mercredi 12 décembre 2018

Direction littéraire (5) - Personnages

Alors, après la cohérence interne, la narration et l'interrogatoire sur vos intentions, vous pensiez qu'on achevait les billets sur la direction littéraire, hein? Que le prochain billet vous parlerait surtout du style...

Tttt! On est par encore rendus là. Faut encore jaser du personnage.

Pour moi (et pour la plupart de directeur littéraire avec lesquels j'ai travaillé), les éventuels problèmes de personnage se résument simplement :

Vos personnages ne doivent pas donner l'impression qu'ils se sont levés ce matin dans le but de tenir leur rôle dans votre récit.

Bref, chaque personnage avait une existence propre avant le début de l'histoire et, à moins qu'il ait tiré le mauvais numéro, il devrait continuer à vivre une fois le texte terminé.

Donc, en créant vos personnages, pensez non seulement à leurs caractéristiques nécessaires dans le cadre de votre récit, mais aussi à quelques traits non nécessaires. Vous écrivez une histoire centrée sur les relations familiales? Vous aurez alors besoin de connaître les familles de tous vos personnages... mais vous pourriez également décréter que tel personnage peint dans ses temps libres et est extrêmement jaloux, que tel autre a un genou raide depuis un accident de ski subi à l'adolescence et est mordu de science-fiction, etc.

Évidemment, une fois introduits, ces détails devraient teinter la réaction de vos personnages à certains événements ou simplement colorer leurs dialogues. (Par exemple, le mordu de science-fiction pourrait, devant un phénomène inexpliqué, penser tout d'abord à l'intervention de super-science ou d'extra-terrestres. Et sa réponse à toute question sur le sens de la vie sera certainement "42".)

Vous n'avez pas besoin de vous apesantir sur ces détails. Ils n'ont pas besoin (et même je dirais qu'ils ne devraient pas) se révéler utiles à l'histoire. Vous en glisserez simplement un mot en passant, à l'occasion, comme ça. Et, soudain, votre personnage prendra vie pour votre lecteur. Il aura l'impression d'être devant une vraie personne, avec son vécu, ses expériences hétéroclites et ses intérêts variés.

En réfléchissant aux expériences antérieures et à la personnalité de vos personnages, il n'est pas non plus nécessaire de doter tout le monde d'un Lourd Passé ou d'un Sinistre Secret (comme on voit trop souvent dans les séries policières où tout le monde a quelque chose à cacher). Le but est de donner une impression de réalisme.

Ne vous en faites pas, le directeur littéraire vous aidera... Mais parfois ce sera d'un commentaire nébuleux comme "Tel personnage manque de profondeur" ou "semble unidimensionnel" ou, pire, "a l'air en carton".

Maintenant, vous saurez ce qu'il veut dire et comment y remédier!

7 commentaires:

Prospéryne a dit…

Commentaires hautement pertinents sempaï! Ceci dit, j'ai toujours admiré la technique d'auteure de J.K. Rowling sur ce point: elle a écrit toute l'histoire de ses personnages depuis l'enfance. Ok, c'est un peu intense, mais ça paraît sur la page. Pour un texte plus court, c'est pas nécessaire, mais une base est essentielle. Ça évite de se faire demander en plein atelier pourquoi ton personnage agit de telle façon si on lui a donné tel caractère...

Prospéryne a dit…

Mais j'y pense, tu parles peu de dialogues dans ce billet... Presque juste des personnages!

Gen a dit…

@Prospéryne : Zut, j'ai oublié de changer le titre du billet! :p

Et même dans des textes courts, je me raconte en gros la vie et l'enfance de mes personnages.

Alain a dit…

Il y a un conseil que la Grande Dame a répété plusieurs fois et qui m'est resté: "On agit jamais pour une seule raison".

Pour que les agissements d'un personnage soient crédibles, ils doivent pouvoir s'expliquer d'au moins deux façons différentes, sinon on tombe dans le personnage carton-pâte.

(Pour prendre un exemple connu: Batman qui arrête d'attaquer Superman en entendant le nom "Martha")

Il n'est généralement pas nécessaire de spécifier toutes les motivations sur la page, mais elles doivent être cohérentes avec ce qu'on sait.

Gen a dit…

@Alain : Je ne crois pas que toutes les actions ont besoin de deux motivations (ex : j'ai faim = je mange, ça se passe de sous-texte la plupart du temps! lol!), mais oui, les décisions importantes devraient s'expliquer par plus d'un motif.

Et avec la notion "tout n'a pas besoin d'être sur la page", tu touches à un billet à venir! ;)

Prospéryne a dit…

J'ai hâte à ce billet moi!

Excellente série en passant! :)

Gen a dit…

@Prospéryne : Ça s'en vient! Et merci pour la série (ça a demandé quand même pas mal de temps de rédaction!!)