lundi 11 janvier 2016

Parler de réécriture?

Je lisais récemment une entrevue avec un auteur en vue et j'ai remarqué quelque chose : on questionne beaucoup les auteurs sur leurs méthodes d'écriture, leurs rituels, leurs inspirations, etc.

Mais on les questionne très peu sur leurs méthodes de réécriture.

D'ailleurs, la première fois qu'un jeune auteur (Pierre-Alexandre pour ne pas le nommer! ;) m'a demandé "Euh, mais comment je fais pour réécrire?" j'ai été un peu embêtée. Il m'a fallu une bonne réflexion afin d'arriver à lui donner des lignes directrices.

Alors je me suis demandé... Pourquoi est-ce qu'on en parle pas de ça? C'est pourtant l'essentiel de la job d'écrivain!

Parce que c'est évident? (Il faut laisser reposer le texte, puis analyser la structure, la cohérence, la narration, puis, seulement, corriger la langue... ou alors vous avez une autre méthode?)

Parce que c'est plate?

Parce que les journalistes savent même pas que ça existe?

Autre?

16 commentaires:

Guillaume Voisine a dit…

D'un point de vu strictement technique, il me semble légèrement plus facile de parler d'écriture, parce que le point de départ (pour un texte donné) est le même pour tout le monde: la feuille blanche.

La réécriture est une autre bête complètement, parce qu'elle dépend de l'état du texte après l'écriture, ce qui change d'un auteur à l'autre, d'un projet à l'autre. Il y a quand même moyen de généraliser, évidemment.

Guillaume Voisine a dit…

(Mmm, je relis ton billet et je réponds pas mal à côté, finalement. Mais hey, j'ai pas le temps de réécrire mon commentaire :P)

Dominic Bellavance a dit…

Ben non, Guillaume, ça répond pas mal à la question!

J'abonde dans le même sens. La réécriture, c'est large. Ça couvre autant le macro que le micro. Et on peut difficilement dire : "Moi, je réécris comme ÇA", parce qu'au fond, ça dépend toujours du texte qu'on a devant soi.

J'ai déjà essayé de parler de réécriture sur mon blogue à une époque lointaine, et j'avoue que c'est épineux. On réveille toujours le syndrome du guitariste chez nos lecteurs. "Ton solo est pas pire, mais j'le ferais pas comme ça..." Bref, quand je montrais un cas concret de travail sur une phrase, y'a toujours 2 ou 3 personnes qui me répondaient comment ils auraient fait ça, EUX. Mais pas dans le sens constructif et intéressant. Plus dans le sens "chialeux", en sous-entendant que le résultat de mon travail, c'était de la marde. C'était peut-être vrai, mais sûrement pas souhaitable dans ma démarche, compte tenu que c'était un projet en cours, et que si je m'étais mis à écouter tout le monde, je serais pas sorti du bois (et là, ça aurait été ASSURÉMENT de la marde).

Faque depuis, j'ai arrêté.

J'aimerais beaucoup reprendre le sujet, mais je me gratte le crâne en essayant de m'imaginer une méthode qui n'apporterait pas les désagréments mentionnés plus haut.

Sûrement qu'un sujet fonctionnerait beaucoup mieux à l'oral, lors d'une table ronde à Boréal, par exemple. Mais je crois que ça prend des exemples concrets quand même. Les auteurs devraient venir préparés.

Gen a dit…

@Guillaume : Je confirme c'était pas à côté! ;) En effet, je pense que la réécriture change selon chaque auteur et même chaque texte, mais je pense qu'il y aurait moyen de tirer des principes généraux... Enfin, j'y réfléchis.

@Dominic : Je pense que si on parle de réécriture "micro", phrase à phrase, c'est sûr qu'il y aura autant de réponse que d'auteur, puisqu'on touche à l'aspect esthétique et stylistique du texte. Mais la réécriture, c'est bien d'autre chose AVANT le phrase à phrase, non? C'était justement la réflexion que je m'étais faite après qu'on m'ait posé la question : si un auteur débutant commence à réécrire en travaillant les phrases, il est probablement en train de travailler pour rien. Faut s'assurer que le fond (cohérence, structure) est bon avant de toucher à la forme, non?

Et pourtant, on ne le mentionne pratiquement jamais.

Dominic Bellavance a dit…

En fait, la cohérence et la structure peut se retravailler bien avant ça, dans le plan (si on en fait un). Depuis quelque temps, je mets énormément d'efforts là-dessus, comme chaque minute investie dans le plan m'en fait gagner 10 plus tard.

Peut-être que l'intérêt envers la chose dépend du genre littéraire, aussi. En SFF, on s'intéresse beaucoup au fond, à la cohérence et à l'intrigue, alors qu'en littérature générale, pour plusieurs, c'est la forme qui prime. Dans ces cas, c'est peut-être normal qu'on s'intéresse moins à la réécriture macro.

Mais encore une fois, je pense que ça dépend trop de l'histoire, c'est du cas par cas. Pour qu'une entrevue soit intéressante, il faudrait mettre une énorme mise en contexte pour rendre la démarche de l'auteur intéressante (et compréhensible). Ça se ferait peut-être pour un article destiné à un public qui connait bien une oeuvre : l'auteur pourrait expliquer par quels chemins il est passé pour arriver au résultat final. Mais donner une démarche à froid?

Et pour un tel article, même si on s'attendait à un public d'initiés, dans les faits, les rédacteurs n'auraient aucun contrôle là-dessus, et l'article serait donc plein de spoilers, ce qui n'est jamais désirable.

Bref, c'est un sentier épineux :)

Claude Lamarche a dit…

Je vais y réfléchir et essayer de faire une petite liste des étapes. Mes étapes bien sûr.

Gen a dit…

@Dominic : Moi aussi je travaille cohérence et structure surtout dans le plan, mais si je devais expliquer à quelqu'un une démarche de réécriture, je commencerais par parler de ces deux points.

Et ouais, des fois la littgen ne se préoccupe pas trop du fond, ce qui donne le "punch" final de "La vie sur Mars"... (J'ai pas haïs le texte, mais franchement la supposée révélation finale, j'ai cru à une mauvaise joke, c'était tellement télégraphié!!!)

Mais oui, je vois ce que tu veux dire par le côté épineux d'expliquer la démarche de réécriture d'une oeuvre donnée... et les généralités ne seraient sans doute pas intéressantes longtemps.

Enfin, c'est intéressant pareil de considérer la question. Comme je disais dans le billet : je me demandais juste pourquoi on n'en parlait pas. :)

@ClaudeL : En espérant que ça te soit utile! :) Je dois dire que depuis que j'ai pris conscience des miennes, je réécris mieux, parce que j'ai moins la tentation d'en sauter une par paresse! :)

Nomadesse a dit…

Parce que c'est plate. Ben voyons!

Et ça brise le rêve un peu...

Claude Lamarche a dit…

La réécriture, pour moi, représente les différentes versions du roman.
Et tant qu’un éditeur n’est pas satisfait, je réécris. C'est beaucoup plus que la simple correction des fautes ou la révision.
La réécriture, c’est vraiment changer de place ou effacer tout simplement certains paragraphes parce qu’ils ne vont plus là, tombent à plat, n’apportent rien à l’histoire.
La réécriture se fait en plusieurs étapes, parfois deux, parfois plus selon les commentaires des lecteurs et même du comité de lecture.

Première étape, la plus longue : laisser le roman de côté pour quelques semaines. J’en profite pour l’envoyer à un premier lecteur. Au retour des commentaires de ce premier lecteur, je reprends du début, un chapitre à la fois. Je ne lis pas tout le roman. Dans chaque chapitre, je surveille s’il y a émotions, s’il y a au moins deux sens sur cinq, la vue et l’ouïe surtout. Je surveille que la fin donne le goût de passer au chapitre suivant. Il m’arrive de réécrire ou d’ajouter des scènes. Beaucoup de CTRL F pour chercher où j'ai écrit ça? ont-ils deux autos? En quelle année, il est mort? D'ailleurs, à cette étape, j'ai toujours des titres de chapitres temporaires qui contiennent des dates pour me retrouver. Je changerai les titres de chapitres, ou pas de titres du tout, à une autre étape.

Deuxième étape : j’envoie la nouvelle version à un second lecteur. Je corrige et tient compte des commentaires du lecteur, mais cette fois, je lis le tout en gardant en tête l’ensemble de l’histoire, l’équilibre, la montée dramatique, les pivots. J'ajoute ou j'enlève encore des phrases mais pour améliorer surtout.

Troisième étape, réécriture de phrases tout au plus. Je peaufine avec Antidote : répétitions, meilleur vocabulaire avec les cooccurrences.

Après, avec un peu de chance, ce ne sera que de la révision avec le ou la réviseure de l’éditeur. Mais il m’est arrivé de devoir réécrire tous les débuts de chapitres avant que l’éditeur accepte le manuscrit.

Gen a dit…

@Nomadesse : Ah, c'est sûr que l'image de l'écrivain qui réécrit 23 fois, ça brise l'idée du poète inspiré par les muses. Mais, tant qu'à moi, c'est pas une mauvaise chose!

@ClaudeL : Ta méthode ressemble un peu à la mienne... sauf que d'habitude je fais moi-même un cycle oubli/relecture/retravail avant de faire lire à un premier lecteur. (Et je me sauve des CTRL F en prenant beaucoup de notes avant et pendant)

WikiPA a dit…

Bon, comme je me sens interpellé par le sujet (et par l'auteure de ce billet! hihihi!), voici mon point de vue de jeune auteur ayant eu un atelier avec Gen! :p

Bon, même si je commence tranquillement à apprécier les vertus du plan pour des projets ambitieux, je demeure relativement sceptique devant l'utilisation d'un plan pour une nouvelle de 3000-4000 mots (ce qui ressemble pas mal à ma moyenne de mots ces temps-ci pour une nouvelle de SFF/horreur). Donc, je ne peux pas vraiment sauver du temps avec un plan.

D'ailleurs, comment on fait ça un plan? J'aimerais ça avoir une formation là-dessus en atelier d'écriture! Et ne me référez pas aux plans que je faisais pour mes articles, parce que je n'en ai jamais fait, sauf pour mon mémoire et ma thèse. Ouaip, j'suis intense comme ça, je travaille sans filet et toute la structure de l'article est clair dans ma tête. Mais pour de la fiction? Euh... Comment on fait ça un plan donc? :p

Sinon, pour les étapes de la réécriture, je me permets de retranscrire ici les étapes que Gen nous avait données en atelier. Gen, libre à toi d'effacer ce post, si tu ne veux pas que je partage de morceaux de ton atelier! ;)

1 - Temps de repos / tête de quelqu’un d’autre
2- Cohérence interne / structure
3- POV / choix de narrateur
4- Personnages → 5 sens / voix (dialogue) / chair vs carton
5- Recentrage →Quoi ? (coupe)
6- Style / écriture / coquilles / métaphores / etc.
* au final / réalisé pour « se rendre compte »

Pour moi, ça a le mérite d'être clair, et ça m'a permis d'avoir une première prise sur mon texte, un point de départ pour approcher mon texte une fois terminé. Une fois ces six étapes réalisées, on se rend compte qu'il ne reste plus que du « fine tuning », et rendu là, c'est avec un beta-lecteur (ou une beta-lectrice!) que ça se passe.

Mais je pense aussi que c'est par manque d'intérêt de la part du public que la question n'est jamais abordée. C'est un peu comme demander à un cinéaste comment se déroule le montage et la post-production de son film. Ça pourrait peut-être intéresser quelques mordus, mais jamais le grand public!

Par contre, je serais tout à fait partant pour assister à une table-ronde sur le sujet lors d'un congrès Boréal! :)

C'étaient mes deux cennes! ;)

Gen a dit…

@PA : Ok, je note qu'il faut que je vous parle du plan lors d'un prochain atelier. Je vous donnerai des exemples. :) Et je fais des plans même pour mes nouvelles de 1000 mots, alors... ;)

Cependant, j'avoue que mes plans étaient moins précis à l'époque où j'écrivais des rapports de recherche et des dissertations. Parce que les sujets non fictionnels suivent un développement logique. Les trucs de fiction, pas nécessairement.

Bon, bon, tu donnes à tout le monde mon matériel d'atelier? lolol! ;) C'est pas grave : j'ai cogité encore sur la question depuis et je suis arrivée à une méthode que je trouve encore meilleure. Chut! Je la garde pour un prochain atelier! ;)

Cela dit, je pense que l'important c'est juste d'avoir une méthode qui prend en compte tous les aspects du texte, pas juste la chasse aux adverbes.

Et je comprends que la question de la réécriture n'intéresse que les initiés, mais j'ai déjà vu des tables rondes "vos rituels d'écriture" dans un Boréal, alors que, comme tu le soulignes, me semble que ce serait un bon endroit pour "vos méthodes de réécriture".

Luc Dagenais a dit…

@Gen : c’est vrai que ça briserait ça brise l’idée du créateur inspiré par les muses, pourtant, certains écrivains sont célèbres pour leur processus de réécriture : Hemingway, Proust, Flaubert, entres autres. Il y a peut-être de l’espoir.

Gen a dit…

@Luc : À part Hemingway (qui écrivait de multiples fins avant de choisir la "bonne"), les autres "réécrivaient" plutôt au sens où ils pastichaient/ s'inspiraient/ travestissaient des textes d'autres auteurs (ou du matériel mythologique), non? Je ne pense pas qu'il soit possible de devenir célèbre à cause de notre propension à changer de narrateur entre deux versions du manuscrit... :p

Luc Dagenais a dit…

@Gen : non, non ; il s’agit bien de réécriture au sens ou on le discute ici.

Proust utilisait ce qu’il appelait des « paperolles » : au lieu de tout réécrire sans cesse, il collait des bouts de papier avec le « texte retravaillé » sur le manuscrit original… Beau casse-t^te pour les archivistes laisse-moi te dire. On peut en voir quelques exemples ici : http://www.franceculture.fr/2013-10-03-marcel-proust-cote-paperolles-12

Flaubert, quant à lui, lisait ses textes à voix haute pour s’assurer de leur fluidité et les retravaillait jusqu’à ce qu’elles « n’accrochent » plus. Et quand je dis à voix haute, c’est qu’ils les criaient littéralement ! http://omnilogie.fr/O/Le_gueuloir_de_Flaubert

:)

P.S. Mon royaume contre un bureau capitonné ou un jardin assez grand pour pouvoir y crier à pleins poumons sans déranger personne.

Gen a dit…

@Luc : Ah, ben, intéressant, j'avais toujours entendu parler des deux surtout pour leurs pastiches. :)

Quant au "gueuloir de Luc", ça s'en vient, ça s'en vient! ;)