On prenait une bière, un soir après un séminaire de maîtrise. Le prof, événement assez rare, s'était joint à nous. La conversation tournait autour de l'Illiade, texte qu'on venait d'analyser, et des dix années de guerre causées par l'amour (ou plutôt l'infidélité) d'une femme. Puis les discussions, de fil en aiguille, ont roulé sur le thème de l'amour en général.
Un gars a demandé à voix haute à quoi ça servait, de nos jours, d'espérer bâtir quelque chose par amour quand un mariage sur deux finit en divorce.
Je lui ai répondu, avec mon idéalisme de jeune mariée, de fille déjà en couple depuis sept ans, qu'il faut voir les choses autrement. Qu'un mariage sur deux est un succès.
Là, je suppose que le gars m'aurait parlé de tous ces couples qu'on connaît et qui donnent souvent l'impression de rester ensemble seulement pour ne pas faire partie des statistiques, mais le prof est intervenu, de sa voix doucement cultivée. "Aucun amour ne vit éternellement, a-t-il dit. On finit toujours par être séparés. Le couple d'amoureux parfait, pour le meilleur ou pour le pire, à la fin, c'est la mort qui le sépare."
Ça m'a secouée. Un autre a posé la question qui m'était venue à l'esprit : "À quoi ça sert, alors?"
Et le prof, tout empreint de philosophie antique, de nous rétorquer : "C'est parce qu'on finit toujours par être séparés qu'il faut essayer d'être ensemble. Ce sont les moments de bonheur les plus précieux, parce qu'on les a arrachés au destin."
Cette vision de l'amour ne m'a jamais quittée. C'est tellement éloigné de toutes les questions d'amour-passion, d'amour qui dure ou pas... Lorsqu'on conçoit l'amour comme un bonheur arraché à la vie, comme un pari gagné contre le destin, sa fragilité devient normale, on ne peut plus le prendre pour acquis, on sait qu'il aura constamment besoin de soins et d'attention... et qu'il vaut largement la peine d'être entretenu!
Bonne St-Valentin!
23 commentaires:
Que c'est mignonnement dit :)
Bonne st-val à toi aussi!
Wow, magnifique! Ça fait vraiment réfléchir Gen!
Avec deux jours d'avance?
Voir l'amour dans L'Iliade, une façon de mieux en accepter la lecture ardue. Pourquoi notre prof ne nous l'a pas présentée sous cet angle?
Longue vie d'amour à vous deux.
Bon, c'est pas deux jours, c'est demain le 14. C'est ça quand on est tous les jours samedi!
Quel beau billet. Moi je ne comprends simplement pas les gens qui disent "qu'est-ce que ça donne?". Pour moi l'amour c'est tout, mais je parle de l'Amour, avec un grand A.
@idmuse : Merci! ;)
@Prospéryne : C'est une vision différente des choses disons.
@ClaudeL : Étant tous historiens, on étudiait avec plaisir l'Illiade, sous l'angle de l'analyse culturelle (ça a beau être un mythe avec des dieux qui interviennent, il y a des éléments de la culture de l'époque qui transparaissent).
@Hélène : C'est tout, oui, mais il faut pas s'attendre à ce que ça vive tout seul, sans entretien. Y'a trop de gens qui veulent l'amour avec un grand A et qui savent plus quoi faire quand la passion des premières années s'étiole.
Quel beau billet... Merci!
C'est si bien dit!
Je t'ai partagée sur mon Facebook! ;0)
@Luc : Coudonc, j'vais parler d'amour plus souvent, vous êtes une gang à avoir l'air émus! ;)
@Mlle Maria : Ah ben, merci!
J'aime beaucoup aussi! :)
@Vincent : ;)
Quel beau billet pour la St-Valentin :)
@Gaby : Merci! ;)
Je renchéris : beau billet qui fait réfléchir!
Je m'en vais dire ça à mon chéri, là : Chéri, faut entretenir ça, l'amour, parce qu'un jour on sera séparés par le destin... Alors profitons-en donc tout de suite et payons-nous une belle sortie! Héhé! ;)
@Isa : Et voilà la sagesse Antique au service du mercantilisme. On n'y échappe pas! :p
Belle façon de voir l'amour. :-)
Ah, c'est bien intéressant, la réflexion de ce prof... :-) Je la prends pour une prochaine histoire :-p
Mausus que j'aurais donc aimé avoir un prof comme ça...
@Caro : Merci!
@Phil : C'est correct, mais je te préviens : ça a été fait de temps à autres... Genre dans les tragédies grecques... ;p
@Femme libre : Il était extraordinaire!
+ 1000
Excellent biellet dit la fille qui est avec son Homme depuis 12½ ans et qui s'apprête à avoir un une nouvelle vie dans quelques mois dans la seule ville où nous voulions pas nous installer pour élever notre petite famille.
À Gen : je verrais plutôt un personnage sortir cette réplique à un autre personnage et cela a un impact sur ce dernier -- en fait, je vais plus voler le contexte de discussion dans lequel le prof vous a dit cette réplique :-p
@François : lol! ;)
@Isabelle : Hep, qu'est-ce qu'on ferait pas pour nos hommes. Tu t'en viens à Montréal? (Ou il y a une autre ville au Québec qui te fait l'impression d'une grosse prison de béton?)
@Phil : Pas de trouble! ;)
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