mardi 8 juillet 2014

Scène de bureau (38)

(Cette scène ne m'étant pas arrivée à moi, je vais introduire dans mes scènes de bureau le personnage de l'Employé. C'est un jeune homme, père d'un petit garçon, dont la conjointe travaille à temps plein. Il est tout heureux, parce qu'il vient d'être embauché par une grande compagnie d'informatique...)


SEMAINE 1

Gars des RH - Voilà, Employé, il vous reste juste à signer ici...

L'Employé lit rapidement le contrat d'embauche, qui stipule un salaire intéressant pour une semaine de travail normale de 40 heures par semaine, et signe.

Gars des RH - Bienvenu chez nous!


SEMAINE 2 - Jeudi en fin de journée

Patron s'adressant à l'Employé - Où tu t'en vas?

Employé - Ben, il est 17h, j'ai fini ma journée, faut que j'aille chercher mon gars à la garderie.

Patron - Ok... Tu vas travailler de la maison ce soir pour avancer le projet?

Employé (surpris) - Euh, non, je pensais finir demain... J'ai fait mes heures à date cette semaine...

Patron - Oh, inquiète-toi pas pour ça, les heures supplémentaires sont permises. Le projet est un peu en retard, alors on rechigne pas même si vous faites 45 heures au lieu de 40. En fait, tout le monde fait 45 heures, pas vrai les gars?

Les neuf autres gars du département - Ben ouais!

Collègue célibataire - Moi j'fais même 50 ou 55 heures d'habitude.

Employé (naïvement) - Ah... Est-ce que vous voulez que je dise à mes anciens collègues qu'on cherche du monde? J'ai des amis qui étaient pas mal bons, pis qui...

Patron - Mais non, on cherche pas de monde. On a un débordement temporaire. On peut pas justifier un employé de plus. On a pas le budget. Dans un mois, tu vas voir, ça va se calmer.


SEMAINE 26 - Soit six mois plus tard

L'Employé a pris l'habitude de travailler 45 heures par semaine. Il ne déteste pas le petit surplus d'argent que ça rapporte. Les cinq heures supplémentaires par semaine lui volent du temps avec sa conjointe, mais elles leur permettent aussi de se payer du luxe. Il rentre au bureau un peu fatigué en ce vendredi, parce qu'il a fini tard de travailler sur son projet la veille.

Patron (accueillant ses employés) - Bon, les gars, là on a un nouveau projet et il faut vraiment le développer vite. On a calculé que ça prendrait deux mois, mais le client en a besoin le mois prochain. Alors les heures supplémentaires, y'a plus de maximum. Faites 70 heures s'il le faut, rentrez la fin de semaine si vous voulez, le gardien va vous laisser monter, mais il faut que ça soit fini dans quatre semaines.

Employé (qui se demande quand est-ce qu'il va voir son fils s'il essaie de travailler 25 heures de plus par semaine) - Euh... On devrait ptêt engager un employé temporaire pour nous aider...

Patron - On a pas le temps de le former. On a pas le budget. Pis on en aura plus besoin après ce projet-là. Allez, un petit coup de collier, après ça, ça va se calmer. Pense à tous les cadeaux que tu vas pouvoir acheter à ton fils...


SEMAINE 30 - Le projet devrait être fini

Patron (s'adressant à ses 10 employés cernés et mal rasés) - Les gars, ça va mal. Le projet est en retard, le client est pas content, les grands boss non plus. Y'en a parmi vous qui ont pas mis les efforts nécessaires pis...

Le collègue célibataire se lève, interrompant le discours du patron, et lui tend une enveloppe.

Patron - C'est quoi ça?

Collègue célibataire - Ma lettre de démission.

Patron - Hein? Quoi? Tu vas pas nous laisser tomber au beau milieu du rush de même? Ça va se calmer juste après ce projet-là!

Collègue célibataire - En trois ans ici, j'ai travaillé l'équivalent en heures de cinq années complètes. On a jamais assez de personnel, pis on se fait toujours mettre de la pression sur les projets. Là, je viens de me faire une blonde, j'arrive pas à la voir, facque j'en ai mon voyage.

Le collègue célibataire sort.

Patron (les yeux fixés sur la lettre de démission qu'il tient à la main) - Maudits jeunes! Il s'en va sans se soucier de vous autres pis de la compagnie. Les employés de nos jours, ils sont tellement pas fiables pis pas loyaux!

Une fois le patron sorti, l'Employé fait remarquer à ses collègues que la situation n'a pas d'allure. Bah, lui répond-on, c'est pareil partout.

8 commentaires:

Isabelle Lauzon a dit…

Pareil partout? Non, pas nécessairement, j'aime à croire qu'il y a moyen de rendre ça différent...

Mais bon, j'avoue que les cabinets comptables ressemblent pas mal à ça... ;P

Ah, et tiens, le municipal en est pas loin... (moins pire, mais on nous mettra toujours une charge de travail trop lourde pour nos épaules, j'pense!)

OK... Maintenant que je suis déprimée pour vrai, je m'en retourne profiter de mes journées de congé, d'abord... lolol

(Mais je suppose que l'Employé va commencer à songer à chercher une autre job, parce que dans son cas, c'est vraiment exagéré!)

Prospéryne a dit…

Quand on met pas ses limites, il est facile de se faire déborder par le boulot, parce que des heures supplémentaires, les patrons aiment qu'on en fasse, mais quand à nous donner des journées de congé supplémentaire... C'est une autre paire de manches! :P

Nomadesse a dit…

Très franchement, je pense que la meilleure attitude dans cette situation, c'est celle de l'employé qui a refusé. Parce qu'à long terme, c'est le seul moyen de faire changer (légèrement) les choses. C'est le fait que tout le monde accepte sans rechigner qui donne tout ce pouvoir aux compagnies pour "optimiser" les employés.

Ton papa... Il ne serait pas intéressé à participer à mes entrevues? Il fitte tout à fait dans le portrait! :)

Gen a dit…

@Isabelle : Il y a vraiment des milieux où c'est la norme (informatique, bureaux d'avocat). Et même c'est pas rare que les heures supplémentaires ne soient pas payées. Dans les entreprises syndiquées, la charge de travail est souvent un peu difficile à faire dans le temps requis, mais au moins c'est pas carrément impossible (entk dans les milieux que j'ai vu).

Et oui, l'Employé s'est cherché une autre job! ;)

@Prospéryne : Le principe, c'est que ça coûte moins cher à une entreprise de payer un employé 70 heures par semaine que d'en payer deux à 35 heures... Jusqu'à ce que les problèmes de santé commencent à apparaître. Et oui, les congés pour compenser le temps supplémentaire, ils sont souvent difficiles à obtenir.

@Nomadesse : En effet, refuser est souvent la seule façon d'obliger l'entreprise à revoir ses façons de faire. Mais quand tu es le seul à refuser, ton poste peut ressembler assez vite à un siège éjectable.

L'amalgame d'amis qui a donné le personnage de l'Employé ont participé à tes entrevues je crois! ;) (ou m'ont dit qu'ils le feraient entk)

Une femme libre a dit…

Ma fille fait beaucoup de temps supplémentaire à sa nouvelle job. Elle ne rechigne pas parce que le patron a réussi à créer un esprit d'équipe très fort et donc les employés se tiennent et se sentent coupables de "laisser tomber" leurs collègues s'ils s'en vont après leurs heures normales de travail. Pas d'obligation de faire les heures supplémentaires mais une forte pression morale, donc. Ceci dit, elle adore son travail et on est tous là pour s'occuper de son fils quand il s'agit de sa job.

Gen a dit…

@Femme libre : C'est le fun pour elle que vous soyez là pour s'occuper de son fils, mais si elle était une maman monoparentale sans réseau, comment est-ce qu'elle ferait avec toute cette "pression morale" et cet "esprit d'équipe"? (Ah, les employeurs l'aiment l'esprit d'équipe quand ça fait sentir les employés coupables!)

Une semaine normale de travail, c'est supposé compter 35 à 40 heures. Quand la normale devient de faire des heures supplémentaires, peu importe la raison, cela débouche sur des problèmes.

Une femme libre a dit…

Si on n'était pas là, elle perdrait la job et elle ne l'aurait pas eue dès le départ. Son horaire normal est de six heures à quinze heures. Aucune garderie n'ouvre avant six heures!Vendredi passé, elle m'appelle en catastrophe. Temps supplémentaire en vue jusqu'à tard le soir. Je vais donc chercher son fils. Quand elle le récupère le lendemain, elle me dit textuellement "Mon boss tient à te remercier pour toute l'aide que tu apportes à son entreprise."

Gen a dit…

Là on entre dans un autre problème : l'inadéquation des services de garde avec les employés aux horaires atypiques.

Mais bon...