mercredi 29 avril 2020

Et si l'oikos était la solution?

Le verdict est tombé : les jeunes enfants vont retourner à l'école. Mais les familles resteront confinées. Et si les parents ou les enfants sont considérés vulnérables au virus, on leur conseille de rester chez eux.

On vient donc de créer, plus que jamais, deux classes de citoyens : les vulnérables (et leurs descendants) et les bien portants. 

Les biens portants sont invités à risquer d'attraper le virus, à envoyer leurs enfants à l'école et à retourner au travail. Mais pas à visiter leurs amis ou leur famille, même si elle est bien portante. Non, on travaille, on étudie. C'est tout. 

Les vulnérables, eux, peuvent continuer à moisir dans leur solitude et/ou à s'arracher les cheveux pour concilier télétravail et école à la maison des enfants. 

Je ne peux pas m'empêcher de trouver que ce n'est pas une solution. (Pis là je veux pas jouer la gérante d'estrade ou l'experte auto-proclamée, j'essaie juste de réfléchir à une alternative.)

Premièrement, la réouverture des écoles, ça place bien des gens dans le même dilemme que moi : qui est-ce que je pénalise? Ma fille esseulée ou mon chum vulnérable? 

Deuxièmement, ça empêche encore le retour au travail d'une grande partie de la population. Parce que tous les gens vulnérables ne vivent pas en CHSLD! Les asthmatiques, les diabétiques, les greffés, les cardiaques... Beaucoup travaillent. 

Et si la solution au problème actuel - faudrait s'occuper des enfants pour que les parents puissent travailler - était ailleurs? Et si elle s'appelait "Oikos"?

Oikos, c'est pas seulement une marque de yogourt. À l'origine, c'est un mot de grec ancien qui veut dire "maisonnée". 

C'est aussi un système économique que j'ai imaginé (ou plutôt actualisé) pour une nouvelle d'anticipation intitulée "Oikos cherche cuisinière". (Publiée dans le numéro 210 de la revue Solaris, c'est ici pour l'acheter si ça vous intéresse! ;)

En gros, plusieurs familles s'y regroupaient pour survivre, se partageant les tâches : l'une éduquait les enfants, un autre jardinait, un troisième travaillait à l'extérieur... 

Dans mon histoire, tout le monde s'entassait dans la même maison, pour des raisons financières. Avec les règles actuelles de distanciation sociale, il faudrait sans doute faire ça aussi et ça créerait autant de problème que ça en réglerait.

Mais si on assouplissait les règles du confinement, ce ne serait pas nécessaire. Trois ou quatre familles habitant à des adresses différentes pourraient former un oikos décentralisé et s'entraider. On regroupe les enfants dans la même maison, idéalement une demeure avec une cour, où on crée un espace "école". Les parents y alternent. L'un enseigne des maths, un autre du français. Les enfants socialisent. Pas tous du même âge? Peu importe : ils s'entraideront, style "école de rang". Les autres parents peuvent télétravailler pendant ce temps-là. S'il y en a qui doivent aller travailler à l'extérieur, on les installe au même endroit et on limite leurs contacts avec le reste de la gang, mais au moins ils peuvent socialiser entre eux, personne n'est seul avec son anxiété. On fait livrer une gigantesque épicerie à une seule adresse. Bref, on limite les contacts avec l'extérieur, comme maintenant, mais on se permet, à l'intérieur du groupe, de recommencer à vivre, à manger ensemble. Au lieu de rester chacun dans notre petite bulle, on l'agrandit juste un peu. On s'épaule. Et, surtout, on protège, tous ensemble, la santé physique ET mentale des plus vulnérables, on les intègre au groupe, avec des mesures d'hygiène renforcées au besoin, on ne les force pas à un confinement solitaire interminable. 

Oui, ça implique que tout le monde fait confiance à tous les membres du groupe... mais entre vous et moi, je peux facilement penser à 5 ou 6 personnes à qui je ferais confiance aisément. Plus, en tout cas, qu'aux 28 parents inconnus des 14 autres enfants du groupe scolaire dans lequel je devrai bientôt envoyer ma fille. Et puis on peut garder une certaine distanciation sociale dans le groupe. Suffit de pas s'asseoir trop serrés autour de la table pour souper!

"C'est une commune!" me diront certains. Et alors? C'est peut-être la solution au problème présent. Ça n'a pas besoin d'être permanent. Mais il me semble que ça rendrait le temporaire plus tolérable...

Cela dit, pour moi, le temps file trop vite pour que j'organise tout ça, alors ça restera sans doute un rêve... ou ça deviendra un roman. ;) 

lundi 27 avril 2020

46 et 19 et...

C'est mon quarante-sixième jour de confinement.

Quarante-six jours avec à peine deux ou trois heures par jour pour travailler. Le temps de répondre aux courriels et de parer aux urgences, c'est fini, je dois retourner jouer ou faire du lavage ou cuisiner ou laver de la vaisselle. J'commence à en avoir sérieusement mon voyage. Le soir, je pourrais travailler, mais je suis crevée.

Il reste dix-neuf jours avant mon déménagement.

Les déménageurs sont réservés. Les changements d'adresse sont amorcés. Les boîtes que je pouvais faire sont faites. Confinement oblige, pas question d'emballer trop vite la vaisselle et les jouets de la puce. Faut continuer à vivre.

Il reste... je sais pas combien de jours avant de pouvoir revoir mon amoureux.

Avant tout ça, il s'était installé près de chez moi. On se voyait régulièrement. On commençait à prévoir les présentations avec la puce. La cohabitation à moyen terme. Et puis la pandémie est arrivée. Des conflits avec sa propriétaire l'ont forcé à déménager loin de moi. Il reviendra, mais... On attend le plan de retour à l'école des enfants pour savoir comment organiser nos vies dans les prochains mois. Mon amoureux est vulnérable au virus et donc au déconfinement. Ma fille est vulnérable à la dépression et au retard scolaire si elle reste confinée. Dilemme qui n'en est pas un : ma fille passe en premier. Tant pis pour nos coeurs en miettes.

J'essaie de ne pas me fâcher contre les gens qui sont heureux de la pause. Heureux de ralentir, de repenser leur vie, de profiter de leurs enfants... Je les comprends. Pour plusieurs, c'est enfin l'occasion de réfléchir à ce qu'ils veulent vraiment de l'existence.

Pour ma part, ma séparation m'avait déjà forcée à me remettre en question, à m'analyser, à me réinventer, à me prévoir un plan de reconstruction de moi-même... J'y étais arrivée, j'avais hâte de le mettre en action. Le voici taillé en pièces par la pandémie. C'est dur, très dur.

Mais bon... je recommencerai.

mercredi 22 avril 2020

Abnégation maternelle ordinaire (1)

Trouver une recette de biscuits. 

Rassembler les ingrédients. 

Appeler la puce pour qu'elle participe. 

L'aider à mesurer et mélanger les ingrédients. 

Nettoyer les dégâts.

Terminer la recette seule parce que la puce s'est tannée avant. 

Mettre les biscuits à cuire. 

Faire la vaisselle. 

Sortir les biscuits du four. 

Appeler la puce pour qu'elle y goûte. 

Ramasser les miettes éparpillée pendant la dégustation. 

Voir la puce ramasser les deux plus beaux biscuits et aller les porter fièrement à son papa en disant "Sont bon hein papa? Je les ai fait moi toute seule". 

Oh well... Tant qu'elle apprend à aimer cuisiner! :p 

jeudi 2 avril 2020

Décompte : 43 jours

Il reste 43 jours.

Que va-t-il se passer dans 43 jours? La fin du confinement?

Ce serait bien. Mais honnêtement, ça m'étonnerait de plus en plus.

Cela dit, pandémie ou pas, dans 43 jours je change de domicile. Les déménageurs sont réservés. Le meuble manquant essentiel (un lit pour ma fille) est commandé. Les boîtes sont commencées. Restera à finaliser ça et à s'attaquer aux changements d'adresse.

Je m'imaginais changer de domicile au milieu d'une bande d'amis venus attaquer le ménage et le déplacement des meubles avec forces rires, bières et pizzas.

À la place, ça risque d'être en solo, avec masque et gants.

Je me voyais camper une semaine ou deux dans un appartement en travaux, mais attaquer juin dans une demeure fraîchement repeinte, tous ses petits bobos réglés, avec une décoration qui me ressemble.

Je m'enligne plutôt pour des mois de confort approximatif, au milieu de petites réparations que je ferai moi-même, de mon mieux, en attendant de pouvoir confier les gros bobos à des professionnels. Et le condo va être laitte pendant un moment.

J'essaie de ne pas me décourager. Mes économies fondent, mais je n'ai pas de problème financier immédiat. Je peux attendre l'aide du gouvernement. Je suis en santé, ma puce aussi. Elle commence à lire. Son premier mot découvert lettre par lettre fut "luciole".

Une bibitte qui met de la lumière un bref instant dans l'obscurité. C'est poétiquement approprié.