vendredi 2 août 2019

Insuffler du vrai dans le faux

Plus je lis des textes d'aspirants auteurs, plus ça me frappe : la plupart d'entre eux sont vides.

Oh, il s'y produit des événements, des thèmes importants sont abordés, les personnages sont parfois très bien détaillés, mais... mais il manque quelque chose.

Et puis, dernièrement, je suis tombée sur un texte qui était différent. Celui-là sonnait bien. Il sonnait entier. Il sonnait... vrai! On l'a donc accepté pour publication.

En faisant la direction littéraire du texte avec l'auteur, il m'a demandé si j'avais aimé tel petit détail au début du texte, car c'était une anecdote qu'il avait empruntée à sa grand-mère. Et c'était justement le détail qui m'avait donné envie de poursuivre ma lecture!

J'ai toujours mis beaucoup de vrai dans mes textes. Parfois, c'était mes expériences, parfois des morceaux de la vie de gens de mon entourage. Je croyais que ça faisait de moi une auteure paresseuse, sans imagination, qui préférait travestir la réalité plutôt que d'inventer. J'étais prête à l'admettre : je ne suis sans doute pas l'écrivaine la plus créative.

Pourquoi le serais-je? On dit souvent que la réalité dépasse la fiction.

Et il ne faut pas oublier que la fiction se nourrit de réalité.

De faits réels, d'anecdotes réelles, mais surtout de sentiments réels, de sensations réelles. Par exemple, vous n'avez peut-être pas peur de la bête innommable à tentacules qui vit au fond de l'eau, mais peut-être que les araignées provoquent en vous une terreur paralysante... Placez donc cette terreur dans le corps de votre personnage et vous aurez une bonne base pour écrire la suite!

Je crois qu'il ne faut pas hésiter à insuffler beaucoup de nous-mêmes dans nos écrits. Quitte à craindre que des gens se reconnaissent, quitte à se faire demander ensuite si on pense vraiment ci ou ça, quitte à écrire tout et son contraire. En tout cas, pour ma part, plus les années passent, plus je pige dans mes expériences et plus mes textes reçoivent des compliments!

Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que c'est le prix à payer pour que nos fictions sonnent vraies?

Ou alors j'suis vraiment juste une auteure paresseuse?

7 commentaires:

Claude Lamarche a dit…

C'est pas moi qui va te jeter la première pierre ou te dire le contraire!
Mais quel auteur ne pige pas dans sa vie? Certes l'autofiction est parfois décriée, mais personnellement, depuis toute petite, j'ai toujours aimé les biographies.
Ce ne sont pas les histoires qui m'intéressent, pas ce qui arrive aux gens, pas la couleur de la chambre ou la couleur de leurs yeux, j'aime les regarder vivre.
J'aime les entendre s'exprimer, connaître leurs peurs, leurs joies, leurs amours. À travers une action puisqu'il le faut bien, mais ce n'est pas nécessaire.

Gen a dit…

@Claude : Pendant longtemps j'ai cru que le vécu de l'écrivain ne servait qu'en autofiction. Le truc c'est de l'insuffler même dans les fictions pures.

"Ce ne sont pas les histoires qui m'intéressent, pas ce qui arrive aux gens, pas la couleur de la chambre ou la couleur de leurs yeux, j'aime les regarder vivre."

J'aime cette manière de voir. Quoique... Est-ce que vraiment l'histoire ne t'intéresse pas? Parce que, on s'entend, s'il ne se passait vraiment rien, il n'y aurait pas beaucoup de vie non plus.

De plus en plus, j'envisage mes récits comme des transformations plus que des actions. Les personnages ne sont pas les mêmes à la fin du texte qu'au début. Ils ont appris quelque chose ou se sont transformés d'une manière ou d'une autre.

Claude Lamarche a dit…

Je veux dire que l'histoire est secondaire, je ne lis pas pour l'histoire, pour les événements, pour les actions. Comme on lit un polar ou un récit d'aventures.
Exemple les quatre petits romans de Sylvie Drapeau.

Quant à ton dernier paragraphe "j'envisage mes récits comme des transformations plus que des actions". C'est ce qu'on apprend dans tous les ateliers d'écriture: la résolution d'un conflit. Comme dans l'histoire des trois petits cochons!

Elisabeth Vonarburg a dit…

(1) les gens ne se reconnaissent jamais, ils ne se voient pas nécessairement comme nous les voyons-imaginons (2) à part les maniaques du “ça vous est vraiment arrivé?” et à qui on doit répondre “mais ça ne vous regarde pas !”, et sauf étiquette (à chier) “à partir d'un fait vécu”, la plupart des lectorices sont assez intelligentes pour se rappeler dans quelle catégorie littéraire on a classé le bouquin qu'elles sont en train de lire, i.e. “fiction”. Et enfin, (3) il y a des mensonges infiniment plus vrais que la vérité”.

Philippe-Aubert Côté a dit…

@Élisabeth : J'applaudis de toutes mes pattes! :-D

Nomadesse a dit…

Super intéressant! Effectivement, je n'écris pas d'autofiction, mais je mets des anecdotes tirés de ce qui m'entoure (moi, ma famille, les collègues, les nouvelles). Par exemple, si je parle de la chaleur dans un pays de type japonais, je vais nécessairement faire courir une bebitte un moment donné. Ne pas en avoir serait vraiment, mais vraiment étrange...! Le personnage ne réagira pas nécessairement comme moi (je crie et je saute ailleurs), mais l'expérience d'en avoir vu "quelques-unes" me vient de mon vécu.

Gen a dit…

@Claude : C'est sûr, pour quelqu'un qui aime les personnages, l'histoire finit par être secondaire, mais c'est elle qui les révèle. Et tu vois, justement, les ateliers d'écriture parlent souvent de "résoudre un conflit", mais pour moi la notion de transformation est à la fois plus large et plus douce. Ça n'a pas besoin d'être un conflit, un affrontement. Le personnage peut juste... grandir.

@Élisabeth : lolol! Oui, j'allais parler du fait que les gens se reconnaissent rarement, mmême quand on les décrit très précisément. J'ai un ami dont les mauvaises décisions financières m'exaspéraient tellement que j'en ai parlé ici... Il m'a lue et m'a dit "Voyons, y'a du monde qui ont pas d'allure avec leur argent!" O_o Cela dit, transplanter la personnalité dans un autre corps me sert souvent, parce que ça force des ajustements inspirants.

Pour le point 2, je ne pensais pas tant aux maniaques du "ça vous est vraiment arrivé", mais plutôt à la crainte que je vois chez certains jeunes auteurs de "Je ne peux pas faire un personnage comme ci - mettons homophobe - sinon on va croire que je le suis". À ça je leur réponds : Ben si tu fais ça tout le temps, peut-être, ou si aucun personnage n'est en désaccord avec lui, peut-être, mais là là, si ton perso a besoin d'être homophobe, ben go!

Pour le point 3 : Amen! (mais ne se basent-ils pas sur des trucs très personnels, donc très réels pour nous? ;) )

@Nomadesse : J'aime tellement ce détail de la bébitte! C'est exactement ça. Dans la tête de beaucoup, le Japon c'est propre propre propre, pas de bébitte. :p Mais tu es allée. Et tu sais que dans un climat chaud et humide de même, ben un moment donné, y'a des bestioles!