J'ai souvent eu l'impression que j'écris sans style (même si plusieurs amis me certifient que non). Probablement parce que je n'ai jamais pensé particulièrement à mon style quand j'écrivais. Je pensais à l'histoire, à l'ambiance, aux mots que j'utilisais (pour éviter les répétitions inutiles), aux métaphores filées que je voulais imbriquer dans mon texte... Bref, je ne me disais jamais "là faudrait que je fasse un peu de style".
Récemment, je me suis rendu compte que c'est sans doute une bonne chose.
Parce qu'à force de lire des manuscrits d'auteurs plus ou moins débutants, je constate que les textes où on a voulu "faire du style" se repèrent à quatre indices distincts :
1) Vocabulaire mal employé
Empreinte et emprunte, ça ne veut pas dire la même chose. Inoculation, ça peut être synonyme de vaccination, mais pas de contagion ou d'épidémie. Lorsqu'un auteur cherche à utiliser des "beaux mots", il finit souvent par employer certains termes qu'il ne maîtrise pas tout à fait... Et l'erreur sautera aux yeux du lecteurs, gâchant tout l'effet du paragraphe truffé de mots à 50 piasses.
2) Métaphores clichées
Blonds comme les blés. S'effondrer comme une poupée de chiffon. Lire en quelqu'un comme dans un livre ouvert. Quand vous lisez un texte et que vous avez l'impression de pouvoir terminer la moitié des phrases sans les lire, ça veut dire que l'auteur, sans doute en voulant bien faire, a eu la main lourde avec les métaphores clichées et les expressions idiomatiques les plus communes. Ça vole déjà pas haut, mais si jamais les jeunes filles se mettent à être frêles comme des soles (ouille!), c'est là que le bas (!?!) blesse! Et le tout me pue au nez. (S'cusez-la, j'ai pas pris mon deuxième café.)
3) Métaphores bizarres
Pour éviter de tomber dans les clichés, certains auteurs décide de réinventer la voile (la roue, ça a été fait). Le problème, c'est que ces métaphores nouveaux genres peuvent introduire au mauvais moment un effet comique involontaire ou alors être si bancales qu'elles sortent complètement le lecteur du texte. Des exemples lus récemment : "À sa grande horreur, il découvrit un cadavre raide comme une trique" (oui, mais non...) ou encore "Les bateaux flottaient comme des bulles dans un verre de champagne" (euh... ils étaient en dessous de l'eau et éclataient en atteignant la surface?!?)
4) Répétitions
Un autre trait que j'ai remarqué chez les débutants qui essaient de faire du style, c'est qu'ils formulent d'abord leur "jolie" phrase, genre "Il la contempla d'admiration dont il couvait d'ordinaire les divins autels", puis ils en rajoutent deux ou trois autres, plus simples, qui expliquent la même chose : "En effet, depuis son enfance, il n'avait été attiré que par les statues des déesses. Mais cette femme, devant lui, l'attirait tellement, elle ressemblait tellement aux statues des temples, elle était si belle, qu'il ne pouvait arrêter de la regarder." On jurerait que l'auteur ne nous fait pas confiance pour comprendre ce qu'il a déjà dit... parce qu'il sait subconsciemment que sa métaphore était incompréhensible ou son vocabulaire imprécis ou maladroit.
Y a-t-il d'autres indices que j'ai oublié?
Et qu'est-ce qu'on est supposés faire avec un auteur qui écrit comme ça et qui s'obstine que c'est de même qu'il faut faire pour être publié? À part lui expliquer que son style à lui, c'est ce qui restera quand il arrêtera de forcer?
8 commentaires:
Oui, t'as oublié les longues phrases tellement mal construites/ponctuées qu'elles en deviennent fautives syntaxiquement. Tsé, quand un auteur pense qu'il faut mettre les virgules aux places où tu respires en lisant le texte (j'ai vraiment déjà entendu ça!), ça part vraiment, vraiment, VRAIMENT mal.
(Vraiment, [respire] vraiment, [respire] VRAIMENT mal)
@Guillaume : Lol! T'as raison, j'ai oublié les phrases à rallonge et les ponctuations à la mitraillette. (Par contre, pour les virgules placées là où on respire en lisant le texte, c'est comme ça qu'on me l'a déjà expliqué à moi aussi. J'avais trouvé que c'était une drôle d'idée... et j'avais mis mes virgules APRÈS les mais pendant un boutte! Parce que c'est là qu'on prend une pause, non? hihihihihi)
"En effet, depuis son enfance, il n'avait été attiré que par les statues des déesses. Mais cette femme, devant lui, l'attirait tellement, elle ressemblait tellement aux statues des temples, elle était si belle, qu'il ne pouvait arrêter de la regarder."
Hmm... et depuis son adolescence, il retournait zyeuter les statues, de préférence quand il n'y avait personne d'autre au temple?
Je crois qu'il était mûr pour les «statues» en silicone... :O/
@Daniel : Lol! En lisant ce passage (enfin, pas celui-là, mais un du genre), je m'étais dit moi aussi qu'il devait se passer de drôles de trucs dans les temples à la nuit tombée avec un personnage semblable!!!
Je me suis toujours rappelé ce commentaire d'Isaac Asimov en éditorial, où il mentionnait que, historiquement, produire des vitres transparentes s'était avéré beaucoup plus difficile que produire des vitraux colorés.
Il y a souvent plus de technique à produire une prose transparente qu'une prose "stylée".
@Alain : J'aime la comparaison. :) Et je ne crois pas qu'une prose transparente nécessite plus de technique d'écriture que la prose fleurie, mais le récit, lui, doit être irréprochable, car on en verra vite les défauts.
Je grimace de douleur en relisant les premiers paragraphes de mon premier roman tellement j'ai pris de grands mots inutiles!
Je crois que, en mode comme en écriture, le style meurt dès qu'il devient un effort conscient.
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