mardi 22 juillet 2014

Scène de bureau (39)

L'Employé a changé de job (et on le comprend). Maintenant, ce jeune informaticien travaille pour une plus petite compagnie. On l'a assigné à un projet très intéressant. En partenariat avec le Groupe, une filiale d'une Grosse compagnie internationale, il développe un logiciel pour la Grosse compagnie. Le Groupe s'occupe de la gestion des bases de données et lui-même code l'application qui va fouiller dedans.

Tout va bien au début, mais bientôt il découvre que le Groupe n'est pas très coopératif. Il change des standards sans l'aviser. Il fournit des données non testées ou incomplètes. Il prend des jours à répondre à ses demandes. Bref, c'est le bordel.

Et du côté de la Grosse compagnie, la désorganisation semble régner. Il n'y a pas une journée où l'Employé ne reçoit pas une demande qui devrait s'adresser au Groupe. Il soupçonne que le Groupe doit recevoir des demandes qui s'adressent à lui. Mais comme le Groupe ne collabore pas, ces courriels ne se rendent pas jusqu'à lui.

Un jour, en découvrant, avec écoeurement, que la Grosse compagnie vient de rejeter sa dernière version de l'application sous prétexte qu'elle ne rencontre pas les exigences spécifiées le mois précédent (exigences qu'il n'a jamais reçu), il apostrophe un de ses collègues.

Employé - Coudonc, c'est moi où la Grosse compagnie, elle est désorganisée au possible? Pis le Groupe, méchante gang de broche à foin!

Collègue - Oh, attend, t'as rien vu. Je vais t'envoyer un courriel.

L'Employé reçoit ledit courriel de son collègue et l'ouvre. Il contient un article de journal. Le gros titre est le suivant :

"La Grosse compagnie se poursuit elle-même".

Écarquillant les yeux, l'Employé lit le premier paragraphe.

"Insatisfaite des délais dans l'accomplissement d'un projet confié au Groupe et lui reprochant un manque d'organisation du travail flirtant avec le sabotage pur et simple, la Grosse compagnie a lancé une poursuite de plusieurs millions de dollars... avant de réaliser que le Groupe est l'une de ses propres filiales. La désorganisation reprochée ne semble donc pas limitée au Groupe..."

Employé (à son collègue) - Euh... c'est une blague?

Collègue - Non.

Employé - Ben là... je fais quoi moi?

Collègue - De ton mieux. Pis tu te stresses pas avec le reste. Les patrons sont au courant que c'est un projet tout croche, mais tant que la comptabilité de la Grosse compagnie va nous payer, ils sont pas prêts à jeter l'éponge.

Employé - Ah... ok je suppose.

Et l'Employé se remet au travail. Depuis ce temps-là, chaque fois qu'il a l'impression que son mandat tient d'une balade dans la maison qui rend fou, il relit l'article. Et ça le réconforte. Peut-être qu'un jour il parviendra à terminer le projet.

(Et oui, cette anecdote est véridique!)

8 commentaires:

Prospéryne a dit…

Une compagnie inspirée d'Astérix?

Gen a dit…

@Prospéryne : J'ai demandé des preuves à mon ami quand il m'a raconté ça... l'article de journal était véridique!

Prospéryne a dit…

-_- Sans doute ça le pire!

Gen a dit…

@Prospéryne : Ça faisait un bout de temps qu'il disait qu'il travaillait pour une gang de clowns... mettons qu'on a rit quand il nous a raconté cette histoire-là!

Une femme libre a dit…

C'est comme ça que les meilleurs employés deviennent démotivés. Travailler alors que ça n'a aucun sens et uniquement pour la paye, c'est toxique. Faut qu'il se sauve de là pour sa santé mentale.

Gen a dit…

@Femme libre : Selon les histoires que j'entends du milieu de l'informatique (en particulier), la question finit par être "se sauver, ok, mais pour aller où?" C'est un milieu où les incohérences de gestion semblent la norme plutôt que l'exception.

En prenant les choses avec un peu d'humour, ce genre de projet désorganisé (mais qui finira par aboutir) est quand même moins pire que les compagnies presse-citron qui ne font que stresser leurs troupes.

Daniel Sernine a dit…

Le privé, c'est tellement plus efficace...

Gen a dit…

@Daniel : Lolol! Je dois dire qu'avec le privé, j'ai vu le meilleur et le pire. Le public, ça a tendance à être lent, mais il y a des désorganisations parfois tolérées au privé qui ne pourraient juste pas passer au public.