Les années passant, je me rends compte que lorsqu'on n'a jamais manqué de quelque chose, on éprouve une peur aiguë à l'idée que ça puisse arriver.
J'ai ri récemment en lisant cet article à propos d'un couple aisé qui a fait, pendant un mois, une épicerie pour quatre personnes avec 210$. Je me suis moquée d'eux pendant un moment. J'veux dire : on est trois, la nourriture sans gluten nécessaire à mon chum coûte un bras pis une jambe (vous jetterez un coup d'oeil pour le fun : un mini-pain sans gluten, c'est 8$, soit une piasse de la tranche! ça te monte une facture assez vite) et on se tient facilement sous la barre des 200$ par semaine, alors avec des produits normaux, me semble que ça doit pas être un si grand défi de nourrir une famille de quatre!
D'ailleurs, les sources de stress évoquées me semblaient d'un ridicule consommé. Ils devaient penser à planifier leurs repas. Heille, bienvenu dans le club! Pis, imaginez-vous : y'a une semaine où ils ont eu peur de manquer de beurre! Oh là là, qu'est-ce qu'ils auraient fait? Ils ont jamais utilisé d'huile ou mangé des toasts secs ce monde-là?!?
C'est là que ça m'a frappée : non. Non, ils avaient jamais fait ça. Ils avaient jamais eu à gérer le manque d'un ingrédient. Le manque de planification. Avant, leur vie était simple : il te manque quelque chose : tu achètes. Là, soudain, ils avaient peur de ne pas savoir quoi faire devant un manque.
J'ai continué à réfléchir. J'ai pensé à d'autres situations observées autour de moi. À ma défunte mère qui avait toujours peur de manquer d'argent, de ne plus avoir de travail. Elle avait déjà eu des finances serrées, elle n'avait pas grandi dans le luxe, il lui était déjà arrivé de perdre un emploi, elle avait été femme au foyer, donc dépendante de mon père, mais ça n'avait pas duré très longtemps. Elle n'avait jamais été pauvre, sur le BS ou criblée de dettes et dès qu'elle s'était remise sur le marché du travail, les emplois n'avaient pas manqué. La pensée de ne plus avoir de revenus ou d'économies la terrorisait. Pourtant, avec son sens pratique (elle savait coudre, cuisiner, couper les cheveux, rafistoler plein de trucs), elle s'en serait sans doute bien tirée.
Personnellement, je suis peu attachée à mes possessions matérielles, sauf à ma maison. Les livres, les ordinateurs, les vêtements, je sais que dans le pire des cas, je trouverais à les remplacer. J'ai vécu des moments de ma vie où j'en avais pas ou peu et j'ai survécu. Par contre, je n'ai jamais été dépourvue de domicile. J'ai toujours habité un endroit où je me sentais chez moi, qui me donnait l'impression de m'appartenir, même si ça a déjà été la maison de mes parents. Je ne sais pas comment gérer le manque de foyer. Alors tout ce qui met ma demeure en danger me terrifie.
Je regarde ma fille, qui grandit dans l'abondance (de jouets, de livres, de nourriture, d'attention... ok, je la gâte, j'avoue) et des fois ça m'inquiète un peu. Aura-t-elle, plus tard, toujours peur de manquer de tout, n'ayant jamais appris à gérer une disette? Puis elle me réclame un biscuit comme dessert, la veille du jour de l'épicerie, et me voilà en train de lui expliquer qu'il n'y en a plus. Et, dépendamment des soirs, elle gère ça avec plus ou moins de philosophie.
Mais sans trace de peur. Ouf!
Je vais désormais garder cette histoire de manque en tête quand je créerai des personnages...
2 commentaires:
Me semblait aussi que ça finirait par servir à des personnages!
On reconnait bien là une écrivaine: tout finit dans des mots écrits.
@Claude : Y'a une autre manière de concevoir le monde? :p
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