vendredi 24 mai 2019

On peut pas plaire à tout le monde

Récemment, alors que je discutais avec d'autres écrivains du concept de la diversité en littérature ( ça veut dire refléter la réalité dans nos textes et ne pas mettre seulement des personnages blancs, québécois de souche, hétérosexuels, etc.), l'un d'eux m'a lancé : "Le problème, c'est que si on fait ça, y'a des gens qui vont se plaindre qu'on a pas le droit, qu'on les approprie..."

C'est un point... qui mérite, je crois, d'être discuté.

Voyez-vous, dans ce genre de contexte, on tombe dans une situation pour laquelle les anglophones ont une très belle expression : damned if you do, damned if you don't (damné si vous le faites, damné si vous ne le faites pas). Vous ne représentez que des gens qui vous ressemble? Vous risquez de passer pour un raciste, homophobe, etc. Vous représentez des gens qui ne vous ressemble pas et on vous reproche la manière dont vous l'avez faite? Vous risquez de passer pour un raciste, homophobe, etc, en plus d'un appropriateur culturel!

Savez-vous quoi? Tant qu'à moi, vous devriez y aller quand même pour la seconde option! Dans le premier cas, tous ceux qui vous liront pourront vous reprocher, avec raison, votre manque de réalisme et de sensibilité sociologique et culturelle. Tandis que dans le second cas, surtout si vous avez fait des recherches honnêtes (oui, ça implique d'aller parler avec des gens qui ne vous ressemblent pas, même si c'est intimidant), je parie qu'il y aura autant de gens heureux de lire vos efforts que de gens qui vous les reprocheront.

Et pour vous protéger de ceux qui vous feront des reproches, j'ai une petite formule magique à vous apprendre. Trois phrases. Dites sincèrement (mais voilà, faudra être sincère), elles règlent pas mal tous les problèmes. Les voici : "Je suis désolée si je vous ai offensé. Qu'est-ce que j'ai écrit qui vous dérange? Comment est-ce que je pourrais m'améliorer dans un prochain texte?"

Comme écrivain, comme artiste, on ne peut jamais plaire à tout le monde. Mais je pense que ce n'est pas une raison pour fuir devant les situations qui ouvrent à la critique. Sinon, on avancera jamais. Notre société est belle et riche à cause de sa diversité. Il faut apprendre à la mettre en scène dans notre littérature (parce qu'en introduisant les différences dans l'imaginaire collectif, on contribue à leur acceptation). Même si ça implique que ce sera pas parfait du premier coup.

7 commentaires:

Prospéryne a dit…

Amen Sempaï!

Gen a dit…

@Prospéryne : Mais j'pense que je prêche à une convertie! ;)

P.-A. a dit…

J'pense qu'on va pouvoir se partir une secte/église de convertis! ;) En tout cas, je seconde le Amen de Prospéryne! :)

Luc Dagenais a dit…

Je vais faire écho à Prospéryne : Word !

Le secret est là : « ... [faire] des recherches honnêtes (oui, ça implique d’aller parler avec des gens qui ne vous ressemblent pas, même si c’est intimidant).

En règle générale aussi, ne pas se servir des problèmes des autres pour raconter les siens (par exemple, utiliser l’histoire de l’esclavage pour se plaindre à mot couvert “qu’on ne peut plus rien dire”...).

Gen a dit…

@PA : Merci!

@Luc : J'ai pas voulu aborder cet aspect-là, mais en effet, ne pas se servir des problèmes des autres pour raconter les siens (surtout si, ce faisant, on amoindrit ou banalise les problèmes des autres!) c'est primordial! (Cela dit, si vous faites des recherches, on vous dira probablement de pas faire ça!)

Avec ce billet, je pensais surtout à ceux qui n'osent pas mettre un personnage noir ou asiatique ou autochtones en scène, dans un roman contemporain ou de SFFF, de peur d'être accusé de tous les maux. Me semble que vaut mieux essayer que perpétuer l'isolationnisme.

Unknown a dit…

Pis moi, j'trouve que vous faites de l'exclusion envers les créatures informes et tentaculaires. Elles aussi, elles ont le droit d'être représentées!!! Vous jugez trop vite de leurs goûts en matière de nourriture, entres autres. Gagne de racisssses!!!

M.

Gen a dit…

@Unknown/ M : Je vous suggère de joindre la Ligue pour l'Égalité des Appendices, elles soutiennent justement votre combat. :p

Mais je crois que si on étudie le corpus de science-fiction des années 1970 à 2000, il y a probablement plus de représentations (caricaturées ou non) de créatures informes et tentaculaires que d'astronautes Noirs ou homosexuels.

PS : Désolée pour le temps mis à afficher ce commentaire!