vendredi 2 juin 2017

Certains écrivains se piègent-ils eux-mêmes?

Ma démarche artistique est centrée sur le conflit.

Le conflit d'un personnage avec un autre.

D'une communauté avec une autre.

D'un personnage avec lui-même.

Quand j'ai une idée d'histoire, je cherche où est le potentiel conflictuel dans mon idée et, voilà, je suis lancée!

Les conflits peuvent se résoudre de plusieurs façons : affrontement, négociation, compromission, abdication...

Bref, j'ai l'impression que je tiens une source d'inspiration assez riche. Parce que tous les types de personnage, dans tous les genres de récit, à toutes les époques peuvent tôt ou tard entrer en conflit. (Et s'ils ne le peuvent pas, ça constitue un conflit entre les attentes d'un lecteur au sujet de la nature humaine et l'univers du récit! :)

Mais dernièrement, je lis certains auteurs et je m'interroge... Est-ce que je suis simplement chanceuse d'avoir le cerveau qui s'illumine grâce à un thème aussi large que le conflit?

Parce que ces temps-ci (remarquez, j'suis ptêt juste pas chanceuse), il me semble que certains des mes auteurs préférés, des gens pourtant très talentueux (non, je ne les nommerai pas et non, c'est pas juste des Québécois), semblent tourner en rond. Leur nouveau roman contient le même genre de personnage que leur roman précédent, la même ambiance, quasiment la même structure narrative... Quand il s'agit d'une série de romans, passe encore (quoiqu'un moment donné je me tanne, car je ne suis pas imperméable aux clichés), mais quand on tente de nous faire croire qu'il s'agit d'un nouveau personnage, dans un nouvel univers, mais qu'au fond c'est la même histoire, là je décroche.

Cette semaine, au moment de refermer un livre terminé de peine et de misère, juste avant de me jurer de ne pas relire une histoire de cet auteur avant au moins 10 ans, j'ai eu un moment de doute.

Et si ces auteurs, que j'ai longtemps eu le réflexe de soupçonner de paresse, étaient piégés dans leur démarche artistique? Obligés d'écrire ce genre d'histoire, parce que c'est tout ce qui leur vient à l'esprit, tout ce qui leur met le feu aux neurones?

Est-ce que vous pensez que c'est possible? Que certains écrivains peuvent se piéger eux-mêmes dans leur source d'inspiration et leur démarche artistique? Qu'ils se retrouvent capable d'introduire des nuances dans leurs histoires, mais jamais de vrai renouvellement? Ou alors ils se copient volontairement eux-mêmes, persuadés d'avoir trouvé le bon filon? (Et en ignorant que le propre des filons, c'est de s'épuiser un jour ou l'autre?)

4 commentaires:

Mathieu a dit…

Je prends vraiment plaisir à lire tes réflexions sur l'écriture, sur la lecture, surtout ceux que tu as publiés récemment, et ce même si je ne prends pas le temps de les commenter bien souvent - vivent les horaires débordés ! ;)

Bref, juste un petit mot pour te dire que c'est bon et pour te remercier de prendre de TON temps pour les écrire.

Et pour participer à la discussion que tu lances ici : si tu relisais les précédents romans des auteurs que tu évoques dans ton billet, y retrouverais-tu vraiment « la même chose » que dans leurs plus récents livres ? Ou bien est-ce « la même chose » que ce qui se trouve dans tes souvenirs de ces lectures, dans l'image que tu t'es construite de leurs productions ? En gros, est-ce bien les auteurs qui écrivent sans sortir de leurs cages, ou bien est-ce la lectrice qui garde les mêmes réflexes, les mêmes a priori, etc. ? ;)

Gen a dit…

@Mathieu : Merci pour les bons mots!

Et pour ton apport à la discussion : sur ce point en particulier, sachant que je ne peux pas me dissocier moi-même de mes a priori de lectrice, j'ai discuté avec d'autres avant d'écrire ce billet. Et je ne suis pas la seule à avoir l'impression que certains auteurs, de tous horizons, tombent parfois dans des espèces d'ornières. Certains en sortent un moment donné, d'autres y restent.

Cela dit, on peut discuter de l'existence réelle de ces ornières. Est-ce que les œuvres laissent une impression semblable tout en étant différentes? Peut-être... Mais dans ce cas-là, peut-être ne sont-elles pas assez différentes? Ou alors c'est le but recherché par l'auteur et mes amis et moi sommes juste des lecteurs chialeux? :p (Possibilité qui n'est pas à exclure! lol!)

Claude Lamarche a dit…

Est-ce possible que ce soit une demande d'éditeur?
Ça me fait penser à ces galéristes qui demandent aux artistes peintres de toujours jouer dans les mêmes couleurs, les mêmes sujets, question que les acheteurs reconnaissent leur style. Tout en leur demandant d'évoluer.
Peut-être la même chose chez les auteurs dont tu parles? Non?

Il est vrai qu'en tant que lectrice, parfois j'ai l'impression d'avoir fait le tour. Exemple (je vais nommer un nom, moi!!!): La diaspora des Desrosiers de Michel Tremblay. Je me suis lassé après sept. Les derniers ne m'intéressaient plus, ne m'apprenaient rien qui n'avait pas été dit. Ou compris en tout cas.

Gen a dit…

@Claude : Je ne sais pas à quel point certains éditeurs peuvent s'impliquer dans le style ou la démarche d'un auteur. Les miens ne l'ont jamais fait en tout cas...

Et tiens, je n'avais pas Michel Tremblay en tête, mais oui, c'est un bon exemple de pattern répétitif. Et, comme tu dis, en tant que lecteur, ça peut devenir lassant.