vendredi 10 décembre 2021

Les oeillères de la science(fiction) pure

Je suis historienne de formation. C'est-à-dire que j'ai été formée à ces sciences - sociologie, sexologie, psychologie, anthropologie, sciences politiques - qu'on dit humaines, voire "molles". Pour bien les différencier des sciences "pures" (et dures) - mathématiques, chimies, physiques, astronomie, etc - qui ont le grand mérite, aux yeux de leurs disciples en tout cas, d'être mesurables, quantifiables. Trompeusement objectives. Les sciences pures sont depuis longtemps considérées comme un domaine d'intérêt masculin et comptent une majorité d'homme dans les rangs de leurs pratiquants.

La science-fiction découlant de la science et le temps de loisir consacré à l'écriture étant plus disponible pour les hommes, on a longtemps eu de la SF (majoritairement le fruit de plumes masculines) et basée sur des concepts de science pure. Lorsque ces concepts sont suffisamment crédibles et bien intégrés à l'histoire, ça a donné ce qu'on appelle de la "hard science fiction" (amicalement rebaptisée la "science puréedure" par Élisabeth Vonarburg). 

Au début, il y avait peu de femmes en hard SF. Puis il y en a eu de plus en plus. Puis, surtout sous des plumes féminines, est apparu un autre genre de SF :

Une science fiction où la science impliquée est une science humaine. 

On les a nommées uchronies ou anticipations, parfois on veut les classer dans la fantasy sous prétexte que leur concept ne tiennent pas la route d'un point de vue scientifique (on ne parlera pas du cerveau positronique, hein?), mais reste que ce sont des histoires de science-fiction (n'en déplaise à ceux qui portent les oeillères de la science pure). De plus en plus, dans le monde anglophone, on parle de "warm SF" pour définir ces histoires qui s'appuient sur des concepts de sociologie, de politique ou de psychologie.

Reste que dans tous les cas, ce sont des récits où un concept, explicable scientifiquement pour les personnages, crée un monde différent de celui où nous vivons. 

Et c'est ça qui reste intéressant à lire! D'autant plus si ça ouvre la porte à des plumes provenant d'un autre horizon que les murs gris d'un laboratoire de chimie... 

5 commentaires:

Jean-Louis Trudel a dit…

Dans une certaine mesure, j'associe cette transition à l'arrivée d'autrices comme la Canadienne Phyllis Gotlieb dans les années 1960, ou Ursula K. LeGuin et plus tard Alice Sheldon, qui s'appuyaient sur la sociologie, la psychologie et l'anthropologie (de l'époque).

Gen a dit…

@Jean-Louis : En effet, ça semble avoir commencé avec elles. Et tout écrivain de SF s'appuie sur les concepts scientifiques de son époque.

Michèle Laframboise a dit…

"le temps de loisir consacré à l'écriture étant plus disponible pour les hommes..." Comme c'est bien observé !

Je qualifie souvent ma SF de "dure et croquante" (miam!)

Nathalie FT a dit…

Totalement d'accord (mais on a une partie du cursus en commun : histoire et psychologie.. donc j'ai craqué depuis longtemps pour Ursula K Le Guin exactement pour cela : de l'anticipation sociale et pas juste technologique. Ouverture avec Ursula oui et chez les francophones, Elisabeth Vonarburg avec la chronique du pays des mères, Joëlle Wintrebert et Lucie Chenu qui mélangent technologies et questions sociales. Anticiper le monde de demain, c'est essentiel par les temps qui courent et oui c'est aussi de la SF !!

Gen a dit…

@Michèle : Oui, je voulais souligner la différence entre les sexes... La pandémie l'a ramenée et ça me frappe d'ailleurs dans les deux derniers numéros de Solaris : presque juste des hommes.

@Nathalie : Oui! Il y a d'autres sciences que celles permettant de voyager dans l'espace. Surtout que c'est pas le plus urgent présentement.