Je travaille pour des pinottes. Comme tous les écrivains (et les artistes en général).
Je fais 10% du prix de vente de mes bouquins. J'en vends pas tout à fait un millier par année. Ce qui, étant donné notre marché et mon statut d'inconnue, n'est pas mauvais. Mais bon, ça fait pas un gros chèque. D'un autre côté, la seule chose que j'ai investi dans ces bouquins, c'est mon temps. Contrairement à mon éditeur, j'ai pas sorti une cenne de ma poche pour les publier. Alors, tant qu'à moi, tous mes revenus sont des profits.
Je peux passer entre deux semaines et un mois à travailler sur une nouvelle. Si je la vends à une "grosse" revue, ça peut me rapporter jusqu'à 500$. Pas pire pour deux semaines de travail. Pas lourd pour un mois. Et des fois, la nouvelle atterrit dans les pages d'une petite revue, qui me donne 10$ pis un exemplaire gratuit. Bah, c'est mieux que rien du tout.
Je participe à des concours, je remplis des demandes de subvention... Ça rapporte pas toujours, mais quand ça marche, les montants sont intéressants.
Je fais un peu de pige pour d'anciens employeurs. Quelques animations scolaires. Les chèques rentrent. Jamais bien gros, mais ils s'additionnent.
Des pinottes plus des pinottes, ça donne encore des pinottes, mais le tas grossit de façon appréciable.
Et je le regarde en souriant.
Parce que ce que beaucoup de gens ne réalisent pas, c'est que je suis arrivée à un point appréciable de ma jeune carrière. Oui, je gagne des pinottes pour mes textes. Mais, et ça c'est le côté merveilleux de la chose, je gagne désormais systématiquement des pinottes pour mes textes. Je n'écris plus dans le vide. Ou, à tout le moins, vraiment pas souvent. Vous m'auriez dit ça en 2008, je ne vous aurais pas cru.
Des fois je me dis que les écrivains qui regardent leurs revenus avec amertume ont oublié l'époque où écrire ça signifiait passer tout son précieux temps libre devant un écran, sans en tirer une maudite cenne. Et en sachant que, quelques heures plus tard, il faudrait retourner se décarcasser dans une job plus payante, oui, mais plate.
J'espère que j'oublierai jamais cette époque-là.
Mon plan pour les prochaines années est de continuer à accumuler les pinottes et d'apprendre à en vivre! ;)
10 commentaires:
J'aime bien ton allégorie avec les pinottes. J'ajouterais que chaque chèque est une petite victoire envers tous ceux qui ne croient pas en nous.
Chaque petite pinottes que tu gagnes, comme un écureuil, tu les ramasses et ça finit par faire un petit pécule. Je te souhaite qu'il soit le plus gros pécule possible Gen! Bravo pour tout ça. Perso, je me rappelle encore de mon premier chèque pour un travail écrit: c'était pour des critiques dans Solaris. Un gros 25$, mais comme c'était la première fois que je touchais des sous, je capotais!
@M : En effet, chaque chèque est une victoire. Et puis, bon, faut pas sous-estimer la valeur nutritive de la pinotte commune! ;)
@Prospéryne : Pour le moment, les pinottes de cette année sont suffisamment nombreuses pour payer ma part de l'épicerie de l'année prochaine, alors ça s'enligne bien.
Et mon premier chèque de droit d'auteur, j'en avais fait une photocopie (que j'ai encore), alors je te comprends d'avoir capoté! hihihihi!
C'est bon, les pinottes :)
Parfois, c'est même un chèque de noix du brésil ;-)
C'est plate pour ceux qui sont allergiques, par contre.
c'est un billet que je risque d'imprimer et d'afficher au-dessus de mon bureau de travail, ça... (hé ! moi aussi j'avais fait une photocopie de mon premier chèque !) bah oui, vivre de sa plume ne nous fait pas rouler sur l'or, mais c'est déjà une victoire quand il y a systématiquement des pinottes au bout des efforts !
@Pascale : En effet, c'est délicieux les pinottes! ;)
@M : Ou des cachous! :)
@Guillaume : Ils peuvent travailler pour des prunes. Ça fait Français, mais on leur pardonnera! ;)
@Sébas : Personnellement, j'pense que la meilleure affaire à accrocher au dessus de son bureau de travail (ou entk à garder sous la main), c'est des lettres de refus, idéalement les premières. Ça permet d'éviter de s'enfler la tête et de se rappeler l'époque où on désespérait de publier un jour.
Je promets que le jour où je lâcherai ma job pour ne me fier qu'à mon tas de pinottes, je ne râlerai plus jamais!
@Pat : "Jamais", c'est long, mais tu pars déjà avec la bonne attitude. ;)
Je pense que le truc c'est de faire un estimé réaliste des revenus qu'on peut espérer... et de faire ben ben ben des économies en vue des mauvaises années! ;)
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