Woah!
Mine de rien, le blogue a cinq ans aujourd'hui!
En comptant 3 à 5 billets par semaine, ça en fait des réflexions, des folies, des anecdotes, des tranches de vie, des scènes de bureau ou de salon du livre, quelques auto-promotions éhontées... Mais surtout, ça en fait des commentaires et des gens qui sont passés me lire! :)
Merci, ça me fait toujours plaisir de vous jaser par page web interposée! :) Dans le fond, c'est pour le plaisir de lire vos réactions que je publie aussi régulièrement depuis si longtemps. Bientôt, le rythme va diminuer pendant quelques mois, mais je me promets de revenir dès que je le pourrai.
En attendant, pour souligner en beauté l'anniversaire du blogue, voilà un petit texte inédit. Il a été créé durant le concours d'écriture sur place du Boréal 2012.
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La femme sous le cèdre
Dès que
les vaches commencèrent à mourir au village, Briette s’inquiéta.
Leur maladie ne semblait pas naturelle. Seuls les mâles
reproducteurs et les meilleures femelles laitières furent touchées.
Les malingres troupeaux des serfs, eux, ne se portèrent ni mieux, ni
pire qu’auparavant.
Quand le
mot « sorcellerie » fut prononcé, tous les regards se
tournèrent vers Briette. Jolie, deux fois veuve alors qu’elle
n’avait pas vingt ans, sans enfant… Elle était une proie facile,
une cible toute désignée pour le premier inquisiteur venu.
Et celui
qui débarqua au village, appelé à grand renfort de lettres par le
curé de la paroisse, se révéla de la pire espèce : jeune,
avec le regard fiévreux, la parole emportée et le geste brutal des
abstinents peu convaincus.
Briette
lut sa condamnation dans ses yeux dès leur première rencontre, très
brève, sur la place du village. Elle ne savait pas combien de temps
il ferait mine d’enquêter avant de porter ses accusations, mais
elle avait résolu de trouver, d’ici-là, un moyen de le manipuler,
peut-être même de le convaincre de quitter le village.
Elle
commença à le suivre, de loin, dès qu’il s’éloignait des
habitations. Elle espérait le surprendre à culbuter une serve ou à
négliger l’un de ses devoirs d’homme de Dieu.
Il lui
fallait un moyen de pression, n’importe lequel!
Un jour,
l’inquisiteur, comme il en avait l’habitude, partit faire une
promenade en forêt. Briette, bien plus habile que lui à se déplacer
sans bruit, lui emboîta le pas. Or, ce jour là, l’inquisiteur,
sitôt arrivé dans une clairière, s’arrêta.
Pendant
un long moment, il resta là, sans bouger. Briette, tapie sous un
cèdre, à l’affût, attendit. Et attendit.
La
lumière du jour devint celle, rasante, du crépuscule. Autour de
Briette, le parfum entêtant du cèdre monta dans la fraîcheur du
soir.
Comme
l’inquisiteur ne bougeait toujours pas, Briette soupesa dans sa
main le couteau qui ne la quittait pas. Saurait-elle s’approcher de
lui, le prendre par surprise et…
Elle
n’avait pas encore formulé sa pensée lorsque l’inquisiteur
entama une lugubre psalmodie, à l’intention de la lune qui se
levait lentement à l’horizon, au-dessus des frondaisons sombres de
la forêt.
Briette
tendit l’oreille. Elle ne connaissait pas ce chant. Il racontait la
ruine des nobles, la mort de leur bétail, la fin de leur emprise sur
un village convoité…
En
réponse à l’incantation, une silhouette sombre, pareille à une
noire fumée, apparut devant l’inquisiteur.
Toujours
à l’affût sous le cèdre, Briette sentit son souffle se bloquer
dans sa gorge et ses mains devenir glaciales. Un démon.
L’inquisiteur avait invoqué un démon!
Heureusement
qu’elle n’avait pas tenté de lui trancher la gorge tout à
l’heure. Il ne serait pas mort paisiblement, comme son premier
époux. Et elle aurait manqué l’occasion d’apprendre une
nouvelle invocation.
Tandis
que l’inquisiteur discutait avec le démon, Briette s’installa
plus à son aise sous le cèdre. Plus tard, l’inquisiteur
partirait. Alors, Briette prendrait sa place, emprunterait son chant
et s’emparerait de son démon-servant.
Les nobles de la région
la payaient depuis si longtemps, elle n'allait pas laisser un inquisiteur
aux velléités de nécromant détruire son village.
13 commentaires:
Bonne fête :)
Je ne te lis que depuis quatre ans, mais je peux dire que ç'a été un plaisir de te voir aller, bon temps mauvais temps.
Longue vie à Gen!
@Carl : Merci! :) J'vais essayer de continuer malgré les chamboulements qui s'en viennent! ;)
Joyeux bloganniversaire!
Héhé, bon texte! Félicitations pour le bloguanniversaire, et longue vie. Surtout pas de pression pour la suite, on saura bien s'ajuster à tes nouvelles disponibilités de maman!
@Prospéryne : Merci! :)
@Hélène : C'est gentil! ;) On verra bien ce que ça donnera!
Bon anniversaire de blogue! Comme on va vouloir des nouvelles de toi, ton chum et du bébé, va bien falloir que tu continues même quand bébé-fille sera née!
Bon, ton histoire est bien écrite, c'est certain, ton talent est confirmé! Mais moi, ce qui me tient loin de ce genre de littérature, malgré quelques essais (je voulais écrire plusieurs, mais je crois à la vérité...), c'est que je me sens toujours totalement idiote parce que je ne comprends pas la fin de l'histoire, donc le punch, donc honte et frustration.
Les nobles de la région la paient pourquoi donc? Et c'est l'inquisiteur qui tue les vaches? Mais pourquoi il fait ça? Briette a bel et bien tué son dernier mari et le confesse. Pourquoi? Il savait que les nobles la payaient? Elle a tué le premier mari pour la même raison?
Bon, pas nécessaire de répondre à mes questions. J'ai toujours l'impression que tout le monde comprend toujours la finale comme une évidence, alors que pour moi... non.
@Femme libre : Avec une histoire aussi courte que celle-ci, le jeu est justement celui des suppositions.
Au début, je vous laisse croire que Briette n'est qu'une pauvre femme, victime de médisances.
Puis on découvre qu'elle est loin d'être innocente (c'est vraiment une sorcière, payée par les nobles pour les protéger).
C'est sûr que si on veut toutes les réponses, idéalement faut se ternir loin des courtes nouvelles littéraires, surtout fantastiques! ;)
Bonne fête blogue! :0)
Je te souhaite un joyeux bloganniversaire (joli mot!)
J'ai découvert ton blogue l'an dernier grâce à un lien au sujet des employés surqualifiés (si je me souviens bien). J'y ai été tout de suite accrochée.
Félicitations pour le bébé, en passant.
J'ai bien aimé le punch de ta petite histoire.
Suzie
Ça ne fait que 1an environ que je lis ton blogue, mais je crois tu sais déjà à quel point je suis une fan :)
@Luc : Merci!
@Suzie : Merci pour le bébé! :) Et je suis vraiment contente de voir que tu as accroché au blogue. :) (Y'a pas plus beau compliment à faire à un écrivain que de dire "je t'ai lu par hasard... et je suis revenue!" ;)
@Gaby : Et ta présence enthousiaste est toujours la bienvenue! :)
Je suis là depuis le début, alors bonne fête et bisous !
@Richard : C'est vrai, tu as vu mon blogue grandir! :) (mais pas tellement changer! lolol!)
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