Il y a une pénurie de professeurs au Québec. On en parle ici. Cette pénurie fait que les écoles sont présentement remplies d'enseignants sous "tolérance d'engagement". Des gens qui sont loin d'être incompétents : ils ont souvent un bac (ou un maîtrise ou même un doctorat!) dans la matière qu'ils enseignent, ils sont passionnés par les jeunes et ils aiment transmettre leur savoir... mais c'est vrai qu'ils ne sont pas nécessairement outillés pour préparer des examens ou soutenir un dislexique.
En plus, ils ne peuvent jamais devenir permanents, ce qui veut dire que, d'une année à l'autre, ils doivent souvent changer d'école, de matière, de niveau... À chaque fois, il faut s'ajuster à des nouvelles procédures, faire sa place dans un nouveau milieu, apprendre une nouvelle matière, préparer du nouveau matériel... Vous avez entendu dire que les profs réguliers se font échanger comme des cartes de hockey? Et bien pour les profs sous tolérance, c'est pire. Souvent, le contrat ne peut se signer qu'à la fin août. Et ça c'est si un jeune tout frais émoulu du Bac en enseignement ne vient pas vous piquer la tâche qu'on vous avait promise. Ou si un parent ne s'est pas plaint trop fort que son enfant avait coulé à cause d'un prof "pas formé".
Je le sais : je l'ai vécu.
Avoir pu faire une année de pédagogie après ma maîtrise en histoire et mon année d'expérience en enseignement, je l'aurais faite avec plaisir (même si je n'ai pas écrit une ligne de fiction pendant cette année de fou et que j'en ai souffert). J'aime enseigner et je m'entends bien avec les ados (j'irais jusqu'à dire que j'ai le tour avec eux). Malheureusement, au Québec, c'est impossible. Pour quelqu'un qui veut enseigner les sciences humaines, il n'y a qu'une seule avenue : faire le Bac de 4 ans en pédagogie... de jour... tout en enseignant (parce que qui peut se permettre d'arrêter de travailler pendant 4 ans?). J'ai fait les démarches pour m'inscrire dans différentes universités et j'ai découvert la même chose partout : non seulement mon année d'expérience ne m'apportait rien, mais en plus les cours d'histoire déjà suivis n'étaient pas ceux qui étaient considérés nécessaires pour enseigner au secondaire. J'aurais donc eu la quasi totalité des 4 années à faire.
Inutile de dire que j'ai tout laissé tomber. En plus, j'étais complètement brûlée (je venais de faire du 70 heures semaines pendant 10 mois) et mes relations avec la direction qui m'avait engagée se sont très mal terminées.
Toute cette histoire m'a laissée un goût amer. Surtout que j'ai appris au cours de mes démarches que si j'avais eu la possiblité de m'exiler en Ontario, j'aurais pu faire une seule année à temps complet et être ensuite qualifiée pour enseigner au Québec. Oui, vous avez bien lu, comme c'est expliqué ici, cette année de mise à niveau en pédagogie que les universités québécoises refusent de donner, l'Ontario la rend disponible aux Québécois!!!
Pourquoi ne pas offrir un certificat en pédagogie ici aussi? Est-il vraiment mieux de supporter, année après année, des professeurs sous "tolérance" en espérant qu'un jour le Bac fournira assez de diplômé? Et si la formation d'un an n'est pas jugée suffisante au Québec pour former des "bons profs", pourquoi le devient-elle si la même année se donne en Ontario? Au final, les écoles ontariennes ayant moins de décrocheurs que les écoles québécoises, on se demande vraiment d'où sort cette exigence québécoise du Bac de 4 ans... C'est un vrai sabotage administratif.
D'après vous, qui est le plus intéressant à écouter? Un prof qui a consacré trois ans de sa vie à l'histoire, avant de décider qu'il veut travailler avec les jeunes et d'apprendre, pendant un an, à enseigner sa matière? Ou un prof qui a consacré 4 ans de sa vie à apprendre comment enseigner, avec un cours d'histoire ici et là?
Pour avoir eu des profs des deux tonneaux, moi je sais lesquels je préférais... mais on pourrait croire que je prêche pour ma paroisse... :p
8 commentaires:
100% d'accord avec vous. Savez-vous qu'avec mon Brevet A (Bacc en pédagogie obtenu en 1970) je pourrais retournée enseigner? Pourtant je me sentirais bien plus incompétente que vous.
Une de mes amies a passé par McGill, il me semble que c'était moins long. Faudrait se renseigner.
D'autant que je ne sais pas ce que contiennent ces quatre ans, mais je suis convaincue que deux ans suffiraient mais surtout des stages et encore des stages. Enseigner, ça s'apprend... en enseignant. Je le sais aussi d'expérience. Rien de ce que j'ai appris à l'école normale ne m'a servi pour enseigner sinon quand j'expliquais aux autres élèves de ma classe. Quand bien même j'aurais lu tout Sartre, ça ne m'a rien dit sur comment faire comprendre la règle du participe passé pronominal.
Voyez d'ailleurs dans mon précédent commentaire que j'ai encore de la difficulté avec les chers grrr participes passés, même quand ce n'en sont pas (retournée au lieu de retourner).
Vous avez mon absolution ;) Je fais très attention à mon français dans mes billets, mais des fois on échappe des fautes dans les commentaires.
Pour ce qui est des programmes permettant d'enseigner... Je crois que j'ai mis une croix sur le secondaire. J'aime mieux travailler moins, dans un truc moins stimulant, mais avoir (enfin) le temps d'écrire.
Là tu as tombé dans ma marmite ! J'ai passé les derniers mois à faire de recherches sur la facon de pouvoir enseigner sans me taper ces foutus 4 ans d'univeristé. J'ai aussi regardé du coté de l'ontario. (Hawksbery est À 40 min de chez-moi et il y a une école pour adultes pour les Francophones de l'est de l'ontario. Aussi il y À l'université pour francophones À Ottawa.VoilÀ, j'Ai plein d'embûches et je m'avoue vaincu par le système.
J'ai près de 15 ans d'expériences en informatique. Je suis habituer de montrer et d'enseigner À des usagers. J'ai construit des manuels de formations. J'en ai donné. Je suis passionné. J'ai le goût d'enseigner. J'ai cela dans le sang. Je m'exprime bien. Je suis autodidacte. Je suis près à suivre des formations de perfectionnement et d'appoint.Mais tout ca c,est de la M... pour eux.
On se plaint qu'il y a pénurie d'enseignants.Que le professeur masculin est en voie d'instinction, qu'il y a des profs de Géographie qui enseigne la chimie mais un gars comme moi avec tout son expertise, sa passion et son vécu ne peut enseigner l'informatique au Québec!!!!!! Je capote !!!
Et tout ca , c'est supposé est pour l'intérêt de l'enfant !!!!! Pathétique.....
De toute façon Pierre, je te signale que les cours d'informatique au secondaire n'existent plus. Ils ont été intégrés aux cours de science et de technologies.
Et pour le cégep, le brevet n'est pas nécessaire, alors envoie ton cv... et prie!
... dommage de voir que je suis pas la seule que le système a découragée.
Salut Geneviève,
Je comprends ta problématique, mais elle est loin d'être la seule et surtout, d'être la plus pressante dans le domaine de l'éducation au Québec. La pénurie d'enseignants est facile à endiguer: il faut retenir les enseignants qui partent en les encadrant mieux. 2 enseignants sur 5 quittent avant d'avoir enseigner 5 ans, et 1 autre dans les années qui suivent. Pourquoi? Parce que les jeunes enseignants se retrouvent avec des taches multi-matière et multi-niveau et s'épuisent rapidement. Sous prétexte que le système a toujours fonctionné comme ça, les vieux enseignants ne veulent pas aménager leurs tâches pour permettre aux jeunes de souffler un peu. J'en suis la preuve vivante: j'ai mon bac en enseignement des maths et des sciences et en 6 ans, j'ai enseigné TOUS les programmes de maths du secondaire (plus certains avant et après la réforme), presque tous les programmes de science et même des sciences humaines (alors que je ne suis pas formé ni en histoire, ni en géo). La dernière année, j'avais de la géo en 1, de l'histoire en 2, des maths 436 et des maths 416, donc 5 groupes, 4 matières et... je n'étais pas à temps plein! Je devais combler mon horaire avec de la suppléance pour faire le même salaire qu'un prof ayant 4 groupes du même niveau dans une seule matière. C'est un peu enrageant, je trouve.
Les tolérances d'enseignement, c'est un autre débat: c'est supposé être temporaire. La notion de pérennité n'est pas présente dans l'idée de la tolérance. Par contre, rien ne t'empêche de gagner cette expérience pour aller par la suite enseigner au Cégep.
Pour ce qui est de l'intérêt suscité par les profs... ça dépend beaucoup de leur personnalité et de leur intérêt profond envers la matière. Et aussi de leur qualité de conteur. Quand j'enseignais l'histoire, je ne pouvais pas aller beaucoup plus loin que ce que demandait le programme avec les élèves, mais je trouvais des façons intéressantes de leur raconter ce que je savais. Certains n'ont pas la flamme que ça prend pour enseigner, peu importe qu'ils soient formés ou pas.
Ceci dit, j'abonde quand même dans ton sens: il devrait y avoir possibilité de faire une majeur en pédagogique pendant laquelle il y aurait, au final, un stage, rémunéré pour ceux qui ont assez d'expérience et non-rémunéré pour ceux qui n'en ont pas, comme pour les étudiants du bac (eux, c'est très rare ceux qui sont payés pour faire le stage). Cette formation permettrait d'acquérir un savoir-faire et un savoir-être pour encadrer les interventions auprès des élèves. Il ne faut pas croire que l'acte d'enseignement est simple et accessible à n'importe qui: c'est de dévaloriser la profession de croire que n'importe quel quidam peut enseigner, surtout avec les ados d'aujourd'hui. Si tu as de la facilité avec eux, bravo, mais c'est loin d'être le cas pour la majorité des gens qui ont des tolérances d'enseignement. Et il faut toujours garder à l'esprit qu'il existe des écoles, des niveaux, des groupes plus difficiles à gérer et envers lesquels la formation peut s'avérer plus pratique.
Ah... et une dernière chose: il n'y a pas de pénurie d'enseignants: c'est une pénurie de remplaçants et de suppléants. Les écoles n'ont pas bcp de difficulté à trouver des profs en début d'année: c'est en cours de route, pour remplacer ceux qui quittent ou pour faire la suppléance sur appel, que la difficulté s'exprime.
Bon, c'est tout pour moi ce matin... Bonne journée!
Merci de ton intervention M!
Oui, le problème que tu abordes je le connaissais aussi. En fait, tolérance ou Bac, le milieu de l'éducation traite ses profs comme des ordinateurs, pas comme des personnes.
Et oui, je sais que la personnalité joue beaucoup dans l'intérêt suscité et le contact avec les jeunes... Par contre, je suis peut-être tombée sur une gang bizarre, mais j'ai vu plus de passionné chez des profs sous tolérance (qui auraient pu faire autre chose de leurs études) que chez les profs formés (j'en ai trop vu qui se gargarisaient de leurs compétences et qui voulaient trop suivre le programme, dans des groupes qui, justement, étaient trop en retard ou trop dur à gérer).
Et on s'entend : s'il y a autant de profs qui commencent une année et n'arrivent pas à la finir, on a une pénurie : pas une pénurie de profs en règle, mais une pénurie de gens capables d'accomplir la tâche.
C'est dommage : c'est l'avenir de nos jeunes qu'on sabotte ainsi...
Il faudrait faire un test au début de n'importe quelles études en pédagogie : on pogne l'aspirant-prof, on lui donne le plan d'une heure de cours et on le balance en avant d'une classe de 35 élèves. S'il survit, il est admis au programme :p
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