Quand, dans une animation scolaire portant sur la série Hanaken, on me demande ce qui m'a tant attirée dans la culture japonaise, je suis toujours un peu embêtée, car la réponse est triple :
Petite fille, ce sont les magnifiques kimonos qui me faisaient baver d'envie.
Adolescente, les arts martiaux et le concept de pouvoir me défendre moi-même m'a séduite.
Mais maintenant que je suis adulte, c'est plutôt la philosophie, l'art de vivre des samouraïs qui me touche profondément.
(Notons ici que dans tous les cas, ma passion pour le Japon est ressentie principalement envers leur civilisation ancienne. Le Japon moderne a ses bons côtés, mais sa société est plutôt aliénante.)
J'aime le fait que les samouraïs, en tant que groupe sinon en tant qu'individu, savaient que leur vie était aussi fragile qu'une fleur de cerisier. Ils ne se le cachaient pas, ne jouaient pas à cache-cache avec la mort. Ils regardaient en face la menace du trépas et vivaient chaque jour en sachant qu'il pouvait s'agir du dernier.
Il y a une nuance importante à saisir ici. De nos jours, on voit plusieurs personnes, sous prétexte de YOLO (You live only once) vivre comme s'il n'y avait pas de lendemain, pas de conséquence à l'endettement et aux excès en tout genre.
Les samouraïs ne vivaient pas chaque jour comme si c'était le dernier. Ils vivaient chaque jour comme s'il pouvait être le dernier. La possibilité de demain, de l'an prochain ou même du vieil âge n'était pas oubliée, mais leur philosophie les poussait à profiter de chaque instant, de chaque petit bonheur, au cas où il n'y en aurait plus d'autres. Leur quotidien étaient tissé de courts instants de contemplation.
En cela, ils se rapprochent des anciens Romains et de leur "carpe diem, quam minima credulum postero" (qu'on traduit souvent en français comme "saisis l'instant présent sans croire au lendemain", mais qui serait mieux traduit par "saisis le jour présent et fais une confiance minimale au futur"). Tiens donc, la civilisation romaine, mon autre passion historique!
Quand j'explique mes raisons philosophiques aux adolescents, ils me regardent souvent avec des grands yeux confus. Ils sont à l'âge où ils vivent naturellement le moment présent avec intensité. J'espère juste que certains d'entre eux retiendront mes paroles et que, plus tard, quand la course folle de la vie menacera de les emporter dans le tourbillon où on passe la journée à attendre les pauses, la semaine à attendre la fin de semaine, l'année à attendre les vacances, la jeunesse à attendre l'âge adulte et la vie adulte à planifier la retraite, ils se souviendront de l'auteure bizarre qui est venue leur parler un jour.
Et qui leur a raconté que, des fois, c'était important de s'arrêter pendant une minute, de prendre conscience d'un moment agréable (fut-il une première gorgée de café chaud, l'accolade d'une personne qu'on aime ou le parfum des fleurs), d'un coup que ce soit le dernier.
4 commentaires:
Ah... Tu viens d'expliquer tout à coup pourquoi je ressens cette grande paix à vivre l'instant présent, sans me sentir particulièrement bien avec le YOLO. Je vis comme si aujourd'hui POUVAIT être le dernier, mais je prévois quand même un lendemain s'il est présent! ;)
Les Japonais d'aujourd'hui vivent encore selon cette philosophie, je crois. Ils sont toujours les résidents d'un pays difficile qui les menacent régulièrement. C'est pour cela qu'on admire autant les saisons là-bas. À chaque changement, on se rappelle que c'est peut-être le dernier que l'on vit. Que la beauté est éphémère.
@Nomadesse : Oui, je crois que cette philosophie, l'essence du zen au fond, est encore bien présente dans le Japon actuel. Enfin, quand les interminables heures de travail sont terminées!!!
Wow, j'apprécie tellement ce billet plein de sagesse ! Bravo !
Et en passant dans l'appréciation du moment présent et notamment du Japon antique tu as probablement une petite place pour les merveilleux Sushis! ;O)
@Daniel Blouin : C'est sûr que quand je mange des sushis, j'suis proche du satori! :P (quoique nos sushis modernes sont assez différents des plats antiques, où le riz était fermenté et non seulement vinaigré)
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