moquer d’un patron, s’inquiéter d’un ami ou jaser de ses
plans pour la fin de semaine… On pourra sentir, à ce moment, pourquoi le personnage
est devenu enquêteur : par sens de la justice, par altruisme, par goût du
risque, par défaut, etc. Finalement, le
souper de famille devrait donner l’impression qu’il y a une vraie famille
autour du personnage. Des gens qui ont chacun leurs buts dans la vie, leur
curiosité. Et si on découvre que le plat préféré du
personnage est la lasagne ou que sa fille aînée est sexy, cela n’aura pas nécessairement d’impact sur le
récit.
Bref, le personnage « vrai », le « bon »
personnage doit, à mon sens, donner l’impression qu’il existait avant le récit,
qu’il existera après et, surtout, surtout, qu’il a des habiletés, des intérêts, des motivations et des
sentiments en dehors de ceux qui conviennent à l’auteur pour faire avancer le
récit.
Maintenant, c'est plus facile à dire qu'à écrire...