J'ai plusieurs amis qui, si je leur demandais, se définiraient sans doute comme des foodies. Ils ont toujours chez eux un nouveau produit tendance, qui leur a souvent été pointé par leurs contacts qui travaillent dans le milieu de la restauration de luxe. Ils parfumaient leurs salades à l'huile de truffe avant que ce soit au menu du Toqué, ils avaient goûté le cidre de glace avant que ce soit la mode et, ces temps-ci, je pense qu'ils mangent du bison et boivent du vin d'un vignoble québécois qui en est à sa première cuvée. C'est souvent très intéressant de discuter bouffe avec eux, parce qu'ils nous font goûter à des trucs subtilement différents de notre bouffe habituelle.
Le mot important dans cette dernière phrase est cependant "goûter". Parce que ouais, bon, au prix que ça coûte l'huile de truffe, on en met trois gouttes dans une salade pour un souper fancy, puis on relègue la bouteille sur une tablette (bien en vue), en attendant la prochaine occasion d'épater la galerie. On goûte ce produit, on le déguste, on n'en mange pas jusqu'à satiété et, surtout, pas trop souvent.
Je les aime bien, mes foodies, mais des fois je les trouve juste snob. Parce que l'utilisation de leurs produits de luxe étant réservée aux occasions spéciales, leurs repas ordinaires sont ponctués de commentaires comme "ouin, avec de l'huile d'olive, c'est pas aussi parfumé qu'avec de l'huile de truffe, hein?" ou alors "oh, j'avais oublié comme ça goûtait l'alcool le bourbon ordinaire, je suis habitué à ceux de telle région productrice inconnue, qui sont vraiment plus fumés".
De plus, leur budget de bouffe, lourdement taxé par leurs achats raffinés (et par le temps nécessaire pour les acquérir), exige une planification serrée des repas et des quantités. Avec eux, quand il y en a pour deux, il n'y en a pas pour trois. N'imaginez pas arriver chez eux à l'improviste en espérant rester pour le souper. Et même s'ils vous invitent, ne pensez pas pouvoir vous resservir. Chez eux, c'est comme au resto : votre portion de cailles bio-tantriques de l'île de truc-muche, c'est ce qu'il y a dans votre assiette et rien d'autre.
Et c'est à cause de ce manque de convivialité que je décroche complètement. Chez moi, la bouffe, incluant le whiskey cuvée spéciale rapporté d'Irlande par les beaux-parents, elle est faite pour être consommée. J'aime pouvoir inviter un ami à souper à l'improviste. Et même offrir une assiette à la personne qui se présente pour emprunter un livre si elle arrive à l'heure du repas! J'apprécie de savoir que ce n'est pas grave si mes invités vident les bouteilles et raclent le fond des plats, parce que mon budget me permettra sans mal de regarnir mes réserves (sauf pour les produits rapportés de voyage, mais c'est pas grave, il finit toujours par y avoir quelqu'un qui ramène une trouvaille ou une autre). Je prends plaisir, une fois de temps en temps, à mettre la bouffe sur la table et à laisser les convives remplir leurs assiettes, sans qu'ils aient besoin d'explications élaborées sur le contenu des plats et leurs ingrédients spéciaux.
Bref, j'ai souvent l'impression que toute la culture foodie s'oppose à la bonne franquette et au côté rassembleur qui, pour moi, constitue une grande partie des plaisirs de la table. En plus, je dois dire que je me suis rarement pâmée de plaisir gustatif devant l'une des trouvailles de mes foodies. Ouais, bon, les saveurs étaient plus raffinées, mais ça justifiait rarement la différence de prix!
Au final, j'préfère un potage de légumes et un pain irlandais avalés en bonne compagnie plutôt qu'un risotto au canard confit mangé en solitaire, avec le ti doigt levé...
Remarquez, avec un budget d'écrivain, c'est aussi bien, hein? ;)
11 commentaires:
Amen!!!!!!!!!!!!
Côté philosophie bouffe, j'avoue que j'ai la même que toi. Même quand je reçois des gens à souper, je n'ai pas trois services, c'est simple, mais pas-pire bon je crois. En tout cas, les gens finissent les plats. :) Mais surtout: on rit beaucoup, on s'amuse et c'est toujours un beau moment. Si je stressais, ce serait sans doute moins agréable pour moi.
Je me rappelle lorsque de bons amis en devenir sont venus pour la première fois chez nous: j'ai servi une recette que je faisais pour la première fois, un test. Quand je l'avais dit à table, un des invités avait dit: "Hein? Mais qu'est-ce que tu avais fait si ça avait été pas mangeable?" Chose à laquelle je n'avais pas pensé pantoute, mais j'ai répondu: "Ben j'aurais sorti les boulettes et les pains, pis on aurait mangé des hamburgers... Ou des toasts tiens! Et on aurait ri en titi!"
J'essaie de retenir ça aujourd'hui. Le sentiment autour du repas est plus important que le repas: je suis heureuse qu'ils soient là. Ça, ça goûte bon!
@Prospéryne : T'as des amis foodies toi aussi, hein?
@Nomadesse : Avec les années, je me suis mise à faire des trucs un peu plus élaborés, mais comme toi il m'est déjà arrivé de faire des tests de recette lorsque je recevais. Et t'as raison : le meilleur du souper, c'est la présence des invités. :)
Je suppose que Prospéryne fait allusion à moi... toutefois, je ne crois pas avoir le côté snob décrit ci-haut (du moins j'espère, à Prospé de nous le dire) mais j'adore les produits alimentaires raffinés... que j'utilise abondamment ! Quand j'achète une huile de truffe, je l'utilise allègrement et ce n'est pas pour m'en vanter, moi qui aime garder mes petits secrets culinaires... et j'adore cuisiner pour les autres, rassembler des gens autour de ma table !
(en passant, quelqu'un se souvient de ma chocolaterie au dernier round-up ?)
Et j'adore la bouffe sympathique, aussi... quoi de plus réconfortant qu'un bon mijoté de porc aux légumes, une belle lasagne épaisse comme un dictionnaire ou un carbonara maison...
@Sébastien : Si tu te permets de vider tes bouteilles d'huile, alors t'es un foodie pas snob (surtout si tu évites de dire aux gens que le sauté aux légumes aurait été encore mieux avec des herbes fraîches cueillies à la pleine lune...). ;)
À la pleine lune, oui, mais là il vous faudra une vinaigrette de sang de lauprechaun...
leprechaun, pardon...
Ma petite expérience perso, c'est que lorsque je ne suis pas à l'aise avec mes invités, ça paraît, et inversement. Les foodies, je n'en ai pas vraiment dans mon entourage et ça ne me manque pas, et les seuls "connaissances" que j'ai qui qualifieraient, et bien je ne les invite pas, justement parce qu'ils me mettent mal à l'aise. Alors vive la bonne franquette.
@Sébas : Défense de toucher aux lutins! (Tsé, étant donné ma taille, j'me sens une parenté avec eux! ;)
@Hélène : En effet, je dois dire que je déteste inviter des foodies à manger chez moi. Heureusement, maintenant j'ai une bonne excuse : oh, c'est pas fancy, mais c'est parce que c'est sans gluten. :p
J'adore essayer plein de produit du terroir! Mais, je ne suis pas non plus du genre à limiter. J'ai tout à proximité, et personne ne manque jamais de bouffe à manger.
@Isabelle : Ouaip, ça c'est de la bonne franquette! :) (Les produits du terroir ne devraient jamais être utilisés avec trop de parcimonie : ils sont trop bons! :)
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