vendredi 30 mai 2014

Rat de laboratoire

Depuis quelques semaines, j'ai l'impression de vivre dans les hôpitaux. Dire que je refusais l'idée d'une insémination artificielle ou d'une fécondation in vitro parce que je ne voulais pas d'une grossesse trop médicalisée! :S

Je vous ai déjà raconté le stress vécu après la découverte chez notre bébé d'une particularité physiologiques, ce qui nous valu une batterie de tests. (Heureusement, tout est beau).

Et là, récemment, je viens d'avoir droit à l'épreuve du rat de laboratoire, c'est-à-dire le test de dépistage du diabète gestationnel. Test consistant à faire avaler rapidement à la femme enceinte 50g de glucose pur (quantité de sucre qu'aucune personne saine d'esprit n'ingurgiterait d'un seul coup... imaginez, c'est quasiment le contenu en sucre de deux canettes de Coke!), puis à mesurer la réponse de son organisme, une heure plus tard, grâce à une prise de sang.

Bon, contrairement aux autres mamans de mon entourage, je ne me plaindrai pas du liquide ingéré. C'était sucré et ça donnait un peu mal au cœur, mais faut ce qu'il faut (me suis-je dit). Le résultat ne me stressait pas tellement : pré-grossesse, j'avais plutôt tendance à l'hypoglycémie qu'à l'hyperglycémie.

Sauf que j'avais oublié de prendre en compte quelques petits facteurs. Genre le fait que j'ai plus de 30 ans, que j'avais un surpoids pré-grossesse et, surtout, que tous mes oncles paternels sont diabétiques... Ouais, la loterie génétique était sans doute pas de mon bord.

Le test est revenu non concluant. Par un poil. J'étais dans la zone grise : taux de sucre sanguin trop bas pour indiquer avec certitude un diabète gestationnel, mais trop élevé pour qu'il soit exclu. Zut.

On m'a donc prescrit un deuxième test. 75g de glucose pur cette fois (l'équivalent de deux canettes de coke et demi). À avaler à jeun. Et avant ça, trois jours de diète enrichie en glucides. Pendant ces trois jours, j'ai eu l'impression de bouffer comme un ogre et je ne me sentais pas très bien : lourde, pas d'énergie, etc. Imaginez : la diète prescrivait un dessert avec les dîners et souper, plus des collations sucrées. D'habitude, je prends un dessert par semaine! J'ai pris 2 livres pendant ces 3 jours, alors que jusqu'à maintenant ma prise de poids suivait une courbe lente et, dixit mon médecin, parfaite.

Puis j'ai fait le test. Avaler 75g de glucides à jeun, ça m'a donné un boost d'énergie pendant environ 20 minutes. Après ça, bonjour la faiblesse, le mal de coeur, la tête dans le coton, etc... Je devais rester deux heures au CLSC, pendant lesquelles on m'a fait une prise de sang par heure. À la fin de la deuxième heure, j'arrivais plus à lire, j'avais de la misère avec mon équilibre, les jambes molles, etc...

Après le test, j'ai eu besoin du reste de la journée pour récupérer. Je me sentais complètement épuisée par les chocs que mon système venait de subir. J'avais vraiment l'impression qu'on m'avait utilisée comme un rat de laboratoire, me plaçant dans une situation qui n'avait aucune chance d'arriver dans la vraie vie (qui boirait deux canettes de coke et demi avant d'avaler quoique ce soit d'autre le matin?) juste pour voir ce que ça donnerait. En plus, bébé n'a à peu près pas bougé du reste de cette journée-là, ce qui m'a inquiétée pas mal. Elle non plus ne semblait pas avoir aimé l'expérience.

Enfin, là restait juste à attendre les résultats de ce second test. En essayant de ne pas stresser (yeah, right...)

Et quand les résultats sont finalement arrivés, nouvelle mauvaise surprise. Ma valeur de glycémie à jeun était trop élevée (par un cheveu encore une fois). Hein, quoi? Ben oui, mon système avait réagi normalement au reste du test, mais pas au jeûne de huit heures après trois jours en surplus de glucides. Cela me plaçait dans la catégorie "diabète gestationnel" et ma grossesse était désormais considérée "à risque élevé". Ce qui veut dire que je devais (encore) me taper une série de rendez-vous à l'hôpital.

Lors de ces rencontres, on m'a remis un glucomètre et tout le kit pour me trouer les doigts quatre fois par jour (soit dit en passant, prendre ses glycémies sur le bout des doigts, c'est pas super pratique pour un écrivain : ça fait pas mal longtemps, mais à 4 piqûres par jour, y'a toujours un doigt de sensible!) Après ça, on m'a présenté mon nouveau régime.

Et c'est là que j'ai compris qu'il allait peut-être y avoir un problème.

Dans plus de la moitié des cas de diabète gestationnel, semblerait que l'exercice physique et le régime suffisent à contrôler les taux de sucre sanguin. Sauf que quand tu regardes le régime suggéré et l'exercice qui va avec et que tu te rends compte que c'est déjà pas mal ce que tu manges dans une semaine (moins l'écart gourmand que tu t'autorisais hebdomadairement) pis que tu fais plus d'exercice que ce qu'ils proposent, ça augure mal.

Pas grave, je me suis quand même lancée dans le labyrinthe, en bon petit rat de laboratoire. Bouffer, mesurer mon taux de sucre avec le glucomètre, être souvent juste une petite coche trop haut, prendre une note d'ajuster légèrement ma diète pour le lendemain, recommencer... Aucun indicateur physiologique. Sucre sanguin trop haut ou correct, les écarts sont minimes, alors moi je me sens pareille, mais faut que je pousse le bouton de la petite machine et que j'agisse en conformité avec le résultat. Que j'ajuste à l'aveugle. Banane en matinée, non. En soirée, oui. Pourquoi? Parce que mon corps réagit comme ça. Parole de glucomètre.

Et je fais ces petits ajustements, en sachant que si j'arrives pas à mettre, et vite, mes taux de sucre sous contrôle, mon bébé en souffre (ses poumons risquent de mal se développer) et les injections d'insuline m'attendent, avec tout ce qui s'en suit : encore d'autres rendez-vous médicaux, un accouchement provoqué alors que je voulais le truc le plus naturel possible, risques de retards de croissance chez bébé qui a déjà des risques d'être petite à cause de l'artère ombilicale unique... (Semblerait qu'un diabète non soigné fait des bébés trop gros, mais un diabète soigné à l'insuline en donne des trop petits... Pas au point ce truc!)

En arrière plan, ma hantise habituelle revient. C'était ptêt pas pour rien que j'arrivais pas à tomber enceinte sans coup de pouce médical... J'ai beau me sentir parfaitement bien depuis que je suis enceinte, mon corps était ptêt pas fait pour ça...

Puis, au bout de quelques jours de tâtonnements (et de déprime), où j'ai l'impression que je ne pense qu'à la teneur en glucides de la bouffe et à mes horaires de repas, une lueur d'espoir. Et si je réduis la quantité de féculents que je mange à ce repas, est-ce que...?

Oui! Enfin! La glycémie trop haute qui me narguait jour après jour vient de retomber dans les normales. Le rat a résolu l'épreuve du labyrinthe. Il connaît le chemin maintenant!

Reste plus qu'à répéter le parcours encore et encore pendant les 10 prochaines semaines... En me croisant les doigts pour que mes hormones restent relativement stables et ne viennent pas brouiller à nouveau les cartes...

16 commentaires:

Nomadesse a dit…

Une chose est sûre, c'est que tu démontres que le diabète est encore une maladie difficile à gérer. Mais crois-moi, ce suivi un peu fou est mieux que ce qui est arrivé à ma marraine, à une époque où on ne surveillait pas ce taux.

Et ne t'inquiète pas pour ton corps qui "n'était pas fait pour ça". Je crois qu'aucun corps n'est "exactement" fait pour cela: on se ramasse presque toutes avec certains effets étranges et inquiétants, pas toujours agréables.

Moi j'ai saigné les 12 premières semaines et puis là, j'ai le nez et la toux depuis plus d'un mois. Et puis, le test de trisomie 21 a dit que nous avions un risque élevé... Il a fallu attendre plus de trois semaines pour savoir que tout était beau finalement. Mais je te laisse imaginer le stress et les discussions éthiques sur le sujet, au cas où ce serait le pire...

Bisous!

Gen a dit…

@Nomadesse : Le diabète est une vacherie à gérer et je le savais d'avance : mon oncle qui est mort récemment est décédé des suites d'un diabète mal géré. (Tout pour me rendre sereine dans ma situation actuelle...)

Le principal problème pour moi, comme l'infirmière me l'a dit, c'est qu'un diabétique qui découvre sa maladie dispose normalement de plusieurs semaines et même de mois pour mettre ses taux de sucre sous contrôle. Tandis que pour la femme enceinte, on parle de jours. Alors mettons que ça fait bien des ajustements pas toujours intuitifs à intégrer en mode panique (et sachant que le stress fait monter la glycémie...)

Mais oui, on subit toutes de grands changements corporels et le corps réagit souvent un peu bizarrement. C'est juste que là où une fille qui est tombée enceinte quasiment par accident va se dire "Bah, c'est normal", j'ai toujours le doute "Est-ce que c'est vraiment normal ou est-ce que je me suis acharnée par égoïsme?"

Pour le test de trisomie 21... Ouf, je compatis. Quand on a découvert l'artère ombilicale unique, on a eu des discussions assez lourdes nous aussi.

M a dit…

Gen, les piqûres sur le bout des doigts, après un bout, on les sent pu vraiment. ça pince un peu et c'est tout.

Et je veux pas péter ta balloune, mais tu peux avoir une journée de nutrition parfaite, avec très peu de glucides, et avoir un taux qui monte pendant la nuit (manque de glucide, donc le corps compense)et au contraire, manger des patates à profusion au souper et avoir un taux normal le lendemain matin.

Ça dépend aussi de tes sources de glucides, parce que les glucides lents, ça assure une plus grande stabilité parce qu'assimilés lentement, mais ça reste des glucides parfois en trop...

En tout cas, c'est bien compliqué de gérer tout ça avec exercice et nutrition, mais on peut y arriver en acceptant que c'est jamais super parfait!

Danoiel Sernine a dit…

Hmm... Et qu'en dit ta doula?

Gaby a dit…

Si tu savais à quel point je te comprend Gen. J'ai appris que je faisais du diabète de grossesse dès les premiers tests sanguins (donc vers 12 semaines).

Malgré le régime, mes taux à jeun, n'étais pas assez bien et comme je ne prenais pas de poids, j'ai du me résoudre à me piquer à l'insuline. J'ai brailler ma vie quand je l'ai su, mais après, j'ai vu les avantages. Je pouvais me piquer un peu plus si une fois de temps en temps je voulais me permettre une gâterie.

Donc bonne chance pour les 10 semaines restantes et je suis sur que tout va aller pour le mieux. Tout le long de ma grossesse, je me suis dit pour m'aider que je faisais ça pour mon ti minou :)

Gen a dit…

@M : Heureusement, l'alimentation sans gluten m'a habituée aux concepts de glucides lents/glucides rapides, etc. J'ai déjà une alimentation assez stable, alors ça va pas pire, depuis que j'ai compris que c'était mes mégas déjeuners qui me nuisaient (j'ai FAIM le matin!)

Pour mes taux à jeun, je constate que la qualité de mon sommeil y est directement relié. Si je dors bien, mon taux est bas. Si je dors mal, j'suis limite. Plus je m'entraîne, mieux je dors. Donc...

Mais je plains ceux qui vivent constamment en recherchant cet équilibre délicat. Ça bouffe une énergie folle! Vous avez toute mon admiration.

@Daniel : Lol! ;) Elle me dirait sans doute d'harmoniser mes chakras! ;)

@Gaby : À 12 semaines, c'était pas plutôt un diabète normal qui n'avait pas été détecté avant? (j'ai cru comprendre que c'était les hormones, à partir de la 24e semaine, qui créent le diabète de grossesse).

Enfin, moi aussi je me dis que c'est pour ma puce... Lol! J'avais pas pensé qu'avec l'insuline, on pouvait se permettre un écart de temps à autres! ;) J'essaierai de m'en souvenir pour me consoler si jamais je me ramasse à en avoir besoin.

Gaby a dit…

Je ne faisais pas de diabète avant. Ya plusieurs truc que je mangeais que je ne suis juste plus capable, parce que j'ai me sens mal si j'en mange. peut-être que j'en aurais fait un jour. Mais même l'endocrinologue m'avait dit que je n'avais que 10% de chance de le garder ... bouhou, maudit diabète.

Dès que je tombe enceinte, je tombe direct sur l'insuline pour la nuit.

Gen a dit…

@Gaby : Ouais, on m'a dit 10% de chance que ça reste à moi aussi... Mais j'aime pas les stats qui ont l'air réconfortantes. Pourcentage de chance de faire une grossesse ectopique : 2%. Pourcentage de chance d'avoir un bébé avec une seule artère ombilicale : 3%. Hum...

Gaby a dit…

J,aime pas ben ben ce genre de statistiques non plus.

-10% de chance de faire du diabète de grosse : check

-10% de chance de le garder : check

-0,05% de chance d'être allergique à la réactine : check

Mais ma belle-soeur a fait du diabète de grossesse ou bordeline a chaque grossesse et elle ne l'a pas garder. Alors j'ai confiance pour toi :)

Hélène a dit…

C'est drôle, moi j'ai fait du diabète gestationnel à mes deux grossesses, difficilement maîtrisé avec la diète seulement, et insuline pour la nuit. Mais on m'avais dit 50% de chances de développer le diabète type 2 à la quarantaine, ce qui ne s'est pas encore réalisé. Moi aussi j'ai eu un test limite la première fois, vachement pénible ces tests. Lâche pas, les injections d'insuline et piqûres aux doigts, c'est vraiment rien comparé aux injections d'héparine que je me tapais chaque jour avec une grosse aiguille qui me pétait les veines.

Prospéryne a dit…

Lâche pas Gen! :)

Gen a dit…

@Gaby : Je me croise les doigts (pis les orteils). Manger sans gluten était déjà assez compliqué, ajouter "réduit en glucides", là ça commence à vraiment me pourrir la vie.

@Hélène : Étant donné mon historique familial, je savais déjà que j'étais à risque pour le type II plus tard dans ma vie. C'est pour ça que je m'entraîne beaucoup et que j'évite les sucres raffinés (sauf gâteries occasionnelles). J'espérais que mes bonnes habitudes me sauveraient du gestationnel... Raté. Post-grossesse, j'vais devoir contrôler davantage ma gourmandise si je veux éviter le type II. (Le paradoxe : pour ne pas devenir diabétique, faut manger à peu près comme si on l'était... O_o)

Pour l'héparine... bleh. Je te plains vraiment! (ouais, j'ai vu les aiguilles utilisées!)

@Prospéryne : Pas le choix : la puce compte sur moi. Et puis, bon, y'a pire.

J'pense que mon souhait principal dans cette histoire aurait été qu'ils puissent détecter le problème sans me rendre malade physiquement et me rendre folle de stress.

Carl a dit…

Osti de culpabilité de marde. Si tu savais combien je te comprends.

Le système médical en fait baver aux parents consciencieux en partant du principe qu'on est tous des caves incapables de gérer la grossesse, l'accouchement, l'allaitement et l'évolution de notre enfant.

Fais-toi confiance, tout le temps.

Qu'il naisse gros ou petit, ce bébé, tu penseras plus à ça quand tu vas le prendre dans tes bras.

Gen a dit…

@Carl : Merci, ça fait vraiment, mais vraiment, du bien de lire ça.

Tout ce que je veux, c'est que ma puce soit en santé.

Isabelle Lauzon a dit…

Oh bon sang, Gen! Le gros noeud du problème là-dedans, c'est que tu es beaucoup trop au courant des effets et conséquences! ;P

La plupart des femmes enceintes qui font du diabète de grossesse (que je connais en tout cas) font un peu n'importe quoi, boudent les recommandations du médecin, trichent en se disant que ça ne doit pas être trop grave, se sentent coupables lorsqu'elles retournent voir le médecin... et accouchent de bébés en santé, jériboire! (et je suis certaine que j'aurais été comme elles : inconsciente et insouciante, avec une pincée d'inquiétude et de bonne volonté)

Alors si toi, tu es aussi motivée et consciente et sage et obéissante, misère, je doute que ce soit vraiment dramatique au final... T'es tellement conscientisée, informée et tenace, y a pas une femme qui aurait pu gérer ça mieux que toi!

La solution, c'est peut-être de moins t'informer et lire sur ces sujets-là... ainsi, tu vas moins t'en faire après... ;)

(Ceci dit, je dis ça pour te taquiner et pour dédramatiser, car oui, je compatis. C'est moche, le diabète! Je croise les doigts pour que tout rentre dans l'ordre après l'accouchement! Câlin virtuel! XXX)

Gen a dit…

@Isa : C'est sûr, je pourrais m'en foutre et tricher et mentir sur mes rapports de glycémie et me croiser les doigts pour que tout aille quand même bien.

Mais j'fais juste imaginer comment je me sentirais si, après l'accouchement, mon bébé doit passer des jours en incubateur, sous oxygène, sans que je puisse le prendre dans mes bras... et je me dis que non, j'suis pas prête à payer le prix de l'insouciance!

Merci pour le câlin.