Je me souviens, j'étais toute petite. Je ne devais pas avoir plus de sept ou huit ans. L'un des frères de mon père marchait avec moi dans le parc près de la maison de ma grand-mère, maison où il vivait encore. Je le trouvais un peu bizarre cet oncle-là. C'était la première grande personne que je voyais qui vivait encore avec sa maman. Mais il était bien gentil, toujours doux et patient avec moi et mes cousins, même si, visiblement, il ne savait pas trop comment parler aux enfants.
Tout d'un coup, alors qu'on marchait, un oiseau s'est mis à chanter. Mon oncle a marqué une pause pour qu'on puisse écouter, puis il m'a dit de quel oiseau il s'agissait, avant de m'expliquer d'où il venait, où il allait, pourquoi il chantait.
Je ne peux pas dire que ça m'intéressait, mais comme mon oncle était passionné par son sujet, il ne s'est pas aperçu que je l'écoutais à peine. Soudain, il a dit "La femelle chante comme ça" et il s'est mis à siffler.
Et l'oiseau lui a répondu! Le temps de quelques échanges, ils ont sifflé de concert. Mon oncle, comme les magiciens des contes, parlait aux oiseaux!
Je n'ai pas beaucoup de souvenirs clairs de cet oncle vieux garçon, toujours réservé, qui parlait peu, mais ce moment demeure à jamais gravé dans ma mémoire. Plus tard, j'ai compris que nous étions tombé sur l'un des rares oiseaux dont le chant peut être parfaitement imité par la voix humaine. Et que mon oncle avait passé des heures à s'entraîner.
Cet oncle vient de nous quitter, au terme d'une pénible maladie, même pas l'un de ces classiques cancers qu'on déplore tant, juste un diabète mal contrôlé qui l'a inexorablement rongé. Il venait d'avoir 55 ans.
À son enterrement, des enregistrements de chants d'oiseaux ont joué dans l'église. Jamais je n'avais entendu de musique plus appropriée. Plus littéralement céleste.
J'espère que là où il est, les oiseaux ne manquent pas.
5 commentaires:
L'homme aux oiseaux. Quel bel hommage tu lui as rendu là. Adulte, on ne sait pas comment on laisse une marque sur les enfants. Il suffit parfois d'un petit rien...
Mes sympathies... 8(
@ClaudeL : En effet, il suffit d'un rien.
@Luc : Merci. C'était pas quelqu'un de proche, comme je dis, mais il n'était pas très âgé. Je commence à trouver que ça fait trop de gens de cet âge que je vois mettre en terre.
Oui c'est un bel hommage, c'est bien que le plus fort souvenir qu'il t'en reste soit si représentatif de l'homme, ce n'est pas toujours le cas des parents moins proches. Mes sympathies.
@Hélène : J'ai été heureuse de constater que mes cousins partageaient eux aussi ce genre de souvenir. Pour tout le monde, cet oncle-là aura été l'homme aux oiseaux.
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