vendredi 5 avril 2019

C'est le temps d'appuyer Copibec

Pendant le salon du livre de Trois-Rivières, des représentants de Copibec m'ont remis (ainsi qu'à mes deux co-auteurs de Écrire et publier au Québec) un document d'information et une invitation à diffuser cette information sur mon blogue. Tiens donc, ça concernait une question de droit. Je sais pas pourquoi quelqu'un a pensé à moi pour faire un peu de vulgarisation juridique... *sifflement innocent*

Plus sérieusement, je sais pas si vous vous souvenez, mais, en 2012, le gouvernement fédéral conservateur a "modernisé" la Loi sur le droit d'auteur. Entre autres modifications, il a élargi la notion de "l'utilisation équitable" (et donc gratuite) d'une oeuvre.

C'est quoi cette histoire-là?

L'utilisation équitable, c'est un concept un peu flou, mal défini dans la loi. À l'origine (avant 2012), cette utilisation équitable d'une oeuvre protégée par les droits d'auteurs était réservée aux fins d'études, de recherches, de compte-rendu et de communication des nouvelles, tant que cet usage ne permettait pas un gain d'argent. Autrement dit, on permettrait aux chercheurs, étudiants, critiques artistiques et journalistes de copier, sans frais et sans que ça viole le droit d'auteur, des extraits d'oeuvres et d'en insérer des citations dans leurs travaux et articles, à condition d'indiquer la source originale (et à condition que la présence de la citation ne soit pas un argument de vente).

Jusque là, c'était logique. Personne ne veut empêcher un étudiant de photocopier un chapitre d'un ouvrage de référence (de toute manière, la bibliothèque verse probablement un montant à Copibec pour avoir le droit d'avoir un photocopieur sur place), de l'emporter chez lui pour le lire et de le citer dans son travail de recherche. De la même manière, on est bien contents quand un journaliste cite un paragraphe du roman à la fin de son article sur un écrivain.

Dans les situations qui n'étaient pas couvertes par la notion d'utilisation équitable, notamment le secteur de l'éducation (où les profs reproduisent des articles ou des chapitres de livre dans leurs recueils de textes ou leur matériel pédagogique), on pouvait demander à Copibec une "licence d'utilisation" générale (qui permettait, en échange de frais annuels, de copier jusqu'à 10% des ouvrages de référence ou des articles entiers ou des chapitres entiers) ou alors une "autorisation particulière" (si on voulait reproduire plus largement une oeuvre précise, par exemple 3 chapitres d'un livre qui n'en compte que 4).

Cependant, en 2012, le concept d'utilisation équitable a été élargi. Il est maintenant permis de reproduire des extraits d'oeuvre à des fins de parodie, de satire... ou d'éducation. C'est surtout cette dernière exception qui intéresse les écrivains.

On peut imaginer que le gouvernement voulait éviter au prof qui présente à ses élèves une image ou un poème trouvé vite-vite la veille sur Internet de se faire taper sur les doigts parce qu'il n'a pas respecté les droits d'auteur. Malheureusement, les institutions d'enseignement n'ont pas compris les choses de la même façon.

Plusieurs ont décidé que ce qui était auparavant couvert par les licences d'utilisation générales de Copibec était désormais gratuit.

Et c'est là que les écrivains se sont mis à souffrir.

Au Québec, on a été relativement épargnés. Copibec a perdu 50% des licences payées par les universités (vous vous souvenez peut-être des poursuites intentées contre l'Université Laval?) et 20% de celles payées par les cégeps. Dans le reste du Canada, les redevances perçues par Access Copyright (la version anglophone de Copibec) ont chuté de 80%.

Le pire dans tout ça? À ce qu'on me dit, les redevances payées à Copibec (et donc aux auteurs et éditeurs) sous forme de licences générales ou d'autorisations particulières ne représentaient même pas 1% des budgets de fonctionnement des institutions d'enseignement. Ce n'est donc pas une économie importante... mais c'est une économie qui pourrait faire très mal à la longue, parce qu'en appauvrissant (encore) les créateurs, on court le risque qu'ils produisent moins de bon matériel pédagogique dans le futur!

C'est bien beau tout ça et vous êtes convaincus que ça n'a pas de bon sens, mais vous vous demandez ce que vous pouvez y faire? Après tout, la loi est déjà en vigueur...

Eh bien, justement, la loi va être réexaminée cette année afin de mesurer ses impacts sur les créateurs. Ce serait donc le moment de se faire entendre et de demander que l'exception pour l'éducation soit clarifiée et que les institutions d'enseignement recommencent à payer des licences pour utiliser nos oeuvres.

Ça vous intéresse? Signez là!

6 commentaires:

Prospéryne a dit…

Fait!

Gen a dit…

@Prospéryne : Super! Après ça, il te restera juste à te créer ton dossier et à enregistrer tes parutions! (y compris les nouvelles dans Solaris!)

Prospéryne a dit…

Tu me rappelles que je ne l'ai pas encore fait... Merci!

Gen a dit…

@Prospéryne : D'habitude, je le fais au début de chaque année (pour l'année précédente), ça évite d'être toujours rendus là ou d'oublier. Une fois notre dossier créé, ils nous envoient des rappels quand ils s'apprêtent à émettre des chèques pour qu'on mette nos dossiers à jour.

Daniel Blouin a dit…

J'ai signé !
En tant qu'enseignant j'utilise très souvent du matériel trouvé sur internet et parfois une section ou un chapitre entier d'un livre. C'est la moindre des choses que mon institution dédommage les auteurs par l'entremise de Copiebec.
Au Cegep, il y a très peu de budget pour les photocopies (il y en a essentiellement pour les copies d'examens et quelques feuilles d'exercices) et pratiquement zéro pour l'achat de livres ou de manuels. La facture doit être refilée aux étudiants qui eux ne sautent pas de joie à l'achat d'un receuil de photocopies à 20$ ou un livre à 100$ ou plus. Mais ils n'apprécient pas non plus les cours où ils sont obligés de prendre leurs propres notes (alors qu'il est reconnu que cela facilite l'apprentissage et la mémorisation des notions).
Personnellement, je privilégie l'utilisation de documents électroniques sous forme de liens vers des pages web (pour des textes ou des vidéos) ou des fichiers pdf, word, powerpoint, excel, etc.). Mais il y a une certaine limite à ce qu'on peut demander aux gens de lire sur leur ordinateur et nous n'avons pas une politique d'ordinateur obligatoire pour chaque étudiants. Je remarque en passant que plusieurs utilisent leur téléphone intelligent pour faire certaines lectures.
Donc, l'utilisation de matériel "glané" un peu partout et refilé aux étudiants sous forme de notions à prendre en note, de photocopies ou de documents électroniques est très répandue. Il m'apparaît donc tout à fait logique qu'un mécanisme assure aux auteurs un revenu minimum général de toute cette "belle" liberté pédagogique que l'on s'accorde...

Gen a dit…

@Daniel : En effet, me semble que c'est normal, si vous voulez avoir encore du matériel dans quelques années! Pis tu regarderas sur le site de Copibec, il y a l'outil Samuel qui est, si j'ai bien compris, une banque d'articles et d'autres documents tout prêts pour l'impression (en recueil de texte ou en partage direct aux étudiants). ;)