Voilà quelques fois qu'on me demande, en atelier, à quel point l'arrière-monde d'une nouvelle peut être simplifié par rapport à celui d'un roman. À chaque fois, ma réponse surprend : il ne peut pas vraiment l'être.
Nouvelle ou roman, vous devez situer une histoire et des personnages dans un univers. Cet univers doit donc être, pour vous, parfaitement clair et détaillé.
Évidemment, contrairement à ce qui pourrait se passer durant un roman, la nouvelle ne vous donnera sans doute pas le temps de visiter tous les recoins de votre monde. Vous n'avez donc pas à en placer déjà toutes les villes et les sous-cultures au niveau micro. Mais il faut que les grandes lignes sociales, historiques, psychologiques, philosophiques, culturelles, religieuses, politiques, économiques, magiques (et/ou scientifiques) soient établies. Bref qu'au niveau global, macro, vous ayez créé votre univers.
C'est uniquement de cette manière que vous pourrez donner, dans votre nouvelle, une impression de réalité cohérente et invitante.
Qu'est-ce que je veux dire par là? Évidemment, en 5000 mots, vous n'allez pas nous expliquer votre arrière-monde. Mais il suffit que votre personnage crache au sol en entendant le nom du roi d'Ebba, ce royaume rival situé derrière les montagnes, pour que le lecteur comprenne beaucoup.
Si vous ne faites pas cet exercice (qui vaut autant pour la nouvelle que pour le roman), si vous ne prenez pas le temps de réfléchir à la globalité de votre monde, vous risquez d'écrire, au fil de la plume, des éléments qui ne s'articulent pas les uns aux autres. Comme des lois interdisant l'héritage des titres et des fortunes, mais un traité mariant la fille aînée du roi au chef du royaume voisin. Or, quelle valeur les mariages arrangés auraient-ils dans un monde où on n'hérite rien de ses parents?
Plus les années passent, plus j'en suis venue à penser que cette obligation de développer suffisamment l'arrière-monde explique pourquoi il s'écrit si peu de nouvelles de fantasy. En fantastique, vous partez de notre monde et vous ajoutez du surnaturel, dont vous établissez les règles. En science-fiction, vous partez de notre monde, vous avancez dans le temps et vous ajoutez une super-science dont vous établissez les règles. En fantasy, vous établissez un nouveau présent, vous le dotez d'un passé ET vous ajoutez du surnaturel, avec les règles associées. La somme de travail est phénoménale. Une fois que vous l'avez abattue, se contenter d'écrire une nouvelle dans cette univers-là peut sembler un gaspillage d'effort (sans compter la frustration de ne pas pouvoir expliquer tout votre univers en une seule histoire).
Ma solution personnelle est d'écrire plusieurs histoires dotées du même arrière-monde, mais bon, j'avoue que c'est un peu de la triche! ;) (Et c'est pas payant, je devrais me mettre au roman! lol!)
... Dites, je me casse trop la tête ou ça se tient ce que je raconte?