mercredi 4 novembre 2015

L'écrivaine et la famille

La plupart des écrivaines que j'admire n'ont jamais eu d'enfant. Et celles qui ont été interrogées à ce sujet ont été très franches : elles savent que si elles avaient eu une famille, elles n'auraient pas connu la même carrière littéraire. Elles auraient écrit moins. Ou commencé plus tard. Ou peut-être jamais, qui sait?

Dès que j'ai commencé à publier, je me suis fait une promesse : moi, je parviendrais à concilier famille et écriture. Je ne savais juste pas comment.

Dans ma tête d'écrivaine débutante, je croyais encore qu'il me serait possible d'occuper un boulot à temps plein, d'avoir deux enfants et d'écrire à temps partiel. Je me disais que même si je devais passer quelques années sans écrire quand mes enfants seraient jeunes, j'y survivrais. Ahahahaha! Elle est bonne! Heureusement que la vie m'a permis d'abandonner le boulot à temps plein. Parce que je sais à présent que, non, je ne peux pas survivre à une longue période sans écrire. À chaque fois, je frôle la dépression.

Quand j'ai pu me libérer de l'emploi alimentaire, avec la puce à l'état d'embryon dans ma bedaine, je pensais encore, naïvement, que ma fille aurait bientôt un petit frère ou une petite sœur pour lui tenir compagnie. Après tout, je connaissais plein d'écrivains qui avaient plusieurs enfants et une belle carrière. J'avais juste oublié un détail : ces écrivains, masculins, avaient l'avantage tout simple de ne pas être la maman! Maintenant, je vois bien que même si mon chum est le papa le plus génial que la terre ait portée (à la limite, j'accepte qu'il soit ex-aequo avec d'autres), il finit toujours par arriver un moment où c'est moi que ma puce veut voir. D'habitude, ça coïncide avec l'instant où je viens enfin de me concentrer sur mon texte.  

Oh, il y a aussi des écrivaines avec multiples enfants qui ont des carrières intéressantes. Mais elles ont souvent commencé sur le tard, une fois les enfants élevés. Enfants qu'elles ont eu jeunes. Ce qui n'est pas mon cas. (Remarquez, j'ai bien essayé, mais la nature voulait pas). Recommencer ma carrière littéraire à 50 ans, merci, mais non!

De toute façon, ces rêves d'un deuxième bébé, c'était avant les complications de la grossesse et les problèmes de la puce à la naissance. C'était avant, aussi, que je découvre les limites de ma patience. J'adore ma puce, mais garder mon calme pendant ses crises, rester douce quand elle devient agressive, demeurer zen quand elle n'écoute pas et se met en danger, ça me demande toutes mes ressources. Je termine chaque journée complètement épuisée, à bout de nerfs. Même si elle se couche tôt, j'ai du mal à écrire le soir tellement je suis mentalement vidée. Et quand je n'écris pas, mon moral baisse, et le moral bas n'aide pas à être compréhensive et patiente. Cercle vicieux.

Alors, avoir un deuxième enfant? Pour moi, c'est impensable. Non seulement je mettrais ma santé physique (et celle du bébé) en danger, non seulement nos finances exigeraient que je reprenne ensuite un emploi de bureau, mais, en plus, je ne m'en sens tout simplement pas la capacité.

Un moment donné, faut savoir reconnaître nos limites. Je trouve qu'avoir un enfant, c'est déjà une bonne façon de concilier famille et écriture. Y'a pas beaucoup d'écrivaines qui ont essayé cette voix mitoyenne. On verra bien ce que ça donne.

Cela dit (avant que vous m'écriviez tous en cœur "tu vas changer d'idée"), je ne ferme pas complètement la porte à un autre bébé (traduction : aucune contraception chirurgicale n'a été utilisée). Pour le moment, je ne ressens plus l'appel de la maternité. Peut-être que ça reviendra (et qu'il me "poussera" alors de la patience supplémentaire). Peut-être pas.

L'appel de la plume, lui, retentit plus fort que jamais.

11 commentaires:

Prospéryne a dit…

Dans le film Mange, Prie, Aime, une des amies de Liz Gilbert lui disait qu'avoir un enfant, c'est comme se faire faire un tatouage sur le visage, qu'il fallait être vraiment prête. C'est un peu comme ça. Si tu as une belle petite fille en santé et que tu es heureuse comme ça, ne t'en mets pas plus sur les épaules. Puce sera d'autant plus heureuse d'avoir une mère heureuse elle-même qu'une mère toujours à bout de nerf et fatiguée. :)

Une femme libre a dit…

S'il y a un choix qui est hautement personnel et pas discutable, c'est bien celui des enfants. En avoir ou pas et en avoir combien. Il n'y a ni règle, ni bonne réponse! Tu sembles avoir trouvé ta réponse à toi et c'est super.


Gen a dit…

@Prospéryne : Je dois dire qu'un autre élément qui me pousse à ne pas avoir d'autres enfants, c'est que tous mes souvenirs de ma mère sont teintés de son impatience permanente. Ma mère n'était pas heureuse et m'a souvent fait sentir qu'avoir des enfants, c'était un fardeau. Je n'ai pas envie de laisser des impressions semblables à ma puce.

@Femme libre : Pas discutable? Faudrait dire ça à tous les apôtres du "mais voyons un seul enfant ça va devenir un monstre ultra gâté!". Cela dit, je sais pas si ma réponse est définitive, mais pour le moment c'est le seul choix qui ne me donne pas des sueurs d'angoisses! lol!

Prospéryne a dit…

Suis ton coeur, Gen, ça reste le meilleur barème! ;) Et puis, rien ne prouve qu'un enfant unique devient trop gâté, ça c'est une question d'éducation, pas de nombre d'enfants.

Gen a dit…

@Prospéryne : Déjà, je me dis que si j'ai juste une fille non pas pour la gâter plus, mais pour me consacrer à autre chose qu'à ma famille, les chances sont moindre d'en faire un monstre! ;)

Une femme libre a dit…

Un enfant aimé, stimulé, encadré et élevé dans le respect de soi et des autres ne risque pas de devenir un monstre, qu'il soit le seul enfant de la famille ou le dixième.

Nomadesse a dit…

Le nombre des enfants qu'un couple veut avoir, c'est vraiment pas les affaires des gens, ce sont des commentaires qui m'énervent royalement! De notre côté, la réflexion pour un deuxième fut aussi longue et profonde que celle pour un premier. Avec deux, je réussis à écrire quand même, avec plein d'autres occupations et des enfants à temps partiel à la garderie. Et les deux miens n'ont jamais réclamé l'un ou l'autre des parents à un point tel qu'ils en pleuraient de détresse, alors ça a beaucoup facilité les choses.

Personnellement, avoir des enfants a ralenti mon rythme d'écriture, bien évidemment, l'a même interrompu un moment donné (mais toutes sortes d'autres événements avaient fait pareil dans ma vie, alors ça ne m'inquiète pas quand ça arrive), mais je ne m'en fais pas du tout sur le fait que le ralentissement est passager. Ça me frustre à l'occasion, bien évidemment, d'avoir des moments chronométré pour écrire (j'ai une heure, j'ai une heure!!!), mais jusqu'à maintenant je deale bien avec ces frustrations liées à notre choix. :)

idmuse a dit…

Ahhh c'est drôle, moi j'hésitais entre 0 ou 1, quand j'ai eu le premier, je me suis dit: wow, j'en veux un autre... puis au bout de 6-8 mois, je me suis dit... bon bah, un c'est ben en masse ;)
Te décourage pas, à 3 ans, j'ai un peu de temps :) mais je ne te mentirai pas, le boulot m'aide à me concentrer (la maison, c'est pas facile: y'a toujours du ménage, du lavage, alouette...)

Gen a dit…

@Femme libre : Merci de m'encourager! :)

@Nomadesse : Ma puce ne pleure jamais de détresse, mais il est pas rare qu'elle échappe au parent qui la surveille pour aller se mettre dans les pattes de celui qui voulait un peu de temps seul! lol! Faudrait que je sorte de la maison dès que je veux écrire.

Peut-être qu'après quelques mois de garderie à temps partiel pour la puce, je vais recommencer à avoir l'impression de vivre et que ça va changer ma vision des choses, mais pour le moment j'me sens juste en overdose de bébé. (Et je fantasme sur un repas pris dans le silence et le calme!)

@Idmuse : Je me rends compte que le fait de ne pas être retournée travailler change ma perspective. Je n'ai pas regardé les mois de mon congé s'écouler en anticipant un retour difficile au travail. Mon travail, c'est ma puce. 24/7. Je m'ennuie de mes heures de dîner où je restais en tête à tête avec mon ordinateur. À l'époque, ça me semblait court une heure, mais maintenant, une heure assurée à chaque jour, ce serait un gros luxe! lol!

Anonyme a dit…

Allô Geneviève!

Je suis enfant unique.
Ce n'est pas le fait d'avoir un seul enfant qui fait de ce dernier "un monstre gâté pourri", mais plutôt le fait de ne jamais réussir à dire non ni à imposer son autorité. La croyance vient du fait que les parents d'un seul enfant étaient réputés être en adoration devant lui/elle et être incapables de lui refuser quoique ce soit. De mon côté, je peux garantir que mes parents étaient bien loin d'être dans cette situation. Je me suis fait dire non plus souvent qu'à mon tour.

Je te dirais qu'il y a des avantages et des inconvénients à être enfant unique. Enfant, pratiquement tous les autres que je côtoyais avaient des frères et soeurs.
Je me souviens d'avoir fait des crises pour ne pas partir avec mes parents quand on était en visite chez de la parenté ou des amis à eux qui avaient d'autres enfants. Les autres enfants, eux, m'enviaient beaucoup. Mais c'était il y a déjà une trentaine d'années. Je crois que les enfants uniques sont bien plus nombreux maintenant. Je pense que ta fille, si elle reste enfant unique, se sentira beaucoup moins seule que moi je me suis sentie.

Ado, j'appréciais de ne pas avoir de frère ou de soeur, par contre. Maintenant, adulte n'ayant pas d'enfant mais une mère qui aurait rêvé d'être grand-mère, j'aimerais qu'un autre puisse lui faire ce plaisir. J'avoue aussi voir avec une certaine angoisse la perspective de perdre mes parents. J'ai la chance de les avoir encore tous les deux en bonne santé, ils ont 74 et 71 ans, et chacun a une bonne hérédité, je crois donc pouvoir espérer les avoir encore plusieurs années, bien qu'on ne sache jamais ce que la vie nous réserve. Je me dis cependant que je serai bien seule lorsqu'ils seront tous les deux partis. J'aurai encore la famille élargie, bien sûr, mais les liens sont moins proches. Mais bon, il n'y a pas de situation parfaite dans la vie. La maison familiale ne se remplit pas à Noël, mais d'un autre côté, je connais plusieurs personnes en froid avec des frères ou soeurs, ce n'est pas plus joyeux.

Excuse ce long message, il me venait bien des choses à dire à mesure que j'écrivais. Merci pour les photos sur le billet précédent. Ta petite est toute mignonne.

Suzie

Gen a dit…

@Suzie : Merci Suzie de partager ton vécu! Ce que tu dis me rassure parce que nous sommes dans une situation intéressante : le frère de mon chum a eu son premier enfant en même temps que nous, alors ma puce a un cousin de seulement deux mois son aîné. Mon chum et son frère sont proches, alors les deux familles se voient beaucoup. En fait, nos plans sont de toujours rassembler les enfants pour les fêtes familiales (et pour l'Halloween : ils sont les propriétaires des chaises visibles sur les photos du dernier billet! ;) Avec un peu de chance, ma puce tissera un lien étroit avec son cousin. Ça lui fera quelqu'un vers qui se tourner en cas de problème.

Et pour ce qui est de la solitude suite à la mort d'un parent... Je n'étais pas proche de ma sœur au moment de la mort de ma mère. On s'est rapprochées un peu depuis, mais ce n'est pas elle qui m'a soutenue dans mon deuil. Alors je sais que la fratrie ne garantis rien.