vendredi 25 juillet 2014

La théorie des titres

À ce que j'ai compris jusqu'ici...

Il y a des écrivains à titres. Comme Luc Dagenais. Eux, ils ont l'idée d'un titre génial pour une histoire et c'est souvent à partir de cet éclair d'inspiration qu'ils inventent leurs récits.

Il y a des écrivains à titres de mi-parcours. Notre Grande Dame en fait partie. Ces écrivains-là ont une idée d'histoire, ils commencent à l'écrire et, à un certain moment du processus, ils doivent tout arrêter et trouver le titre du texte, parce que c'est seulement à partir de ce moment-là qu'ils saisissent enfin l'essence de leur histoire et peuvent la compléter.

Il y a des écrivains à titres finaux. L'histoire leur est inspirée par un truc ou un autre. Ils l'écrivent, la fignolent et, juste après avoir écrit la dernière phrase, le titre leur vient et ils en baptisent leur texte, mettant ainsi un point final à leur écriture.

Pis il y a moi.

Je suis l'écrivaine sans titre. Oh, je me donne toujours des titres de travail, bien sûr, ne serait-ce que pour classer mes fichiers. Et ce titre n'est pas définitif tant que le texte n'est pas imprimé. En fait, il arrive souvent que le titre change durant la direction littéraire. Et c'est souvent parce que celui que j'avais trouvé, que j'y aie réfléchi des heures ou moins d'une minute, était un peu nul. Avec les années, je me suis résignée : je suis affreusement mauvaise pour trouver des titres.

Pire, non seulement mes titres habituels ne volent pas haut, mais quand, d'aventure, j'ai l'idée d'un titre génial, je ne sais pas quoi faire avec. Je le note quelque part, d'un coup que... Mais souvent, même après des années, aucune idée d'histoire ne vient l'accompagner.

J'ai une théorie pour expliquer ça : l'erreur de livraison. Je crois que lorsqu'un bon titre me vient à l'esprit, c'est parce qu'une muse distraite, qui le destinait à Frédérick Durand, Yves Ménard ou Luc Dagenais, l'a déposé dans mes neurones par inadvertance.

Est-ce que je suis la seule à vivre ce genre "d'erreurs de livraison d'idées?"

Si non, si, mettons, vous recevez de temps en temps des idées d'histoires noires ou historiques avec lesquelles vous ne savez pas trop quoi faire, qu'est-ce vous diriez qu'on établisse un système d'échange? ;p

Bon, plus sérieusement, vous, votre relation avec les titres, elle ressemble à quoi?

18 commentaires:

Sébastien Chartrand a dit…

Pour ce qui est des titres, les miens se révèlent lors du premier brainstorming sur la conception d'arrière-monde. Donc plutôt au début, mais ce n'est pas le titre qui suscite l'histoire.

Pour ce qui est de l'échange d'idées... bin, j'ai des erreurs de livraisons et je reçois parfois des idées de textes noirs ou gore, un genre avec lequel je ne suis pas spécialement à l'aise. Je ne demande pas d'idées en retour, mon cartable est plein, mais si tu veux me donner un peu de ton aisance à accorder les participes passés, je suis preneur (oui, je sais, faut trouver le complément indirect mais ça ne me rentre pas dans la tête).

Gen a dit…

@Sébas : Je simplifiais, je sais bien que ce n'est pas souvent le titre qui suscite l'histoire, mais c'est intéressant de voir que tu connais ton titre assez tôt dans le processus.

Pour ce qui est des échanges, je déconnais, évidemment (parce que j'suis comme tout le monde : j'ai plus d'idées que de temps pour les écrire).

... Surtout que je ne saurais pas partager mon "aisance" à accorder les participes passés. Ah, à moins que je te rappelle que c'est le complément DIRECT qu'il faut trouver! ;) (placé avant le participe, ça s'accorde, placé après, ça ne s'accorde plus... j'ai une prof de français divorcée qui disait que pour s'en rappeler suffisait d'appeler le participe "le mariage" ;)

Frédéric Raymond a dit…

Allons y par l'exemple. "Jardin de chair", titre que j'adore, a eu trois titres ("Cannibale Blues", écarté pour éviter la confusion avec un autre livre; "Les ravages de l'hiver", le titre original, parce que ça fait un peu nunuche même si c'est joli poétiquement). "La pire histoire" s'appelait initialement "La source de mes remords". C'était joli, mais je ne me souviens plus pourquoi j'ai changé. J'adore encore "La sublimation des corps", "La loi et la horde" et "La danse des os". J'aurais bien aimé trouver un meilleur titre pour "Lycanthrope d'un soir" et un texte à venir intitulé "Machette Party".

Finalement, j'ai aussi le plaisir renouvelé de devoir trouver des titres pour des anthologies. Ça s'était bien passé pour "Agonies", le titre allant extrêmement bien avec le contenu. On n'est pas encore certain du titre pour la prochaine. Est-ce qu'on l'intitule simplement "Bizarro" ou bien si on trouve autre chose. Pas facile vu le contenu, surtout si on veut quelque chose de punché.

Bref, pour moi, les titres, c'est facile ou bien très difficile.

Sébastien Chartrand a dit…

oh shame ! oh honte sur moi ! le pire c'est que je le sais que c,est le direct, mais il était tôt quand j'ai écrit le commentaire... :P

...et je déconnais pour recevoir ton aisance avec les participes : je souhaite enseigner, alors je m'impose des exercices réguliers. Je tiens à y parvenir comme un grand garçon... ;)

Gen a dit…

@Frédérick : Juste de penser à devoir nommer une anthologie, j'en aurais des sueurs froides! lol! Tous les titres antérieurs de "Jardin de chair" étaient intéressants cela dit! :)

Je pense que la majorité des gens ont la même relation que toi avec les titres : des fois ça vient tout seul, d'autres fois on rame. (Bon, moi je rame toujours! ;)

@Sébas : Lol! Je me doutais que ça devait être une erreur d'inattention, mais c'était juste trop drôle! ;) Bonne chance avec les exercices! (moi ce que je me demande, c'est comment tu vas pouvoir l'expliquer aux enfants cette notion-là, étant donné que le principe de complément direct a été plutôt scrappé dans la nouvelle grammaire... j'ai appris à accorder mes participes passés en sixième année si je me rappelle bien)

Sébastien Chartrand a dit…

@ Gen : désormais, on a pas le droit d'enseigner les participes passés au primaire (je ne dis pas que ce n'est pas suggéré, je dis que c'est considéré comme de l'empiétement sur la charge professionnel des profs du secondaire). Cela dit, je serais capable de l'enseigner, je connais la règle, c'est juste quand vient le temps pour moi de l'appliquer que ça coince...

Néanmoins, pour en revenir au sujet du billet...

Je me souviens m'être un peu cassé la tête avec le titre de ma nouvelle "Commensalisme" qui décrivait surtout une relation de parasitisme, mais le terme était inélégant et finalement, faute de mieux, au diable la justesse du terme et j'ai opté pour "Commensalisme".

Luc Dagenais a dit…

Je suis rarement affligé du syndrome de l’imposteur, mais là, d’être cité aux côtés de Frédéric Durand et de Yves Meynard, avec mon maigre bagage de publications... Ouf !

C’est vrai qu’il m’arrive souvent de trouver un titre avant l’histoire, mais pas toujours. Par contre, quand je trouve l’histoire en premier il me faut impérieusement un titre avant de commencer à écrire ; je peux aller jusqu’à bâtir un plan avant de le trouver, mais pas plus, sinon j’ai l’impression d’avancer dans les limbes, et d’errer sans direction pendant l’écriture.

Pour ce qui est des « erreurs de livraisons » comme tu les appelles, ce serait cool un genre de plateforme d’échange. Quand je caressais l’idée de m’ouvrir un blogue (l’idée est maintenant abandonnée, mais j’avais tout de même eu le temps de me trouver... un titre ! LOL) j’avais pensé à y mettre une page fourre-tout/libre-service où j’aurais effectivement mis les idées que j’avais et qui ne me semblaient pas destinées — comme tu dis (parce que ça m’arrive souvent à moi aussi) — ou que je ne me sentais pas capable d’exploiter moi-même. Je me demande ce que ça aurait donné.

P.S. Petit cadeau pour une nouvelle noire, de SF, ou les deux, ou d’un tout autre genre à ta guise : « Erreur de livraison » ce serait un foutu bon titre ! ;o)

Luc Dagenais a dit…

*oups, j'ai oublié un K à Frédérick.

Gen a dit…

@Sébas : Je sais que ce n'est plus suggéré (et donc plus fait), mais je trouve ça idiot : plus cette règle est enseignée tôt, plus elle a des chances de rentrer.

Pour ce qui est de "Commensalisme"... ben ouais, des fois faut tordre les titres pour qu'ils sonnent bien! ;)

@Luc : Pour soulager ton imposteur, je faisais référence à la technique, pas au nombre de publications! ;) (Et je connais bien la tienne suite à toutes nos conversations, alors... ;)

Pour le système d'échange, je pense qu'un truc informel autour d'une bière resterait à privilégier.

Et c'est vrai que c'est un bon titre "Erreur de livraison"... Mais kossé tu veux que je fasse avec un titre?!?! :P lololol! ;)


richard tremblay a dit…

Je fais un peu dans la méthode de Luc. Ça me prend un titre avant de pouvoir commencer à écrire, et une fois que je l'ai trouvé, je m'y accroche avec l'énergie du désespoir; il ne changera que lorsque le texte sera tout écrit.

Sur l’ensemble de ma production, il n'y a qu'un texte qui ait changé de titre après l'écriture, et à la demande d'Élisabeth encore...

Gen a dit…

@Richard : Intéressant! :) À date, je remarque que ceux qui écrivent selon cette méthode (titre d'abord) ont souvent d'excellents titres... je suppose que c'est parce qu'ils doivent vous inspirer. :)

Frédérick a dit…

Un billet intéressant sur un aspect que je juge fondamental. Le titre, c'est en quelque sorte notre vitrine.

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce ne sont pas les muses qui me soufflent les titres dans un élan de générosité métaphysique. En général, les titres me demandent pas mal de réflexion et viennent après la rédaction du texte. Les écrire sur une feuille permet de les visualiser et, d'une façon qui peut sembler curieuse, d'en voir l'esthétique, comme s'ils formaient des dessins.

Chose certaine, il s'agit d'un défi intéressant à relever. On pourrait les comparer au fameux incipit qui vise à accrocher le lecteur.

Comme toi, mes titres de fichiers WORD sont des plus communs : "Nouveau roman", "Projet de roman", voire les faussement énigmatiques "roman Y" ou "roman X".

Heureusement qu'ils changent d'identité ensuite !

Gen a dit…

@Frédérick : Je simplifiais évidemment avec l'histoire des muses! ;) (En fait, je croyais me rappeler que tu m'avais dit que tu baptisais tes textes une fois que tu les avais terminés, mais je n'étais plus sûre)

Cela dit, j'aurais beau réfléchir pendant des semaines sur un titre, j'arriverais pas avec des trucs aussi géniaux que "Le rendez-vous des courtisans glacés" ou "La nuit soupire quand elle s'arrête". Je pense que c'est ton côté poète qui ressort dans ce temps là. Et pour les titres comme pour l'incipit, y'en a qui l'ont et d'autres qui rament! ;)

Mais le titre est effectivement la vitrine du texte. Les écrire sur papier... coudonc, je vais essayer ça la prochaine fois!

Nomadesse a dit…

Moi je n'ai pas d'habitude! Des fois, le titre arrive au début; des fois au milieu; des fois pas pantoute! Avant, ça me stressait infiniment, je ne savais pas si j'allais trouver un titre. Maintenant, j'écris puis je verrai bien si je trouve de quoi au fur et à mesure que j'écris! Sinon, je demande l'aide de mon chum, après sa première lecture ou de ma lectrice-test pour un remue-méninges de toute urgence: il me faut un titre! Mais généralement, j'aurai trouvé avant cela!

Gen a dit…

@Nomadesse : J'ai au moins dépassé l'étape du stress! lol! ;) Je sais que quelqu'un va finir par avoir une idée qui va m'aider (ou, sinon, qu'un texte peut survivre à un titre nul! ;)

Philippe-Aubert Côté a dit…

En passant, "Le don des titres" serait un meilleur titre pour ce billet :-)

Ou "À juste titre" ? :-)

OK, je m'arrête :-p

Unknown a dit…

Pour faire changement, je suis de l'école de ceux qui ont un titre immédiatement (L'arracheur de rêves et Le lendemain, les gens parleront de folie collective entre autres) oui qui passe plus de temps sur le titre que sur le livre - ou presque (Y a-t-il un héros dans la salle?, particulièrement, mais aussi Baptême de sang et Le pays des Yeux-Morts dans une certaine mesure). Mais je peux très bien vivre avec un titre temporaire et je ne panique pas si lorsque le premier jet est complété je suis pris avec un titre que je n'aime pas.

Gen a dit…

@Phil : Lolol! Merci de démontrer que je ne raconte pas n'importe quoi en disant que mes titres sont nuls! ;)

@Pierre-Luc : C'est vrai que je n'ai pas pensé à te mettre parmi ceux qui ont systématiquement des bons titres, mais j'aurais dû! ;) (L'arracheur de rêves, j'adore!) Enfin, ça me rassure déjà de voir que les "maîtres des titres" comme toi et Frédérick devez souvent suer un peu avant d'avoir vos éclairs de génie! ;)