J'ai déjà parlé de la méthode pour écrire des récits historiques (pour ceux qui se souviennent pas, c'est là, là et là). En gros, ça se résume à : faites un plan, consultez quelques bons ouvrages et gardez le flou sur les détails que vous avez pas trouvé.
Sauf que je réalise que j'ai oublié d'aborder la situation inverse du classique "je cherche et je trouve pas", c'est-à-dire le "je trouve plein de renseignements, mais ils partent dans tous les sens". Situation dans laquelle je me retrouve présentement.
En effet, pour Hanaken II, j'ai décidé de quitter le domaine du flou artistique et d'ancrer mon récit dans une période précise de l'histoire japonaise. Ce qui veut dire que Yukié et Satô croiseront la route d'un personnage historique réel... à propos duquel les manuels, tant en français qu'en anglais (et probablement en japonais), disent tout et son contraire!!!
Un exemple? Pour le moment, mes outils de référence me donnent deux dates différentes pour le début du règne de ce personnage et trois âges différents qu'il aurait eu aux dites dates (au total, j'obtiens 4 années de naissance potentielles!!!).
Alors, qu'est-ce qu'elle fait dans ce temps-là l'historienne?
Elle se commande un nouvel ouvrage de référence sur le sujet, le plus récent qu'elle puisse trouver (parce que oui, la science historique change et évolue). Et elle prend la ferme décision de s'en tenir à ce que cette nouvelle autorité lui dira.
Autre exemple de l'orgie de renseignements contradictoires : un nombre incroyable de campagnes militaires ont été répertoriées pour l'époque qui me concerne, avec parfois des détails des stratégies adoptées. Malheureusement, les campagnes décrites dans l'ouvrage A ne sont pas toujours mentionnées dans l'ouvrage B et leur enchaînement chronologique n'est pas facile à établir (les lieux sont souvent imprécis et les dates sont rarement données au mois près, sans compter que même lorsque ces renseignements sont cités, ils sont sujets à variations ou erreurs, parce que le milieu d'une guerre n'est pas le meilleur moment pour se souvenir de quel jour on est ou du nom de la petite province dans laquelle on vient d'entrer!). De plus, c'est pas parce que l'armée était en campagne que tous les généraux d'un clan étaient nécessairement sur le champ de bataille...
Lorsque je me retrouve devant cette situation, l'historienne et l'écrivaine qui m'habitent en viennent rapidement aux coups et aux insultes (elles ont toutes les deux hérité de mon caractère). L'historienne voudrait faire des recherches jusqu'à ce qu'elle arrive à remettre en ordre tous les détails, en sachant très bien que c'est un travail de l'ampleur de plusieurs thèses de doctorat! L'écrivaine, elle, a plutôt envie de plonger sur les renseignements qui font son affaire et d'ignorer les autres.
Qui gagnera? L'écrivaine, je présume (après tout, j'écris un roman). Mais mautadine que c'est dur pour l'historienne de baisser les bras et d'accepter à l'avance autant d'omission et d'inexactitudes! Surtout en sachant que si je lisais le japonais, j'aurais accès à des sources beaucoup plus complètes et fiables...
Bref, devant les sources discordantes, la solution, pour l'écrivain, c'est de choisir les ouvrages sur lesquels il se base, de faire le tri dans les renseignements dont il a besoin... et de lâcher prise sur le reste. Même si c'est pas facile! ;)
16 commentaires:
Ma pauvre Geneviève, pourquoi tu te casses la tête comme ça? Comptais-tu donner la date de naissance de tel personnage à l'arrière-plan de l'intrigue, sa date d'accession au trône, son âge exact au moment de l'intrigue? Et tu le ferais comment, sachant que tu ne pourrais employer les années que nous (lecteurs occidentaux et contemporains) comprenons, à savoir «après Jésus-Christ»? Tu le ferais par la voix de qui? Dans le premier tome, tu avais une narration alignée sur les protagonistes; tu y insérerais l'information de quelle façon?
Et, question plus fondamentale (venant d'un autre écrivain et historien): who cares?
L'essentiel est de ne pas écrire d'aberrations, d'incongruités majeures, d'invraisemblances flagrantes.
Si toi, qui sais ce que tu cherches et où le trouver, ne parviens pas à déterminer une date incontestable pour telle bataille, crois-tu que le jeune (ou moins jeune) lecteur d'Hanaken 2 va trouver de l'info pour te prendre en défaut?
Allez, écris, car toutes ces recherches de quarts-de-cheveux ne sont qu'une forme cultivée de procrastination...
@Daniel : Lololol! C'est sûr que je ne comptais effectivement pas donner aux lecteurs l'information directe, mais ils la verront de façon détournée.
Si, durant le récit, UnTel accède au pouvoir, ce serait important que je lui donne le bon âge, non? Surtout que son âge est ce qui le rapproche de mes personnages...
Et j'aimerais bien être sûre que j'ai placé mon Ennemi en chef dans le bon contexte (pas raconter qu'il enchaîne les victoires à une époque où, au contraire, il serait connu qu'il perdait).
Mais bon, je sais, je peux lâcher du lest. Sauf que c'est difficile... D'autant plus que l'époque me passionne et que les recherches sont trippantes! Hihihihihi ;)
Je vais écouter la voix de la sagesse (ben oui, c'est toi ça ;) et me mettre au boulot là, promis!
L'âge du personnage: OK, légitime. Mais les discordances entre tes sources sont de quel ordre de grandeur? Une fourchette de cinq ans? Eh bien, choisis l'âge qui te convient parmi tes sources, et apportes ton ouvrage de référence au SLM lors de ta prochaine séance de signature, au cas où un jeune yo se présenterait avec une encyclopédie et l'intention de te confronter là-dessus.
Je te laisse estimer la probabilité de cette scène... :O/
@Daniel : La variation est effectivement d'environ 5 ans. Pour un personnage adolescent, c'est un monde de différence... Mais bon, comme j'ai dit, je me suis trouvé un nouveau bouquin (par un spécialiste reconnu de la question) et je vais me fier à son jugement.
J'ai pas peur des jeunes yo... J'ai peur que le Conseil des arts veuille plus jamais me financer si j'écris des énormités avec l'aide de leur bourse!!!
A) Tu présumes que quelqu'un au CAC va lire ton roman -- faux.
B) Tu présumes que si ton roman était lu au CAC, ce serait par un ultra-spécialiste en Japon médiéval -- je suis pas mal sûr qu'ils n'en ont pas.
C) Je me répète: il n'y aura pas dans ton roman de repère chronologique identifiable pour un lecteur occidental -- vrai?
@Daniel : Bon, ok, tu me rassures avec A et B! Hihihihi ;) (Ben moi je présumais qu'ils lisaient le fruit de leurs investissements)
Mais pour C : Oui, il y aura au moins un repère chronologique identifiable pour n'importe qui connaissant un peu l'histoire du Japon (même via les anime et manga) ou capable de taper un nom dans Google. C'est autour de ce repère que je veux être sûre d'être solidement ancrée dans la réalité.
Mais je commence à avoir pas mal toutes mes réponses là! :D
Geneviève, tu tiens les jeunes lecteurs en très haute estime.
J'admire ça.
nyargh nyarg nyargh! (gloussement sarcastique traduit du japonais)
@Daniel : C'est que... Il y a énormément de jeux vidéos qui sont situés à cette époque! lol!
Ah! que je te comprends! Ça me retourne quelques années en arrière, quand je cherchais des dates, des noms en rapport avec "mes" Irlandais. Et comme je ne suis ni généalogiste ni historienne et que je n'aimais même pas l'histoire à l'école, je me suis tellement attardée à chercher des détails, les croyant essentiels à mon roman.
Ce n'était pas au Conseil des Arts que je pensais alors, mais au Prix Septentrion, il fallait tellement que ce soit "archivistique" (je n'oublierai jamais ce mot!). Du jour où j'ai décidé d'oublier le prix et au diable si ce n'est pas par ce bateau que mes Irlandais sont arrivés, j'ai débloqué et j'ai tout simplement écrit une histoire. Daniel n'a pas tort en disant que c'est une façon de retarder l'étape d'écriture.
Mais comme toi, je voulais tellement. Parce que oui, on est auteure, mais on est aussi curieuse et on voudrait bien savoir.
@ClaudeL : Curiosité, voilà, c'est le problème! Hihihihi Curiosité décuplée par ma formation et mon intérêt pour l'époque.
Heureusement, ça retarde pas tellement l'écriture : je fais des recherches pour des détails qui seront utiles plus tard (de là l'importance du plan), pas pour les chapitres en cours.
Pfft. Je peux pas croire que tu te laissé bloqué par quelques vieux kanji.
@Joe : Ben oui, c'est pas fort, hein? ;p
Parlant d'Hanaken, Geneviève, le nouveau Lurelu est en librairie depuis vendredi dernier...
@Daniel : On vient de m'envoyer un scan de la critique d'Hanaken!!!!! :D :D :D :D
Elle est vraiment géniale!
Pour des points précis, je peux demander à des amis au Japon de faire quelques recherches dans des livres japonais. Juste à m'écrire un courriel pour des détails précis et je leur enverrai cela.
@Valérie : Le problème, c'est que le facteur temps joue contre moi. Je ne peux pas attendre une réponse 2 semaines. Mais merci de l'offre : je l'utiliserai peut-être pour le prochain tome! :)
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