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samedi 3 décembre 2022
De l'uchronie
Ma rencontre avec Solaris, je l'ai souvent mentionné, s'est faite par hasard : Daniel Sernine avait mentionné la revue dans un de ses romans jeunesses (il la faisait lire à un moniteur de camp de vacances), puis j'étais tombée sur le recueil "Escales sur Solaris" au hasard de ma bibliothèque municipale. J'avais douze ou treize ans, je ne sais plus trop. Mais je me souviens que je l'ai lu sur le sofa de la famille dont je gardais les enfants, une fois les petits couchés.
Et dans ce recueil, il y avait "Le huitième registre" d'Alain Bergeron. Une nouvelle qui avait l'air, aux yeux de la passionnée d'Histoire que j'étais déjà, d'appartenir plutôt au genre historique qu'à la science-fiction, au fantastique ou à la fantasy... mais non, en cours de lecture il devenait claire qu'il ne s'agissait pas de l'Histoire que je connaissais. C'était... autre chose. Je crois que le mot "uchronie" était mentionné dans l'introduction. Il m'a fallu consulter bien des dictionnaires avant de tomber sur un qui m'expliquerait qu'il s'agissait d'un "récit d'évènements fictifs à partir d'un point de départ historique".
J'avais déjà lu de la science-fiction, du fantastique, de la fantasy et j'aimais bien... mais ce qui m'a fait tomber en amour avec les genres de l'imaginaire, ce qui m'a poussée à rechercher les Solaris, à rêver d'écrire dans ses pages, ce fut cette première uchronie. Ensuite j'ai découvert Guy Gavriel Kay and the rest is uchronie.
Cependant, même si je dévorais les histoires alternatives depuis mon adolescence, même si je me développais comme écrivaine, je restais paralysée à l'idée d'essayer de créer une uchronie. J'avais l'impression que ma formation d'historienne me nuisait. L'Histoire est pour moi une telle toile de causes et d'effets imbriqués, de continuités et de changements interreliés, je ne voyais pas sur quel fil tirer pour désemberlificoter tout ça, où glisser un changement et quoi imaginer à partir de celui-ci... Un point de divergence majeur et ancien mènerait à une société n'ayant aucune parenté avec la nôtre, un point trop récent servirait peu, un aspect trop obscur dérouterait les lecteurs, je ne voulais surtout pas m'approcher des guerres mondiales...
Puis est arrivée l'invitation à participer au numéro spécial "125e anniversaire de la Guerre des mondes" de Solaris. J'ai commencé par essayer d'écrire une Guerre des mondes qui se produirait de nos jours, mais passerait pour une fake news... ça n'allait pas, je tournais en rond, je tâtonnais...
Et puis, je me suis dit "et si les événements du bouquin avaient vraiment eu lieu, si on avait vraiment été attaqués à les Martiens en 1897, où en serait-on 125 ans plus tard?" À partir de là, mes réflexes d'historienne sont venus à mon aide : j'ai pris la société britannique contemporaine de Wells, j'ai examiné ses travers, ses réactions devant l'adversité, j'ai ajouté les changements issus de l'invasion martienne, transformé notre aveuglement actuel devant les changements climatiques en un autre déni rassurant, emprunté les visages et les noms de certains de mes compagnons d'étude, imaginé - avec l'aide de Luc - un Montréal demeuré très anglophone... et voilà : j'avais écrit ma première uchronie.
J'y ai pris un plaisir fou. Ce ne sera sûrement pas la dernière!
En attendant, si vous ne l'avez pas lue, c'est dans le dernier Solaris! ;)