J'vais pas vous mentir : en organisant le Boréal, j'ai été confrontée à mes propres réflexes.
On veut parler du personnage? Demandons à Patrick Senecal et à Olivier Paquet et à Éric Gauthier et Frédérick Durand et à...
Minute là. Quatre hommes? Pourquoi je nomme trois hommes? Y'a pas de femmes qui pourraient parler de cette question là?
Ben oui : Élisabeth Vonarburg en a fait son cheval de bataille et Esther Rochon a sans doute des réflexions très intéressantes à livrer. Pourquoi est-ce que j'ai pas pensé à elles?
C'est en tentant d'équilibrer un peu les tables-rondes côté genre des participants que j'ai constaté un truc : quand on cherche, on trouve.
Comme beaucoup de gens, pendant longtemps, je me suis dit que les quotas de représentativité des sexes (dont j'ai parfois bénéficiés), ça voulait dire que des femmes se retrouveraient dans certains postes seulement parce qu'elles étaient des femmes et non parce qu'elles étaient les meilleures pour ce poste.
Bref, à la suite d'invitations où j'étais clairement là pour assurer une présence féminine, je me suis posé bien des questions sur mon propre talent.
Puis j'ai pu observer mon propre réflexe : devant un poste à combler, un invité à trouver, les hommes me venaient toujours à l'esprit en premier. Et pas parce qu'ils étaient nécessairement les plus talentueux, non. Simplement, mon esprit faisait l'équation facile : on entend souvent parler d'eux, donc ils doivent être bons et je vais leur donner de la place moi aussi.
Pourtant, quand je me suis obligée à considérer d'autres options, des choix aussi ou même plus pertinents (et plus originaux!) me sont facilement venus à l'esprit.
Ça m'a rassurée. Sur le concept des quotas et leur pertinence. Sur la richesse de mon milieu (on avait finalement 52% de participants féminins au congrès). Ainsi que sur mon propre talent. Je sais que les gens qui m'ont invitée en se disant "Ça nous prend une femme", ils ont fini par penser à moi parce que j'avais le talent pour être là. Si j'étais un gars, j'aurais peut-être même été l'un de leur premier choix (ben quoi, on peut rêver! ;)
Un jour, penser en terme d'équilibre homme-femme dans tous les événements, ce sera un réflexe. En attendant, on se donne des cibles, des quotas. :)
Le prochain combat pour le milieu des littératures de l'imaginaire, ce sera la représentativité ethno-culturelle. Heureusement, la prochaine génération d'écrivains s'annonce moins uniformément blanche, alors ça devrait nous faciliter la vie! Parce que bon, pour ce congrès-ci, on aurait bien voulu, mais les écrivains de SFF qui sont pas de souche européenne, y'en a pas des masses. (Ou alors c'est des super vedettes hors de nos moyen.) Si vous en connaissez, invitez-les à prendre contact avec nous. :) On sera heureux de les lire et de leur faire une place!)
7 commentaires:
Chers lecteurs de ce blogue: vous voulez savoir pourquoi j'ai proposé à Geneviève d'être responsable de la programmation du congrès? Lisez ce billet.
Et à la principale intéressée: tu as fait un boulot magnifique. Et tu étais mon premier choix. :-)
@Alain : La flatterie ne te mènera nulle part! J'suis contente de l'avoir fait (surtout maintenant que c'est fini), mais on ne m'y reprendra plus. (Entk, pas avant que ma mémoire n'ait eu le temps d'oublier un peu les journées à 75 courriels! O.o)
Le truc, c'est parfois de commencer plus tôt...
«Heureusement, la prochaine génération d'écrivains s'annonce moins uniformément blanche, alors ça devrait nous faciliter la vie! Parce que bon, pour ce congrès-ci, on aurait bien voulu»
Je ne vous cacherai pas que le discours ambiant de la bienpensance commence à me donner de l'urticaire; et il y en avait pas mal beaucoup au dernier Boréal.
Existait-il une barrière à l'entrée du congrès interdisant à «la diversité» d'entrer? Pas que je sache. Y en a-t-il à l'entrée de Solaris, de Brins d'Éternité, des divers micro-éditeurs ou des éditeurs de littérature mainstream qui ont désormais la cote au Prix J-B? Pas que je sache.
Aux côtés des enfonceurs de portes ouvertes, il y a désormais les abatteurs de barrières inexistantes.
@Jean-Louis : Reste qu'il y a quand même beaucoup de gens à contacter, beaucoup de questions, de retours de courriels, etc.
@Daniel : Non, il n'existait pas de barrière (surtout que les revues lisent souvent les textes à l'aveugle!). Cependant, les immigrants de première ou même de deuxième ou troisième génération ne sont pas au courant des réseaux en place. (Même les gens du cru ne savent pas toujours qu'il existe une communauté SFFQ et des revues associées!) Alors faire un petit effort pour aller en chercher quelques-uns et les inclure, ça nous demande pas grand chose et ça peut rapporter beaucoup de nouvelles voix originales. À mon sens, c'est pas de la bienpensance, juste de la diffusion d'information.
Par contre, pour ce Boréal-ci, je t'accorde qu'avec les cégépiens qui venaient pour la première fois, on a un peu marché sur des oeufs pour être sûrs que tout se passe bien. Avec les années, on pourra se détendre! ;)
Ce n'est pas tout à fait un hasard si les responsables de la programmation ont souvent utilisé un sondage depuis une vingtaine d'années. :-) Il est même possible d'inclure, comme le font les conventions anglophones, une question pour les invités quant aux gens avec lesquels ils veulent pas participer à une table ronde.
Après, une fois les sélections effectuées et l'horaire dressé, il ne faut pas laisser les participants s'habituer à chipoter et mégoter... C'est oui ou c'est non.
Pour ce qui est de la diversité, notons bien qu'elle est plurielle. D'abord, Boréal inclut depuis plusieurs décennies des invités anglophones (anglo-Québécois, anglo-Canadiens, anglo-Étatsuniens, etc.) ainsi que des invités non-Canadiens (États-Unis, France, Italie, Grande-Bretagne, pour l'instant, au moins.) Ensuite, comme je l'ai souligné sur Facebook, le congrès Boréal a été fondé et largement porté au fil des ans par des immigrants de première et seconde génération. Ensuite, contrairement à un certain nombre d'événements culturels québécois, le congrès n'est pas resté uniquement à Montréal ou dans sa région. Au fil des ans, il a été tenu à Québec, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans l'Outaouais et dans les Laurentides. (En Estrie, l'an prochain.) La participation et la reconnaissance des femmes ont toujours été respectables, sinon paritaires, au gré des congrès. Et même si c'est plus difficile à évaluer pour moi, j'ai l'impression que le congrès est depuis longtemps queer-friendly. (Sinon, il faut nous le dire.)
Bref, le congrès n'a pas à rougir de son inclusivité et de son ouverture. D'ailleurs, c'est peut-être bien une des clés de sa durabilité.
@Jean-Louis : Sondage ou pas, reste qu'il faut communiquer avec tout ce monde!
Pour la diversité et l'inclusivité, en effet, je crois que le congrès n'a jamais eu à rougir. Mais c'est pas parce qu'on fait bien les choses depuis longtemps qu'il faut s'asseoir sur nos lauriers. Continuons à être des pionniers! :)
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