lundi 31 décembre 2018

Bilan 2018

Je ne suis pas du genre à danser sur la tombe de qui que ce soit, même pas sur la tombe métaphorique d'une année de merde. 

... Cela étant dit, je sens que ce soir à minuit, le champagne va être bon en maudit! 

Avec mes deux dégâts d'eau, qui ont foutu mes horaires en l'air, provoqué des crises d'angoisse et un état constant d'hyper-vigilance (je peux vous faire le catalogue complet de toutes les craques, poques et irrégularités de tous les plafonds et murs de ma maison!!!), mis le bordel dans notre quotidien, vidé mes économies, m'ont empêchée d'écrire et ont traumatisé ma puce un brin, mettons que 2018 n'a pas été une bonne année. En plus, avec ma cocotte qui grandit et qui commence à poser des questions, on dirait que je ressens encore plus profondément l'absence de ma mère et de ma grand-mère. Ça me rend triste, surtout dans le temps des Fêtes, que les deux adoraient. Mais bon, je ne peux pas y faire grand chose, hein?

Au milieu de ces catastrophes et de ma nostalgie, ai-je atteint quand même mes objectifs pour l'année? Pas vraiment. Je voulais : 

1- Écrire davantage de nouveau matériel 

Échec total. J'ai à peine avancé la réécriture de mon roman policier et écrit seulement deux nouvelles. J'espère que l'inspiration (et, soyons honnête, la motivation à travailler) va se pointer le nez avec la nouvelle année. 

2- Choisir davantage mes projets

Oh ça, c'est sûr que quand on écrit pas et qu'on est épuisée à la simple idée de se lever le matin, ça nous évite de nous embarquer dans trop de projets reliés à l'écriture! Enfin, j'ai quand même réussi à être un peu plus sélective. J'ai surtout accepté des mandats de direction littéraire et des ateliers. J'aime ça, car ça joint ma passion pour l'écriture avec ma carrière avortée d'enseignante. :) 

3- Réduire mes déchets 
et 
4- Acheter des vêtements éco-responsables

Dans ces deux domaines, malheureusement sans impact sur ma carrière d'écrivaine, ça va bien. C'est pas encore parfait, mais je crois que j'ai pris de bonnes habitudes. Ne pas avoir le temps ou l'énergie ou l'argent pour magasiner a aidé aussi, faut avouer! Reste à continuer dans la bonne voie. 

5- Prendre le temps de vivre

J'ai fini l'année tellement exténuée que "vivre" est pas mal tout ce que j'avais le temps de faire de mes journées! Me semble qu'une fois les repas préparés, la vaisselle lavée, le linge nettoyé, mon café bu pis ma douche prise, la journée était terminée. Même le yoga n'entrait plus dans l'horaire! O.o Heureusement, cette impression de me déplacer constamment dans la mélasse est en train de diminuer. J'ai regagné du temps ces dernières semaines et réussi à avancer un peu mes projets. 

Pis je me promets du beau pour 2019. Je vous en rejase mercredi! ;) Après avoir cuvé mon champagne! :p

jeudi 27 décembre 2018

Votre cadeau en retard

Comme promis, je vous offre un cadeau de Noël en retard, sous la forme d'un peu de lecture de fiction : ce matin, le site de la République du Centaure publie un quasi-inédit de ma plume.

Pourquoi quasi-inédit? Parce qu'il s'agit du texte gagnant du (défunt?) concours des 1000 mots de l'Ermite de Rigaud, édition 2011. Le texte avait donc été en ligne pendant quelques jours à l'époque et, depuis, il n'existait que dans un recueil à tirage ultra-limité offert en cadeau à Élisabeth Vonarburg pour souligner ses 65 ans.

Pour un texte sur lequel j'ai cogité aussi longtemps et dont j'ai disséqué l'écriture en long et en large, je trouvais dommage qu'il n'ait pas une diffusion un peu plus large. La République m'a offert l'occasion d'y remédier.

J'ai d'ailleurs profité de cette publication officielle pour corriger le titre. L'original était volontairement du latin de cuisine (où j'avais écrit "dragonis" en lieu et place de "draconis"), mais je n'avais pas envie de devoir expliquer plusieurs fois que "oui, je sais que j'ai fait une erreur, je suis quand même une pas pire latiniste, merci", alors j'ai utilisé la bonne graphie.

Alors, si ça vous tente, servez-vous un thé, un café ou un mimosa (c'est pas moi qui vais vous juger!) et venez découvrir (ou redécouvrir si vous l'avez lue jadis) ma "geste des dragons".

Et si vous aimez ce que vous lisez, n'hésitez pas à partager le lien. La République du Centaure, comme notre éditeur l'a souligné récemment, est là pour servir le public, pour faire découvrir des textes. Alors ne gardez pas son existence secrète! La publicité aidera tous ses artisans! ;)


lundi 24 décembre 2018

Joyeuses Fêtes!

Normalement, à ce temps-ci de l'année, je procède à un bilan, je réfléchis à mes plans pour l'année à venir, puis j'essaie de finir avec un billet léger (souvent les paroles d'un chant de Noël).

Mais l'année 2018 ayant été difficile, je la finis plutôt à plat (c'est un euphémisme : je suis épuisée mentalement, physiquement et émotionnellement!), alors je vais remettre le bilan à après Noël et je vais attendre de m'être reposée avant de prendre quelque résolution que ce soit.

Désolée pour le billet léger : il passe à la trappe lui aussi.

Par contre, je vous ai quand même préparé un cadeau... qui va arriver un poil en retard. Vous irez voir du côté de la République du Centaure le 27 décembre. ;)

Sur ce, je vous souhaite à tous, chers lecteurs, de très joyeuses Fêtes! Bonheur, santé, inspiration et maison qui ne coule pas! Bises virtuelles à tous, pis une couple de câlins en prime!

On se revoit début janvier!

C'est le sapin de l'an dernier, parce que j'ai pas le temps de prendre une photo à jour, mais celui de cette année est identique, sauf que situé dans l'autre coin du salon, donc tournez-vous pour avoir une meilleure image! :p

vendredi 21 décembre 2018

Direction littéraire (9) - Le style

Ironiquement, quand le directeur littéraire travaille sur le style du texte (plutôt que sur le fond), c'est soit parce que le texte est de très bon niveau et qu'il n'y a pas grand chose d'autre à faire, soit parce que le texte n'est vraiment pas publiable en l'état et qu'il faut le réécrire à la place de l'auteur pour lui enseigner les notions qui lui manquent. Dans les deux cas, on s'attardera aux mêmes éléments : éviter le telling, varier la syntaxe, ménager les adverbes, préciser le vocabulaire, etc, mais dans un bon texte, on fera moins de commentaires!

Oh et j'allais oublier : si les autres aspects de la direction littéraire peuvent être traités pas mal dans n'importe quel ordre (et le plus souvent tous en même temps), le style, lui, est toujours le dernier aspect touché. Comme ça, on évite de polir des phrases qui devront être réécrites ou sacrifiées! 

C'est quoi ça du telling?

Ça veut dire que l'auteur nous dit les choses au lieu de nous les montrer. Par exemple, il écrit "Anna était terrifiée", alors qu'en fait "Anna, la bouche sèche, entend son coeur battre dans ses tempes et doit s'appuyer au mur pour éviter que ses jambes ne se dérobent."

On prend tous des raccourcis semblables en écrivant, souvent afin de passer plus rapidement sur un élément moins important. Cependant, si on prend un raccourci au mauvais moment, le directeur littéraire nous le pointera et nous demandera d'y remédier.

Qu'est-ce que j'entends par varier la syntaxe?

Eh bien, en atelier, j'ai tendance à dire qu'il faut éviter d'enchaîner les phrases "sujet-verbe-complément", mais je me rends compte (en écrivant ce billet!) que ce n'est pas exactement ça. Ce qu'il faut éviter, c'est le même sujet, suivi d'un verbe et d'un complément, soit les phrases qui commencent toujours pareil. Par exemple :

Elle se lève de sa chaise. Elle s'étire pour chasser les tensions dans le bas de son dos. Elle se rend compte qu'il est tard. Elle doit appeler chez elle pour les prévenir de son retard assuré.

Ou

Elle se lève de sa chaise et s'étire pour chasser les tensions dans le bas de son dos. Se rendant compte qu'il est tard, elle s'apprête à appeler chez elle pour les prévenir de son retard assuré.

Vous devriez remarquer que le deuxième extrait est moins répétitif que le premier. Bon, ça gagnerait pas un GG non plus, mais au moins le lecteur ne s'endort pas sous la répétition des "Elle. Elle. Elle." Déjà, visuellement, c'est plus varié. En direction littéraire, je propose beaucoup de modifications du genre. (C'est l'avantage de ne pas avoir écrit le texte : les répétitions syntaxiques nous sautent aux yeux!)

Pourquoi est-ce que je parle de ménager les adverbes?

Parce que la fonction d'un adverbe, c'est d'apporter une modification, une précision ou un complément à un verbe (et donc à la phrase où on le retrouve). Si vous avez besoin de mettre des adverbes partout, cela pourrait signifier que vos phrases, dans leur état de base, sont incomplètes ou imprécises (ou les deux). Si c'est vrai, vous devez apprendre à écrire de manière plus précise et complète (en sachant que le recours aux adverbes est parfois inévitable). Si c'est faux et que vos phrases sont parfaitement compréhensibles sans adverbe, eh bien... enlevez-les! Vous n'y perdrez rien de toute manière! (Pis si vous êtes pas sûr que ce sera encore compréhensible... ben le directeur littéraire vous aidera à décider!)

Oh et ces deux conseils (écrivez de manière plus précise et enlevez les précisions inutiles) s'applique aussi aux adjectifs. Un adjectifs bien choisi accolé à un nom, ça frappe l'imaginaire du lecteur. Un adjectif (ou même deux!) pour accompagner chaque nom, après un bout de temps, ça ne signifie plus rien!

Écrire de manière plus précise, comment on fait ça?

En soignant son vocabulaire!

Ce qui ne signifie pas de manger son dictionnaire de synonyme (et de le vomir ensuite sur la page sans discernement), mais simplement d'utiliser les mots appropriés aux différents contextes et de privilégier les verbes d'action aux périphrases. Par exemple, on préfère "s'accouder" que "s'appuyer sur ses coudes", "s'agenouiller" plutôt que "se mettre à genoux".

Parfois, le directeur littéraire va vous encourager à faire une petite recherche Google, histoire que vous alliez chercher un vocabulaire un brin plus technique. Parce qu'un bateau n'a pas un "muret tout le tour", mais un bastingage et, selon le site de Canadian Tire, on ne dit pas "ciseaux à couper le métal", mais "cisailles à métaux".

Quand il le pourra, le directeur vous suggérera directement la modification appropriée, mais il n'est pas un maître dans tous les domaines et il n'a pas toujours l'envie/ le temps/ la possibilité de faire vos recherches à votre place. Alors parfois il va simplement écrire "Est-ce bien la bonne terminologie?" ou "Il faudrait peut-être faire une recherche sur les termes exacts".

Ce n'est pas une insulte, une remise en question de vos compétences ou un signe que votre histoire est à jeter. C'est simplement une manière d'attirer votre attention sur un point du texte qui semble moins clair, plus faible, moins crédible. Souvent, un petit tour sur Google ou sur Wikipédia ou dans un dictionnaire visuel réglera le problème. Et votre style s'en trouvera immédiatement amélioré!

Et les métaphores dans tout ça?

Les métaphores, c'est comme les adjectifs : une, bien choisie, de temps en temps, cela place l'ambiance d'un texte. Trop nombreuses, elles embrouillent le lecteur qui perdra le sens réel du texte... Sauf que la quantité acceptable dépendra beaucoup du type de texte et de son degré de poésie. Mal choisies, les métaphores risquent de faire rire quand on veut effrayer ou dégoûter quand on veut attendrir. Mal placées, elles font décrocher le lecteur de l'action. Alors, oui, vous risquez d'en parler beaucoup avec votre directeur littéraire, mais j'ai peu de principes généraux à vous présenter. Hormis que, comme tout le reste, elles devront servir votre propos et soutenir vos intentions!

Vous avez survécu?

Quand vous aurez, à grand coup de courriels, textes annotés et échanges divers, assuré la cohérence interne de votre texte, choisi le bon narrateur, réglé les problèmes de focalisation, précisé vos intentions, développé vos personnages, poli vos dialogues, travaillé votre subtilité, retiré le telling, varié votre syntaxe, éliminé les adverbes inutiles et précisé votre vocabulaire, voilà, vous aurez terminé la direction littéraire!

Bravo, vous avez survécu!

Et maintenant vous comprenez probablement pourquoi la plupart des écrivains ne s'imaginent pas publier un texte sans l'aide d'un directeur littéraire. Votre récit a sans doute changé un peu, mais, si vous avez bien exprimé vos intentions et que les échanges avec votre directeur se sont bien déroulé, vous devriez trouver la nouvelle version plus aboutie, plus proche de votre vision profonde.

Malheureusement, il pourrait aussi être plein de scories et de bouts de texte oubliés ici et là au fil des révisions.

Vous en faites pas : il reste encore la révision linguistique... (J'haïs moins ça qu'à l'époque, notamment parce que j'ai de meilleurs réviseurs, mais... Rendus là dans le processus, on voudrait tellement que ce soit fini! lolol!)

mercredi 19 décembre 2018

Direction littéraire (8) - Rythme et structure

Note : si vous vous demandez "Ça achève-tu cette histoire de direction littéraire?", bravo, vous voici dans l'état d'esprit de tous les auteurs la première fois qu'ils ont à retravailler un texte! :p Mais oui, ça achève... ;) 

En plus de vous poser un million de questions et de vous suggérer des changements un peu partout, la direction littéraire va travailler avec vous sur le rythme et la structure du texte : couper des scènes, en raccourcir, en rajouter, changer des éléments de place, élaguer les descriptions et les dialogues ici, les rallonger là...

Le travail sur le rythme est souvent fort déstabilisant pour l'auteur (et, je vais vous confier un secret, même pour le directeur littéraire!), parce qu'il faut couper des bouts de texte ici et les recoller là-bas... Et on sait tous l'angoisse qu'on éprouve quand on fait disparaître 2 ou 3 pages de texte!!! (Même si c'est juste pour 30 secondes et qu'on a 23 backup!)

Cependant, ça aide à recadrer le récit, à plonger le lecteur davantage dans l'histoire, à entrelacer les parties les plus lentes de l'intrigue avec les parties les plus actives, à dissimuler ou à révéler plus efficacement un mystère, etc. (J'ai déjà parlé ici des différents types de structure qu'on peut utiliser dans un texte.)

Mon impression est que notre sensibilité au rythme des textes s'est beaucoup accrue dans les dernières décennies (probablement parce que notre rythme de vie tout entier est devenu plus effréné). De nos jours, je ne crois pas qu'un directeur littéraire laisserait le chapitre-description "Paris à vol d'oiseau" de Victor Hugo ouvrir le roman "Notre-Dame-de-Paris". Ou alors il le réduirait impitoyablement à quelques lignes.

Certains poussent les hauts cris et disent que c'est un signe de l'appauvrissement de notre littérature, de notre pensée, de notre imaginaire.

(O tempora, o mores!)

Personnellement, je crois que c'est seulement le reflet d'un changement de goûts. Après tout, les Japonais, il y a quelques siècles, ont développé une poésie très évoluée, haïkus et tankas, à coup de 17 ou 31 syllables! Difficile de faire plus concis... et ils ne semblent pas avoir un imaginaire appauvri pour autant!

Alors, est-ce normal si votre directeur littéraire vous demande de raccourcir votre texte? Oui!

Ou même de couper un personnage? Oui aussi!

(Ah tiens, j'ai oublié d'en parler ça... la règle des trois personnages... on y reviendra...)

Est-ce normal s'il vous demande de rallonger votre récit? Toujours oui! (Confession : c'est ce qui m'arrive la plupart du temps, parce que je suis une nouvelliste dans l'âme!)

Et s'il veut que vous le découpiez en morceaux et le réorganisiez en vous fiant aux cartes de tarot que vous aurez tiré durant une nuit sans lune? Euh... Y'a pas de mauvaise méthode dans l'absolu. L'important, c'est que ça serve votre propos. :p

lundi 17 décembre 2018

Direction littéraire (7) - Tout n'a pas à être sur la page

Qu'on parle de cohérence interne, d'arrière-monde, de recherches, d'histoire de vos personnages, d'intentions (de l'auteur ou des personnages) ou de dialogue, il existe une règle primordiale en littérature, et donc en direction littéraire :

Tout n'a pas à être sur la page.

Par contre, le corollaire de cette règle, selon moi, c'est que tout doit être dans la tête de l'écrivain. (Ou dans ses carnets de note). Parce que si l'écrivain a inventé une nouvelle science, s'il a développé l'histoire de son personnage, s'il a une idée claire du début de la conversation dont il ne nous écrit que le milieu, eh bien ça va transparaître dans le texte.

Je vous ai déjà parlé de ma recette personnelle pour éviter les infodump. Cette même recette (en gros, tout noter de la manière la plus plate possible sur un sujet, afin de fixer nos idées, puis fermer le document et écrire à partir du souvenir qu'on en garde, de la logique qu'on a intégrée) peut s'appliquer à plusieurs aspects du texte (histoire des personnages, résultat de recherches historiques, scènes non montrées, etc.).

Souvent, le directeur littéraire va poser des questions à l'écrivain, le forcer à trouver des explications, ... et lui demander ensuite de ne pas les mettre dans le texte! (Ce qui est toujours déstabilisant les premières fois!) Par contre, il voudra qu'on ajuste l'événement X ou la réplique Y en conséquence, pour montrer la logique sous-jacente.

À d'autres moments, le directeur nous demandera d'enlever des explications, en nous assurant qu'on comprend très bien le texte sans.

Dans les deux cas, le lecteur comblera tout naturellement les trous, devinera tout ce qui n'est pas sur la page, en ayant l'impression de participer au texte. :)

Et si on ne comprend vraiment pas vos inventions, ne vous en faites pas : le directeur littéraire se fera un plaisir de vous demander d'ajouter des explications... et il vous aidera à ne pas les balancer toutes au même endroit, histoire de ne pas assommer votre lecteur! ;)

vendredi 14 décembre 2018

Direction littéraire (6) - Les dialogues

Je voulais vous parler des personnages et des dialogues dans mon dernier billet, mais finalement je me suis arrêtée après le personnage, parce que ça commençait à faire pas mal de matière (pis il était l'heure de partir donner un atelier d'écriture! lol!).

Alors, aujourd'hui, jasons direction littéraire et dialogues.

Tant qu'à moi, il y a quatre aspects des dialogues sur lesquels la direction littéraire risque de s'attarder:

1- Les dialogues écrits comme la narration.

À l'oral, on tend à faire des phrases courtes et des répétitions. C'est normal et nécessaire pour éviter que notre interlocuteur ne perde un bout de notre message. Il n'est pas nécessaire de reproduire ça exactement à l'écrit, mais si vous voulez me faire décrocher de ma lecture, mettez une phrase de quatre lignes dans la bouche d'un personnage! À moins que ce soit un personnage bien particulier, par exemple un maniaque d'Alexandre Dumas. Ce qui m'amène au point suivant...

2- Les personnages qui parlent tous de la même manière.

La longueur des phrases, le vocabulaire, les références culturelles, les expressions, etc, devrait varier, au moins légèrement, d'un personnage à l'autre. Si on décide de jouer en plus avec l'oralité et peut-être d'introduire des anglicismes ou des mots étrangers, alors sky is the limit! Conseil personnel :  n'essayez pas de reproduire un accent étranger, parce que ça risque de sonner soit comique, soit raciste, soit les deux. Par contre, rien ne vous empêche de copier des tournures de phrases comme si le personnage traduisait en français dans sa tête avant de parler! (C'est pour ça que mes dames japonaises parlent en posant des questions dans les Hanaken :)

En fonction de l'histoire du personnage, de ses goûts et de sa personnalité (dont on a discuté dans le dernier billet), vous pouvez créer un éventail de voix dialoguées fort variées, qui aideront le lecteur à suivre le fil des dialogues et à s'immerger dans votre récit.

3- Les dialogues vides

Oui, je sais, les dialogues de type :
- Salut!
- Salut!
- Ça va?
- Pas mal et toi?
- Oui, oui, ça va... 
Ça crée un effet de réel. Cependant, à moins qu'on ait envie de refléter la vacuité des échanges entre les personnages, on gagnera du temps (et sauvera du papier) en disant "Ils se saluèrent, puis Untel demanda..." et d'entrer ensuite dans le vif du sujet, avec une réplique qui fait avancer le récit.

4- Les dialogues informatifs de série télé

Je ne veux pas ici dénigrer les gens qui écrivent pour la télé, mais il faut avouer que les scripteurs télévisuels ont un gros handicap : ils n'ont pas accès à la narration. Alors quand ils veulent nous expliquer quelque chose, il faut que ça passe par le dialogue. Yves Meynard a donné l'exemple canonique de ce qu'est un "dialogue de série télé" juste ici (regardez à la section "dialogue"). En gros, dans un dialogue de série télé, les personnages s'expliquent des choses qu'ils savent déjà, pour le bénéfice du lecteur/spectateur. Les indices clairs qu'on est en présence d'un bout de dialogue dont les renseignements auraient dû nous être passés en narration sont les expressions "Vous n'êtes pas sans savoir..." ou "Comme vous le savez..." S'ils le savent, pourquoi ils en parlent!?!

Cela dit, toute règle est faite pour être brisée. Un dialogue un peu vide ou de série télé, une fois de temps à autre, ça peut servir de ressort d'intrigue. Votre directeur littéraire vous aidera à doser. ;)

mercredi 12 décembre 2018

Direction littéraire (5) - Personnages

Alors, après la cohérence interne, la narration et l'interrogatoire sur vos intentions, vous pensiez qu'on achevait les billets sur la direction littéraire, hein? Que le prochain billet vous parlerait surtout du style...

Tttt! On est par encore rendus là. Faut encore jaser du personnage.

Pour moi (et pour la plupart de directeur littéraire avec lesquels j'ai travaillé), les éventuels problèmes de personnage se résument simplement :

Vos personnages ne doivent pas donner l'impression qu'ils se sont levés ce matin dans le but de tenir leur rôle dans votre récit.

Bref, chaque personnage avait une existence propre avant le début de l'histoire et, à moins qu'il ait tiré le mauvais numéro, il devrait continuer à vivre une fois le texte terminé.

Donc, en créant vos personnages, pensez non seulement à leurs caractéristiques nécessaires dans le cadre de votre récit, mais aussi à quelques traits non nécessaires. Vous écrivez une histoire centrée sur les relations familiales? Vous aurez alors besoin de connaître les familles de tous vos personnages... mais vous pourriez également décréter que tel personnage peint dans ses temps libres et est extrêmement jaloux, que tel autre a un genou raide depuis un accident de ski subi à l'adolescence et est mordu de science-fiction, etc.

Évidemment, une fois introduits, ces détails devraient teinter la réaction de vos personnages à certains événements ou simplement colorer leurs dialogues. (Par exemple, le mordu de science-fiction pourrait, devant un phénomène inexpliqué, penser tout d'abord à l'intervention de super-science ou d'extra-terrestres. Et sa réponse à toute question sur le sens de la vie sera certainement "42".)

Vous n'avez pas besoin de vous apesantir sur ces détails. Ils n'ont pas besoin (et même je dirais qu'ils ne devraient pas) se révéler utiles à l'histoire. Vous en glisserez simplement un mot en passant, à l'occasion, comme ça. Et, soudain, votre personnage prendra vie pour votre lecteur. Il aura l'impression d'être devant une vraie personne, avec son vécu, ses expériences hétéroclites et ses intérêts variés.

En réfléchissant aux expériences antérieures et à la personnalité de vos personnages, il n'est pas non plus nécessaire de doter tout le monde d'un Lourd Passé ou d'un Sinistre Secret (comme on voit trop souvent dans les séries policières où tout le monde a quelque chose à cacher). Le but est de donner une impression de réalisme.

Ne vous en faites pas, le directeur littéraire vous aidera... Mais parfois ce sera d'un commentaire nébuleux comme "Tel personnage manque de profondeur" ou "semble unidimensionnel" ou, pire, "a l'air en carton".

Maintenant, vous saurez ce qu'il veut dire et comment y remédier!

lundi 10 décembre 2018

Direction littéraire (4) - Les intentions

Poursuivons donc ce mélange de réflexions et d'informations visant à démystifier la direction littéraire.

Alors que je parlais de focalisation et de point de vue, dans mon dernier billet, Annie a mentionné en commentaire avoir déjà lu un livre où il semblait que l'histoire aurait été mieux servie si elle avait été narrée par le point de vue d'un autre personnage.

Ça arrive. Et, dans une certaine mesure, je crois que c'est normal.

Écrire, c'est manier un média sans contrainte de budget ou d'espace. On peut pratiquement tout faire avec un texte. Alors il arrive souvent un point, durant une direction littéraire, où une décision difficile doit être prise. Plusieurs choix se présentent, aucun n'est objectivement meilleur que l'autre, cependant le statu quo nuit au texte.

Dans ce cas là, il faut interroger l'auteur sur ses intentions.

Par exemple, alors qu'on retravaillait le premier tome de Hanaken I (où je faisais alterner le point de vue de Yukié et de Sato d'un chapitre à l'autre, en les faisant parler tous les deux au je), Élisabeth m'a demandé "Mais c'est qui le personnage principal? Qui est le plus important pour toi? On va laisser celui-là en je et mettre l'autre à la troisième personne."

En y réfléchissant, je me suis rendue compte que, pour moi, les deux étaient importants. Ils étaient les deux extrêmes, les deux facettes de ce que ça signifiait être samouraï, homme ou femme, conformiste ou pas, loyal envers son seigneur ou envers sa famille... Ce à quoi Élisabeth a répondu "Ok, alors on les met tous les deux à la troisième personne. Et, tu sais... si tu veux présenter les deux facettes, Yukié étant très fonceuse et courageuse, Satô pourrait peut-être être plus craintif?"

Et ainsi est née la peur du noir de Satô. Qui occupe à peine une ligne ici ou là, mais qui approfondit le personnage et mon intention.

Les intentions de l'auteur, ce qui inclut les grands thèmes auxquels il veut toucher dans son texte et les messages qu'il veut passer, doivent être au centre de la direction littéraire. Parce qu'un partie du travail du directeur, ce sera d'aider l'auteur à mettre son intention en valeur, sans pour autant assommer le lecteur à coup de messages!

Pour moi, les intentions se travaillent à petites touches, éparpillées ici et là dans le texte. Elles n'ont pas besoin d'être expliquées au lecteur (j'oserais même dire qu'elles ne le devraient pas), mais elles devraient percoler à travers l'écriture, être ressenties subtilement.

Parfois, l'auteur écrit sans même se rendre compte qu'il a mis un message ou un thème dans son texte. Il a écrit sans intention. Le travail du directeur littéraire sera alors de l'aider à cerner ses motivations inconscientes (oui, je sais, ça semble ésotérique dit de même, mais comme on écrit à partir de soi, on met toujours davantage de nous qu'on ne le pense dans un texte) et de les mettre en valeur.

Car ce sont les intentions, thèmes et messages qui resteront dans la tête du lecteur une fois qu'il aura refermé le livre. Et qui, peut-être, lui donneront envie de le lire de nouveau.

vendredi 7 décembre 2018

Direction littéraire (3) - Question de narration

Poursuivons notre série de billet sur "Une direction littéraire, qu'ossa donne?"

(Entre autres, ça élimine les allusions douteuses qui détonnent avec le reste du texte... Soyez indulgents : mes billets, je les écris sans aide! hihihihi! ;)

Alors une fois la cohérence interne de votre texte rétablie (ou en même temps qu'il vous demande de la corriger), votre directeur littéraire pourrait pointer des problèmes de narration et, surtout, de focalisation.

Si vous savez ce qu'est une narration et une focalisation, sautez les paragraphes qui suivent... 

Le narrateur, c'est la voix qui raconte l'histoire. Ce n'est pas l'auteur, mais ça peut être un personnage ou alors un espèce de point de vue désincarné.

La focalisation, c'est le fait de choisir un personnage et de raconter les événements de son point de vue.

Un narrateur qui parle en "je" est automatiquement focalisé. Mais même un narrateur qui parle des personnages à la troisième personne peut être focalisé s'il suit pendant toute une unité narrative (toute l'histoire ou tout un chapitre ou toute une scène) un seul personnage.

La focalisation en "je" est automatiquement très forte (on est dans la tête du personnage et on entend ses pensées). La focalisation à la troisième personne peut être plus ou moins profonde (on peut intégrer les pensées du personnage à même la narration ou alors les observer avec une certaine distance).

Dans tous les cas, le principe de la focalisation, c'est que le narrateur ne pourra pas affirmer des choses que le personnage-point-de-vue ignore, ni décrire des événements où il n'est pas présent, ni donner des renseignements auxquels le personnage ne pensera pas, parce qu'ils sont trop évidents pour lui. (Pensez-vous au fonctionnement d'une serrure chaque fois que vous entrez chez vous? Pourtant certains textes de SF narré au je ou de manière très focalisée nous décrivent avec moult détails les réflexions des personnages chaque fois qu'ils accomplissent des gestes qui sont, dans leur contexte, banals.)

Et recommencez à lire ici. 

Le directeur littéraire pourra vous pointer les moments où vous avez dérogé de votre focalisation ou alors les passages où un narrateur omniscient triche ou donne le tournis. Il pourrait même (et ça c'est long, pénible, douloureux... et tellement fructueux!) vous suggérer un changement de narrateur, de type de focalisation ou de personnage-point-de-vue.

Selon mon expérience personnelle d'auteure et directrice littéraire, les deux erreurs de narration les plus courantes, c'est de choisir le mauvais personnage pour raconter une histoire (comme j'avais fait dans la première version de ma nouvelle "La Comorte", en racontant le récit du point de vue de la jeune femme traquée plutôt que de celui du soldat qui la recherche) ou de décrocher de notre focalisation en cours de route (en passant sans raison à un narrateur omniscient ou en s'éloignant trop longuement des perceptions de notre personnage-point-de-vue ou tout simplement en affirmant quelque chose que notre personnage-point-de-vue ne pouvait que déduire).

Heureusement, non seulement ces problèmes se corrigent bien une fois qu'on a compris la technique, mais ils peuvent doter un texte de beaucoup de profondeur, en induisant, de manière tout à fait naturelle, une couche de réalisme et de mystère. Après tout, dans la vraie vie, on ne sait jamais exactement ce que les gens autour de nous pensent et ressentent.

mercredi 5 décembre 2018

Direction littéraire (2) - Cohérence interne

Maintenant qu'on sait grosso modo, théoriquement, de quoi il retourne quand on parle de direction littéraire, la question suivante est : concrètement, ça prend quelle forme ce travail sur le texte?

Et c'est là que mon exposé se complique.

Y'a la réponse littérale : ça prend la forme d'un document avec un tas de questions et de changements proposés en commentaires et/ou en suivi des modifications.

Et y'a la réponse réelle : ça dépend du texte, du public visé et du directeur littéraire.

Tous les textes n'auront pas les mêmes faiblesses. Tous les directeurs n'accorderont pas la même priorité aux différents éléments. Et on ne travaillera pas une histoire absurde de la même manière qu'un récit de science-fiction, une nouvelle jeunesse comme un roman pour adulte, un poème comme un récit, etc. C'est peut-être pour ça que la notion de direction littéraire reste très obscure. J'ai travaillé avec une quinzaine de directeurs littéraires différents à ce jour et aucun n'avait la même approche.

Cependant, il y a des points communs, qui feront l'objet de ce billet et des suivants. Notez toutefois que je vais vous présenter ces points les uns après les autres, dans un ordre que j'espère logique, mais, dans la vraie vie, les directeurs auront tendance à renvoyer des commentaires sur tous ces aspects-là en même temps, entremêlés les uns aux autres!

La première chose qu'un directeur littéraire devrait observer au sujet d'un texte, c'est sa cohérence interne. C'est-à-dire que le récit doit se dérouler en accord avec les règles qu'il présente ou qu'on peut supposer.

C'est l'étape que je résume souvent en disant "Est-ce que le revolver laissé dans un tiroir au chapitre 2 apparaît dans la poche du personnage au chapitre 4?". Ou, si vous préférez une sauce fantasy : "Est-ce que votre personnage capable de jeter un sort de lévitation restera stupidement au fond du trou où il sera tombé?" Ou encore, façon SF, "Comment justifier la survivance d'un système économique capitaliste si on a découvert une technologie permettant de créer de la nourriture et de l'énergie à partir de rien?"

Évidemment, il s'agit là d'erreurs grossières de cohérence. Souvent, celles-ci sont plus subtiles.

Par exemple, l'auteur a imaginé un personnage principal timide, mais au milieu du texte, il change brusquement de personnalité et devient un meneur d'hommes aux discours inspirés et inspirants. Oups... Le directeur l'invitera probablement à corriger le début du texte (pour éliminer la timidité du personnage, ce qui changera ses actions et réactions et demandera sans doute la réécriture de plusieurs scènes) ou à trouver une maudite bonne explication  pour justifier ce changement de personnalité (explication qu'il faudra mettre en scène) ou alors à éliminer les discours ou, à tout le moins, à raconter que le personnage est malade avant ou après ses allocutions.

Parfois, les questions de cohérence sont primordiales et exigent une réécriture en profondeur du texte. D'autres fois, elles seront plus accessoires et se corrigeront en une phrase ou deux, sans toucher au gros de l'intrigue.

En tant qu'auteur, les problèmes de cohérence, même cosmétiques, sont souvent les plus douloureux à corriger, car ils touchent au fond du récit, à l'histoire telle qu'on l'avait imaginée. Toutefois, comme ils peuvent affecter la capacité d'un lecteur à croire en notre récit, ils ne peuvent pas être écartés.

D'ailleurs, je transpire depuis un an sur la réécriture de mon roman policier justement parce qu'il souffrait d'un problème de cohérence interne associé aux motivations de mon "méchant". J'ai trouvé une solution, mais qui exige que je retouche toutes les scènes du roman!

lundi 3 décembre 2018

Direction littéraire (1) - Kossé cé ça?

Dans "Écrire et publier au Québec", mes complices et moi avons abordé le sujet de la direction littéraire, de manière théorique.

Cette semaine et la suivante, j'aimerais l'aborder d'un point de vue pratique, avec des exemples concrets, pigés dans mes archives. 

Mais d'abord, j'aimerais mettre quelques détails au clair : 

1- La direction littéraire, c'est le processus éditorial qui permet à l'auteur de dialoguer avec quelqu'un d'autre au sujet de son texte, afin d'en identifier les forces, les faiblesses et d'améliorer généralement son oeuvre.

2- Oui, avant même la direction littéraire, un texte peut être déjà publiable. Dans ces cas-là, la direction permettra d'amener le texte à un niveau nettement supérieur. Souvent, par contre, le texte n'est pas publiable en l'état. Il y a des éléments qui ont attiré l'oeil de l'éditeur, mais il y a aussi de grosses faiblesses, qui devront être corrigées. 

3- La direction littéraire ce n'est pas (ou entk, ça ne devrait pas être) une dictature : le directeur propose, l'auteur dispose. Parfois, le directeur va dire "tel élément doit être changé sinon le texte n'est pas publiable", mais l'auteur sera toujours libre des moyens par lesquels il veut régler les problèmes identifiés (même si, souvent, le directeur suggérera des solutions). Je l'ai dit plus haut :la direction, c'est un dialogue, un échange. 

4- Le but de la direction littéraire est double : améliorer le texte et développer la technique de l'auteur. Personnellement, j'ai appris de nouveaux outils narratifs, identifiés de nouveaux tics d'écriture et découvert de nouvelles manières de raconter à chaque nouvelle direction littéraire. 

5- La direction littéraire ne dépossède pas l'auteur de son texte. En fait, les questions que le directeur littéraire devraient poser le plus souvent, c'est "qu'est-ce que tu essayais de faire ici?" et "qu'est-ce que tu essaies de dire avec ce texte?". Par contre, il peut amener le texte dans une direction que l'auteur n'avait pas conscience d'avoir empruntée. 

En tant qu'auteur, il y a toujours un écart entre ce qu'on a en tête et ce qu'on réussit effectivement à mettre sur le papier. La direction littéraire, pour moi, c'est l'étape qui permet de combler cet écart, de rapprocher ce que j'ai imaginé de ce que j'ai effectivement écrit. (D'autres personnes ont d'autres visions de la direction littéraire. Pour les connaître, z'avez qu'à acheter le bouquin! :p )

Mercredi, je vais vous montrer quelle forme ce travail peut prendre. 

En entendant, est-ce que la nature de la direction littéraire est plus claire? Les copains, est-ce que j'ai oublié des éléments?