En 2012, les étudiants sont descendus dans les rues pour protester contre l'augmentation des frais de scolarité. Ce qu'ils demandaient? La gratuité.
Ce qu'on leur a répondu? Essentiellement qu'à 4000$ par an de frais de scolarité, ils devraient fermer leur gueule, payer et arrêter de rêver en couleurs. Qu'il n'était pas question que toute la province paie pour leur assurer un bel avenir. Que les frais de scolarité, c'est un investissement.
On a envoyé la police casser les manifs (ce qui nous a permis d'entendre certains commentaires assez disgracieux de la part de nos forces de l'ordre), on a créé des lois et règlements permettant d'arrêter plus facilement les manifestants, il y a eu des élections, le mouvement s'est essoufflé et tout a fini par se placer.
Ces jours-ci, ce sont les policiers, les pompiers et les cols bleus qui sont dans les rues, pour protester contre les coupes envisagées dans leurs régimes de retraite. Ce qu'ils demandent? Que le projet de loi proposé soit rejeté et que les villes négocient de bonne foi. Sauf que ça fait des années que les villes négocient et se retrouvent devant les mêmes demandes syndicales, c'est-à-dire que le déficit soit comblé sans piger dans les poches des travailleurs et sans diminuer les rentes promises. Même si ledit déficit est en train de mettre les budgets de toutes les villes en péril, forçant le gouvernement provincial à intervenir.
Selon ce que j'ai lu ce matin, plusieurs policiers, pompiers et cols bleus devraient assumer, si le projet de loi passe tel que proposé, des cotisations supplémentaires de l'ordre de 4000$ par an pour s'assurer le même revenu de retraite que prévu initialement.
4000$ par an, hein? La symétrie m'a fait sourire.
Dites, 4000$ par an pour s'assurer de conserver une retraite en béton armé (avec rente à vie indexée au coût de la vie), ça me semble un bon investissement. Y'a pas beaucoup de gens dans la province qui prendront leur retraite avec des conditions pareilles (moins d'un travailleur sur 5 en fait). Faudrait que tout le monde paie pour eux?
Qui est-ce qui rêve en couleurs maintenant?
Je prédis que la cause n'attirera pas beaucoup plus de sympathie que le mouvement étudiant... Surtout si les employés municipaux se mettent eux aussi à bloquer des rues et allumer des feux!
Une chose est sûre : si les syndicats des pompiers organisent une maNUfestation, je sens qu'elle ne manquera pas de spectatrices! :p
(Et oui, je sais, on nous sort des histoires de congés de cotisation pris par les villes, de retraités qui ne verront plus leurs rentes indexées, etc... Mais il reste que même après restructuration, les employés municipaux conserveront un régime de retraite à prestations déterminées, c'est-à-dire des rentes à vie. Ils sont chanceux : quand un employeur non gouvernemental se retrouve avec un régime à prestations déterminées dans le rouge, il est bien souvent forcé de l'abandonner complètement. Je le sais : je l'ai vécu avec un ancien employeur. Alors à leur place, j'avalerais la pilule avant que des lois plus restrictives ne soient proposées. Les libéraux ont clairement fait connaître leurs intentions : tôt ou tard, on passera tous à la caisse.)
6 commentaires:
Moi, c'est surtout, la dysymétrie qui m'a fait sourire: les étudiants ne fournissent pas leur itinéraire? On déclare la manifestation illégale. Ils jettent quelques pierres? On les arrête illico! Les policiers n'ont pas plus donné leur itinéraire et même pire, ils ont allumé un feu! Qui auraient pu se propager! Arrestations? Niet! Le président de la Fraternité des policiers défend même les actions de son syndicat. Quand on parle de deux poids deux mesures... Au fait, dans le cas de Montréal, des négociations ont déjà été menées et certains accords conclus qui contentaient les deux partis. Sauf que le projet de loi fait sauter ces accords en durcissant les conditions pour les employés et les retraités. Voilà en bonne partie les raisons de leur colère.
@Prospéryne : Selon ce que j'ai compris, des accords contentaient les parties, du côté de certains syndicats, mais sans régler le problème du déficit accumulé. (Et c'était pas avec tous les syndicats qu'il y avait des ententes).
Remarque, je les comprends d'être en colère moi aussi, c'est jamais joyeux de se faire démolir son régime de retraite (comme je disais, je l'ai vécu).
Mais c'est vraiment ce "deux poids, deux mesures", qui fait sourire la cynique en moi ce matin! ;)
Ces fonctionnaires gâtés n'ont certainement pas la sympathie populaire. Mais ils sont plus compliqués à contrôler, difficile d'appeler la police et les pompiers pour assurer la paix quand ce sont eux qui font du trouble et allument des feux!
@Femme libre : En effet, ils sont plus compliqués à contrôler.
Sauf qu'ils ont pas un gouvernement minoritaire en face d'eux.
Je connais des procureurs de la couronne qui ont amèrement regretté de ne pas avoir négocié pendant qu'ils le pouvaient encore...
Le débat est complexe et je n'ai pas envie de faire un billet de blogue là-dessus dans tes commentaires, surtout que je ne suis pas une spécialiste de cette question.
Deux textes toutefois m'ont fait réfléchir dernièrement sur cette question. Pour la symétrie, Gabriel Nadeau-Dubois s'est amusé aussi à la souligner:
http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201406/19/01-4777384-lettre-dun-etudiant-aux-policiers-qui-manifestent.php
L'autre texte est à propos de ces "privilégiés" qui ont de super régimes de retraite. J'avoue que ça me tombe un peu sur les nerfs quand on dit ça. Parce qu'à ce que je sache, ces gens-là font toujours partie de ce qu'on nomme "classe moyenne", ils sont donc assez lourdement imposés pour le salaire qu'ils gagnent. Si on trouve qu'ils sont encore trop gâtés, prônons plutôt une répartition différente des impôts (par exemple avec plus de paliers, et là-dessus, je suis pour à 100%).
Parce que ce discours des "privilégiés", il ne vise pas nécessairement une classe si différente de nous. Et il revient aussi quand on parle de leur salaire "faramineux" de fonctionnaires, que ce soit au provincial, au fédéral ou au municipal.
Je trouve ça dangereux. Parce que leurs conditions, tiens!, moi aussi j'aimerais bien les avoir (mais je ne les espère plus, ce qui restera d'emplois qui ont du bon sens quand j'aurai terminé mes études, ce sera des miettes).
Je trouve pourtant que ces conditions sont dignes. Pire encore: je trouve même que j'augmenterais certaines catégories de travailleurs (infirmiers, professeurs, par exemple, éducateurs).
Et puis, en prônant une diminution du monde qui ne gagne pas le paradis (étant donné que leurs salaires sont plus bas qu'à d'autres endroits À CAUSE d'avantages connexes comme les régimes de retraite et les aménagements de temps de travail, etc.), on est en train de prôner une baisse généralisée des salaires (parce que le secteur public, c'est plus de 40% de notre économie!) et de s'embarquer dans une spirale de baisse de la consommation (avec le vieillissement de la population, ça n'aidera pas non plus).
C'est Gérard Fillion qui exprime le mieux ce que je veux dire:
"Pas moins de 61 % des Québécois n’ont pas de régime de retraite à prestations ou à cotisations déterminées. Doit-on réduire les avantages de ceux et celles qui ont accès à un régime parce que la majorité n’a pas de régime de retraite? Ou devrait-on plutôt améliorer le sort des retraités et futurs retraités qui n’ont presque pas de moyens à 65 ans?"
http://blogues.radio-canada.ca/geraldfillion/2014/06/19/retraite-quel-est-le-vrai-probleme/
Ce qui me trouble aussi, c'est qu'on envisage toujours les mêmes solutions: couper. Pourquoi ne pas revoir la façon dont les villes reçoivent une rémunération? Il n'y a pas que les taxes municipales qui pourraient servir à ça (et donc pas seulement aux citoyens d'assumer toute la charge). Là-dessus, je suis un peu dans le vide, car j'ai l'impression qu'il n'y a qu'un seul discours, mais je reste convaincue qu'il pourrait y avoir d'autres solutions plus équitables pour tous. Mais ce n'est pas nos décideurs qui vont les trouver, ils ont toujours la même rengaine en bouche.
Bref l'avenir que j'envisage, que ce soit pour mon propre travail, ma retraite ou ma société, il est plutôt sombre. Je ne peux reprocher aux étudiants de 2012 d'avoir rêvé d'un monde meilleur, basé sur des discours économiques plus variés. Et je ne peux reprocher non plus aux fonctionnaires de refuser de se faire rentrer dans la gorge des conditions imposées.
Et ils ont en plus à supporter le mépris de leurs concitoyens. J'ai déjà failli lâcher une job à cause de ça.
@Nomadesse : Comme je le souligne dans le billet, on va tous passer à la caisse. Oui, des solutions originales et différentes ce serait bien (et des prestations déterminées pour tous, ce serait le paradis!), mais ce sont les Libéraux qui sont au pouvoir. Alors ça donne rien de brailler quand le couperet tombe : fallait s'y attendre. (Tiens, j'aimerais bien savoir pour qui ils ont voté ces policiers et ces pompiers...)
Je m'amusais juste (cyniquement)du fait que les policiers manifestent présentement pour environ le même montant qui les a amenés dernièrement à taper sur les étudiants. Chacun son tour on dirait...
Et je dois souligner que les régimes à prestations déterminées reposent sur des paramètres économiques qui ont malheureusement changé depuis longtemps (baisse des taux d'intérêt, hausse de la longévité, baisse démographique). Les régimes qui sont restés viables s'y sont adaptés (ceux des profs et des infirmières justement) en augmentant les cotisations ou en diminuant les rentes promises. Les syndicats des municipalités ont réussi pendant des années à bloquer ces modifications, forçant les villes à augmenter les taxes et à accumuler des déficits... et là ça vient de péter. C'est plate pour eux, mais c'était à prévoir.
Et on ne parle pas des fonctionnaires en général ici, mais bien des employés municipaux. Qui, oui, les études n'arrêtent pas de le souligner, sont relativement privilégiés, car ils ont des salaires comparables aux employés du privé et des avantages sociaux comparables à ceux de la fonction publique.
L'argument voulant qu'ils ont choisi "des postes moins payants" pour avoir des avantages sociaux, il est peut-être vrai pour les avocats et les comptables, mais pas pour les secrétaires, pompiers, policiers, cols bleus, etc. Le privé, pour eux, n'existe pas ou est moins payant. (J'ai pu goûter aux conditions de travail des secrétaires au privé, au public et au municipal... En cas de besoin, c'est pour une ville que j'irais travailler, coupe dans les régimes de retraite ou pas!!!)
Et je ne pense pas qu'ils avaient, avant la crise en cours, à supporter le mépris des citoyens. Là, par contre, la majorité des gens ayant tendance à jalouser les conditions de travail de leur prochain, ça se peut qu'ils y goûtent, oui.
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