Fini les détectives, les policiers, les médecins légistes. Place aux ordinateurs, aux profileurs, aux appâts et… à Shakespeare. En effet, l’aura de mystère qui entoure le théâtre du grand homme reposerait sur des doctrines occultes enfin décryptées qui posent la satisfaction du désir à l’épicentre de notre construction psychologique. Les services de police et de renseignements de Madrid l’ont bien compris et, dans ce futur proche où la technologie de pointe n’est plus d’aucun recours dans la traque des assassins, consacrent de colossaux moyens financiers et humains à décrypter ces codes élisabéthains. Un centre de formation a été spécialement créé pour initier les agents, nommés appâts, aux techniques des masques : déterminer à quelle source de plaisir réagit le suspect et le neutraliser en lui procurant une véritable surdose de désir.
Diana Blanco est le meilleur appât. Lorsqu’elle découvre que sa sœur vient d’être enlevée par le Spectateur, un dangereux psychopathe qui terrorise la ville, elle mène une lutte contre la montre qui la conduira directement jusqu’à l’antre du monstre. C’est du moins ce qu’elle croit.
Je me suis procuré ce livre parce que Prospéryne en avait parlé et l'avait chaudement recommandé, malgré ses allures de roman policier (genre qui lui déplaît normalement). Je me demandais bien quel genre de roman policier pouvait faire pencher le coeur de la libraire-blogueuse...
Réponse : une oeuvre glauque à souhait!
L'appât utilise à la fois les codes du roman policier, enquête placée au coeur de l'intrigue et contraintes temporelles angoissantes, ainsi que ceux des romans de SFFF, car la théorie des masques imaginée par l'auteur est fort rationnellement expliquée et utilisée. Le tout donne un récit où alternent les épisodes rapides et les expositions plus lentes, d'une façon parfaitement maîtrisée qui garde le lecteur sur ses gardes.
En fait, en règle générale, dans ce roman, le lecteur ne peut jamais se permettre de se reposer. Par exemple, le personnage principal, Diana, est extrêmement complexe, si habituée à feindre les émotions qu'elle en a du mal à connaître les siennes propres. Si ses motivations sont claires, ses actes, quant à eux, sont parfois déroutants. Car Diana, en bon appât, ne tente jamais de fuir un danger, mais bien de l'attirer et de le séduire. Tour à tour manipulatrice et manipulée, elle est en quête d'un peu de vérité. Ou peut-être pas...
Les jeux de désirs, de séduction et de contre-séduction donnent au récit un ton sulfureux, presque érotique, mais on y suggère beaucoup plus que l'on ne montre ou agit, sauf dans quelques scènes qui en prennent une allure encore plus crue. Cette manipulation du lecteur par l'auteur n'est cependant que la pointe de l'iceberg...
Au final, je comprends et j'appuie le verdict de Prospéryne : c'est un excellent roman!
C'est également une leçon d'écriture magistrale, sauf sur un point : un changement de point de vue inattendu, à la toute fin, a failli me faire décrocher complètement du récit. L'erreur est lourde et on se demande comment l'auteur a pu la commettre. Où le directeur littéraire avait-il la tête? Au même endroit que le réviseur qui a laissé quelques fautes fort gênantes (comme des participes passés mal accordés)?
Enfin, c'est pas grave, le plaisir est quand même au rendez-vous!
10 commentaires:
Je me demandais en voyant ce titre si c'est moi qui t'avais inspiré cette lecture. Je suis bien heureuse de voir que oui et surtout, que tu as visiblement apprécié autant que moi!
Oui, j'ai vraiment apprécié. Mais... Prospéryne, je crois que, sans le savoir, tu aimes les romans policiers! ;)
Il y en a qui m'attire, mais c'est rare et c'est souvent des atypiques. L'appât en est un, mais j'ai aussi beaucoup aimé Félidès d'Akif Pirinçci. Par contre, je me suis pratiquement endormie sur la fin de Millenium 1 et j'ai même pas fini le deux! Et de manière générale, les quatrièmes de couvertures des livres policiers me semblent redondantes au possible, ça ne m'attire pas. Par contre, une fois de temps en temps, je vais faire un petit tour de ce côté, question de varier un peu, mais faut vraiment quelque chose qui m'accroche, parce que sans ça je n'ouvre même pas le livre!
Je dois dire qu'il s'écrit beaucoup de "bla bla bla un mort bla bla bla Chose mène l'enquête bla bla bla son/sa fils/ fille/ femme/ chum/ ami est pris dans les griffes du bla bla bla". Moi non plus j'accroche pas dans ce temps-là.
Mais Millénium... Ok, le début du 2était pénible, mais la finale valait l'effort! ;)
Je retiens surtout l'erreur monumentale commise vers la fin du bouquin (que je n'ai pas lu, je précise). Drôle quand même, cette bourde... Un manque de fignolage, c'est certain. La hantise de tous les auteurs je suppose...
Et c'est d'autant plus étrange que le reste de l'écriture est irréprochable : une superbe manipulation du lecteur du début à la fin!
Peut-être que l'auteur voulait créer un effet et qu'on le perd à la traduction...
Ou peut-être est-ce simplement toi qui a décroché au changement de narrateur? Personnellement, ça ne m'a pas dérangé, au contraire, j'ai trouvé que l'auteur allait boucler une boucle. Après tout, il y a un autre changement de narrateur à un autre moment dans le texte, pour moi, ça lui faisait juste écho. Question de goût j'ai l'impression.
L'autre changement de narrateur était justifié : Diana n'était pas là pour narrer.
Là, c'était curieux.
La raison pour laquelle ça m'a fait décrocher, c'est que c'est exactement le genre de chose qu'on nous apprend à ne pas faire, parce que c'est un moyen facile frisant l'erreur technique. Surtout quand c'est pas annoncé.
J'ai dévoré ce livre comme la plus violente des lionnes! Surtout que j'étais sérieusement en manque d'un livre qui m'accrocherait autant! J'ai tellement aimé que je suis allée me procurer deux autres de ses livres : Clara et la pénombre et la dame No 13. J'ai commencé le premier et c'est tout aussi bon que l'Appât! Je crois avoir découvert un nouvel auteur préféré!
@Anne-Marie : Tant mieux! :) C'est vrai qu'il a un style particulier.
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