Depuis que je suis maman, je me dis qu'être parent est un exercice extrêmement intéressant pour un écrivain. En effet, ça nous donne mille occasions de décoder l'humain.
Au début, on commence par des exercices faciles : le petit bout d'humain hurle et on doit deviner s'il a faim, chaud, froid, soif, mal quelque part, une couche souillée ou envie d'un câlin.
Puis le petit bout d'humain grandit et commence à maîtriser le langage. Cependant, en cas de situation complexe, il revient à son mode d'expression premier : le hurlement. À nous de comprendre pourquoi. Quelle tension psychologie a amené cette régression? Un ami qui a volé un jouet? Une frustration devant un objet difficile à manipuler? Un sentiment d'abandon devant maman qui lit son livre au lieu de nous regarder? (Pas que ce soit arrivé pour vrai, voyons *tousse*)
Arrive le moment où l'humain en formation hurle rarement. À la place, dans les moments de grand stress psychologique, il frappe, mord, griffe ou insulte. Il faut donc éviter de se faire blesser (par les coups, hein, parce que les insultes d'un enfant de 3-4 ans, ça donne surtout envie de rire), tout en décryptant la situation. Pourquoi mon enfant m'en veut-il soudain? Est-il vraiment fâché contre moi ou est-il tout simplement fatigué? L'ai-je négligé, insulté involontairement ou a-t-il passé une mauvaise journée à la garderie?
Et c'est là que ça devient fascinant. Parce qu'on découvre que, dès 3-4 ans, l'humain, lorsqu'il est malheureux, a tendance à réagir agressivement envers les gens les plus proches de lui, ceux qui l'aiment le plus. Même s'ils n'ont rien à voir dans son malheur.
Oui, d'accord,on nous a déjà expliqué ce mécanisme (en tout cas, je l'avais vu dans mes cours de psychologie au cégep), mais dans une situation réelle, lorsque notre meilleur ami nous criait des bêtises, on avait tendance à l'oublier. On se repliait sur notre blessure, crachait à notre tour quelques insultes et l'appel à l'aide inconscient du meilleur ami passait sous silence.
Sauf que le parent ne peut pas ignorer l'appel à l'aide de son enfant. Pour éviter les coups, il faut ouvrir grand les bras, les refermer autour de la petite boule de furie et, même si on est nous-même fâché, lui murmurer "Je t'aime, je vois que tu vas pas bien, je t'aime, arrête de me frapper, je t'aime, ça va aller, on va s'expliquer..." Au bout d'un moment, ça finit par fonctionner, la furie se calme et on peut ensuite obtenir le fin mot de l'histoire.
Et puis, un jour, un ami adulte nous pète un plomb et au lieu de nous replier sur nous-même, de réagir à l'agression par l'agression, on applique notre réflexe de parent, on ouvre les bras et on dit "Qu'est-ce qui ne va pas? Pourquoi tu réagis comme ça? Je t'aime, moi."
Pis là on obtient une vraie réponse, sur laquelle bâtir une meilleure relation ou qui aidera notre ami à passer à travers un moment difficile. Pis on est bien fiers d'avoir appris à décoder l'humain. On se dit que ça va servir dans un prochain roman...
En fait, on est tellement fiers qu'on écrit un billet de blogue qui avoue, essentiellement, que depuis deux ans on traite nos amis comme des enfants de trois ans... Mais des enfants de trois ans qu'on aime de tout notre coeur! ;)
4 commentaires:
Ça explique pourquoi tu te promenais au congrès Boréal en proposant des doudous à tout le monde!
Mais, plus sérieusement: l'intelligence émotionnelle n'est pas enseignée dans le corpus de beaucoup de programmes universitaires. Et j'ai de plus en plus l'impression qu'il s'agit de la chose la plus importante à développer à l'âge adulte.
Oooouuuuiii!! Je savais que mon garçon allait m'apprendre une chose bien importante dans la vie. Moi aussi j'évolue vers l'empathie, mais je suis encore au stade où j'ai toute la patience du monde pour mon enfant et pis plus rien pantoute pour les autres. On verra passé ses deux ans si l'énergie remonte. Depuis, mes dialogues à l'écriture se sont immensément améliorés.
@Alain : lolololol! Je vais y penser pour l'an prochain! :p
En effet, l'empathie est importante à apprendre, mais je ne crois pas qu'on peut enseigner l'intelligence émotionnelle (ou l'empathie). La théorie, oui, mais l'acte lui-même, pas évident. Cela dit... on pourrait essayer d'enseigner davantage la théorie!
@Marie d'Anjou : Je dirais que c'est vers 3 ans (passé le Terrible Two) que je me suis mise à avoir des réserves d'empathie pour les autres. Tsé, comme si j'avais pris l'habitude d'en produire beaucoup! hihihihi! Bref : courage!
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