mercredi 13 janvier 2016

Le patrimoine perdu

Mes parents m'ont aidée à démarrer dans la vie, dans la mesure de leurs moyens. Pendant mon bac, mon père payait mes frais d'inscription, tandis que ma mère a équipé la cuisine de mon appart, en plus de me transférer une part de la pension alimentaire qu'elle recevait. J'ai bouché les trous restants dans mes finances grâce à de petits boulots, en partageant les frais avec Vincent et en vivant chichement.

Tout ça m'a permis de commencer ma vie d'adulte sans prêt étudiant à rembourser. Ce qui a nettement amélioré ma solvabilité auprès des banques. Et nous a permis de nous acheter une maison avant que le marché ne devienne complètement débile.

Éliane avait trois mois quand on lui a ouvert un REEE. Grâce aux articles en prime qu'on reçoit avec nos épiceries, on lui a déjà mis de côté un service de vaisselle et là on accumule des timbres pour lui constituer une batterie de cuisine. Ouais, on s'y prend d'avance. (Et avec les timbres, on dirait qu'on joue dans les Belles-Soeurs!) Mais on trouve ça important de lui constituer un trousseau, de lui assurer un début de vie adulte plus facile, sans dettes ou presque.

À chaque fois que j'entends des parents dire que "personne ne les a aidés et ils ont travaillé pour ce qu'ils ont, alors leurs enfants ont juste à faire pareil", j'ai envie de hurler.

Pensez-vous que c'était l'attitude des parents de Guy Laliberté? Ou de Pierre Elliott Trudeau?

Les générations pré-Révolution Tranquille le savaient : pour créer un patrimoine familial et enrichir la famille, les parents doivent donner un coup de main aux enfants, dans la mesure de leurs moyens. Même si ça consiste simplement à leur donner un fauteuil défoncé pis une table usée mais pas tuable.

On dirait que les boomers ont, en majorité, perdu ce principe de vue. Et que les X ont embarqué dans la même game. Ironie suprême : il me semble que plus ces boomers et X ont connu du succès financier, moins ils ont tendance à le partager avec leurs enfants.

Je ne comprends pas. Ne voient-ils pas que les paramètres ont changé? Que les diplômes coûtent plus chers et les loyers aussi? Que si leurs propres parents avaient pu les aider, ils l'auraient fait? Que les fortunes familiales se construisent sur le long terme, avec des trousseaux planifiés, des héritages bien garnis... pas sur des dettes d'études et des hypothèques inversées.

Quelqu'un a une explication?

7 commentaires:

Nomadesse a dit…

Quand je jasais de cela avec mon père (en accord avec nous), il me disait que selon ce principe débile (laisser-les se démerder comme nous), il n'aurait pas fallu que nous ayons une salle de bains à l'intérieur de la maison, puisque lui, quand il était jeune, la bécosse était dehors et "on s'est débrouillé pareil"! Son exemple illustre bien à quel point ce raisonnement ne tient pas la route: il est normal que l'on cherche à améliorer sa condition. Ou à tout le moins, à la maintenir.

Et c'est là qu'on en vient directement aux REEE. Nous aussi, on a ouvert un REEE pour chacun des enfants très tôt. J'ai vécu l'endettement étudiant. C'est chiant et injuste (et le mot est faible: mon chum plaçait des REER pendant que je remboursais ces sacrés prêts pendant des années!), mais ça m'a quand même permis d'étudier d'avoir reçu ces prêts (et surtout ces bourses!) Mes parents fournissaient beaucoup de petits plats préparés, je faisais des jaloux! Et ils m'aidaient à déménager (Université de Sherbrooke: stage aux 4 mois).

Mais je crains que, pour mes enfants, l'État ne soit plus là. Comme je doute que les programmes existent encore pour moi quand j'aurai atteint l'âge de la retraite, j'ai également la crainte que mes enfants ne puissent même pas "se débrouiller" pour étudier comme j'ai pu le faire. Alors les REEE, ce n'est même pas pour améliorer le patrimoine familial. C'est juste pour leur permettre d'avoir un coup de pouce s'ils veulent étudier au-delà du secondaire. Ce n'est pas du luxe.

Le hic? Cette année, avec les coupes dans les programmes et le coût des CPE qui offrira une belle surprise à nombre de familles en mars-avril, on vient justement de couper nos versements dans les REEE. Pour 2016, c'est en pause. Et très franchement, ça m'énerve. Depuis le début de l'année, la pilule passe assez croche. Juste de l'écrire, ça me déprime.

M a dit…

Les REEE, avec ce que le gouvernement met dedans + les intérêts, c'est une super bonne façon de mettre de l'argent de côté. Le hic, ici aussi, c'est qu'on a mis ça en pause il y a quelques mois parce qu'on n'y arrivait plus. Mais dès que le DPP rentre, je remets dans les deux REEE les montants omis pendant l'année... en espérant qu'un jour, je puisse prendre cette somme et la placer en REER!

Une femme libre a dit…

En tant que membre de la génération des baby boomers, je vois qu'on a pas les mêmes amis ou connaissances issus de cette génération! Mes amis à moi se saignent pour leurs enfants, je fais de même (tu le sais!) et le seul dilemne qu'on a parfois est d'aider sans non plus se faire exploiter. Aider sans freiner l'autonomie mais en se privant un peu parfois. Pourquoi pas? C'est un choix. Éliminer un voyage pour aider ses enfants à bien se partir, je ne vois pas ça comme un sacrifice, mais bien comme un investissement dans leur vie et leur avenir. Ceci dit, je remarque que mes amis babyboomers qui n'ont réellement pas les moyens financiers d'aider leurs enfants adultes n'ont pas pour autant des enfants dans la misère. Il y a bien des moyens d'aider, l'argent en est un quand on en a mais il y a aussi la présence, l'écoute, l'affection, la confiance etc qui ne sont pas monnayables mais qui aident également énormément à bien partir une jeune personne dans la vie.

Nomadesse a dit…

Mes parents sont des X, alors ils ne sont pas représentants des baby-boomers. Mais bon, ces histoires de générations, comme le montre bien Une femme libre, ce n'est pas toujours alignés sur la réalité!

Comme M, nous prévoyons aussi prendre le capital pour nos REER plus tard, et leur laisser les intérêts (réduits à peau de chagrin en ce moment) et les subventions. Quand on pourra en remettre...

Gen a dit…

@Nomadesse : Lolol! J'aime bien l'exemple de ton père. Et moi aussi j'ai peur que les programmes (même "l'endettement préférentiel") ne soient plus là quand ma fille en aura besoin.

Pour l'augmentation du prix des garderies... comme on va payer pour la première fois cette année, nous on aura juste manqué "la belle époque". :S

@M : Des REER pour deux artistes? ;) C'est légal? ;p (Je déconne, évidemment, mais c'est fou comme la planification de retraite, c'est pas facile à faire avec des revenus fluctuants!!!)

@Femme libre : Je ne connais pas beaucoup de gens de cette génération qui ont adopté 3 enfants, alors non, on a pas les mêmes fréquentations! ;) Je viens d'une famille relativement aisée, qui était établie dans une ville très très aisée, alors je pensais surtout aux parents de mes amis, qui sont souvent très riches (peu importe votre définition de "riche"), mais qui n'aident pas leurs enfants. Je vois aussi des exemples du contraire, mais dans mon entourage, c'est plus rare.

Isabelle Lauzon a dit…

Je n'ai pas d'explication, mais ma fille constate que beaucoup de ses amis sont moins chanceux qu'elle en termes d'investissements des parents pour leur avenir.

Bien souvent, ils ont tous les gadgets, font plein de voyages... Mais les parents ne les aideront pas pour le permis de conduire ni les études.

Faut croire qu'on n'a pas tous les mêmes priorités!

Gen a dit…

@Isa : Voilà, c'est exactement le genre d'illogismes que j'ai vu chez les parents de mes amis quand j'étais jeune et chez certains amis-parents maintenant. (Remarque, le permis de conduire, je peux comprendre, forcer le jeune à le payer, ça veut dire qu'on garde le contrôle de la voiture plus longtemps! :p)