Ça parle beaucoup, dernièrement, de la culture du viol qui imprègne une partie (horriblement rétrograde) de notre société et qui consiste, en gros, à croire que les filles qui veulent vraiment éviter le viol arrivent à le faire et que certaines femmes mériteraient de se faire violer. Or, j'ai l'impression que le débat a connu certains dérapages.
Un ami me disait dernièrement qu'il ne sait plus comment élever ses deux garçons. Que doit-il leur dire? Ont-ils le droit de regarder les filles? De leur dire qu'elles sont jolies? Ou alors doivent-ils attendre que les filles fassent les premiers pas et/ou se baladent avec des écriteaux proclamant "aujourd'hui vous avez le droit de me cruiser"?
Bon, un moment donné, faut pas exagérer.
Un gars qui sourit à une fille et lui dit qu'elle est jolie ne commet pas une agression. Il vient de lui faire un compliment!
Si le gars n'est pas au goût de la fille ou que le compliment, pour toute autre raison, n'est pas le bienvenu, à elle de lui répondre avec un sourire distrait en passant son chemin ou de l'ignorer ou de détourner les yeux ou de lui adresser un refus poli pour qu'il comprenne qu'elle n'est pas intéressée.
Si, malgré l'absence de réponse positive de la fille à son compliment (ou en présence d'une remarque cinglante, voire d'une grimace de dégoût), le gars insiste, rentre dans son espace personnel, se fait collant ou, pire, essaie de la toucher, là ça devient une agression. Ça devient aussi une agression si la fille répond positivement et que le gars se met tout de suite à la tripoter! Ou alors si le supposé compliment a été hurlé d'un bord à l'autre de la rue avec des termes élégants du genre "Heille, t'en a une crisse de belle paire!".
Bref, je pense que les gars qui savent vivre devraient avoir encore le droit d'aborder les filles de manière polie et respectueuse sans craindre d'être associés à la culture du viol.
L'autre chose, c'est que je lis de plus en plus souvent qu'il faut "apprendre aux gars à ne pas être un danger au lieu d'apprendre aux filles à fuir le danger".
Hum. Oui et non.
Oui, il faut bannir les réponses fatalistes du genre "Boys will be boys" (variante franco-québécoise : "C't'un gars, c'est faitte de même") quand on voit un garçon adopter un comportement inacceptable. Il faut apprendre aux hommes qui ne le savent pas que quand une fille dit "Non, merci", le mot important c'est "non", pas "merci"!
Mais non, je ne pense pas qu'on peut se permettre de ne plus apprendre aux filles à fuir le danger. Il est vrai que toutes les mesures de prudence du monde n'élimineront pas le risque d'agression. Et qu'en cas d'agression, la victime, peu importe les risques qu'elle aura encourus, ne sera pas à blâmer (après tout d'autres femmes auront couru les mêmes risques sans conséquences fâcheuses, puisqu'elles ne seront pas tombées sur un prédateur humain). Cependant, je préfère qu'on continue d'informer les filles sur les mesures de protection à leur disposition et qu'on leur laisse évaluer les risques auxquels elles veulent faire face au lieu de se cacher la tête dans le sable et de clamer qu'une fille devrait "pouvoir se promener nue et saoule dans la rue sans risquer de se faire violer".
J'suis d'accord, elle devrait pouvoir. (Quoique j'aimerais mieux que le nudisme alcolisé ne deviennent pas un phénomène généralisé...)
Cependant, je vais enseigner à ma fille qu'elle ne le peut pas. Et je vais lui montrer à se défendre verbalement, physiquement et émotionnellement en cas d'agression. En croisant les doigts pour que ça suffise.
Mais je vais aussi lui dire de sourire au moins brièvement aux gars qui lui font des compliments. Parce que mon chum m'a appris que les gars respectueux et bien élevés ont souvent besoin de beaucoup de courage pour aborder une fille. Même si on est pas intéressées, ils méritent qu'on les repousse avec gentillesse.
Vous savez, la plupart des gars sont des humains eux aussi.