Au début de mon adolescence, j'avais embrassé à fond le mouvement féministe, y compris dans ses dérives moins jolies où on finit par rabaisser les hommes au rang de brutes sans cervelle, ni empathie. J'étais une femme, je pouvais donc tout faire. Et seule, de préférence.
Cependant, à mesure que je me rapprochais de l'âge adulte, je me suis mise à fréquenter des gars. Et à les trouver moins idiots et insensibles que prévus. À préférer leur franchise aux manières insidieuses des filles. Au point de me retrouver éventuellement avec un cercle d'amis exclusivement masculins. Puis j'ai rencontré mon chum. Et j'ai vu à quel point certaines dérives du féminisme pouvaient être blessantes pour les hommes. J'ai abandonné le terme, lui préférant "égalitariste". Je me suis rendue compte qu'en tant que femme, je pouvais faire tout ce que je voulais. Surtout si mon chum m'appuyait.
Sauf que cette position d'égalitarisme, c'est bon pour une Québécoise (ou pour la femme du Premier Ministre du Canada). Oui, il reste des combats à mener ici pour l'égalité des sexes, mais ça reste des petites luttes. Les combats de fond (notamment la reconnaissance des femmes en tant qu'humains adultes à part entière bénéficiant du droit de disposer de leur corps), ils ont été menés et gagnés. Il ne reste qu'à changer les habitudes et les mentalités, processus qui prend malheureusement beaucoup de temps.
Cependant, ce n'est pas le cas partout sur la planète. Il y a encore des pays où les femmes ne peuvent pas voter, détenir un compte de banque, prendre des contraceptifs, avorter, étudier, choisir qui elles vont marier, contredire un homme en public... Même ici, de temps à autres, un politicien réactionnaire essaie d'attaquer les droits acquis.
Et tout ça, ça m'enrage au plus haut point.
Alors, ouais, je pense que je suis féministe. Parce que je vais toujours me battre pour que les filles aient les mêmes droits que les gars. Mais je n'oublierai plus de réclamer qu'elles aient aussi les mêmes devoirs.
Homme ou femme, il faut qu'on puisse faire tout ce qu'on veut de notre vie. Avec l'appui de l'autre moitié de l'humanité.
8 commentaires:
Belle réflexion. Moi aussi, j'ai abandonné pendant un boutte le mot "féministe", mais depuis quelques années, j'y reviens. Aujourd'hui, de toute façon, je ne le vois pas comme un mot qui exclus les hommes. Pas sûre que je l'ai vu comme ça dans ma vie, étant donné que mes deux parents sont féministes... J'ai toujours su que ça n'exclut pas les hommes de vouloir que les femmes soient au même niveau.
@Nomadesse : J'ai trop entendu de femmes qui se réclamaient du féminisme tomber dans les jugements à l'emporte-pièce (les hommes sont si, les gars sont ça, les filles sont plus intelligentes, etc), ça m'avait dégoûtée de l'étiquette. J'y reviens, avec prudence.
Ah ben oui. Mais je me dis souvent que les femmes qui font ça ont probablement beaucoup de blessures pour en être rendu là. Elles n'ont probablement pas rencontré les mêmes gars que moi sur leur route... Enfin. Je n'en ai pas croisé beaucoup, il faut dire.
Mon refus systématique d'étiquettes (à propos de tout: religion, sexualité, politique, culture, etc) me fait paraître, à mes propres yeux et probablement à ceux des autres, un peu lâche. Celle qui ne veut pas prendre parti. Ou qui refuse la réflexion ou l'engagement ou le combat ou l'argumentation. Ou tout ça à la fois.
Ce qui fait que j'ai l'air de chercher encore qui je suis ou comment me définir.
Genre d'anthropologue qui observe mais qui reste neutre, sans opinions, sans rien définir. Juste observer le genre humain.
@Nomadesse : Il y a des blessures, oui, mais il y a aussi des modèles à casser. Encore dernièrement, j'ai entendue une petite fille (peut-être 7 ans) dire à sa mère (que j'ai déjà entendu se réclamer du féminisme) : "Est-ce que c'est vrai que les gars sont plus forts que les filles?". Et la mère, au lieu de répondre une vérité biologique (genre : "oui, mais les filles sont plus souples" ou tout simplement "oui, mais c'est pas grave, on peut être très fortes quand même") a répondu "Oui, mais les filles sont plus intelligentes". C'est dans ce temps-là que l'étiquette me gosse.
@ClaudeL : Tu peux refuser les étiquettes, mais pour une femme de ta génération, avoir fait ton chemin sans homme dans ta vie, j'suis désolée, mais ça te rend de facto féministe! ;) Cela dit, je te comprends d'aimer mieux observer le débat que de t'y engager.
Et les hommes qui ont fait leur chemin sans femmes sont quoi?
Et les couples qui ont fait leur chemin sans enfants sont quoi?
C'est comme si tu disais: tu es femme, tu es née en 1950, donc automatiquement féministe.
Tu vois pourquoi je déteste les étiquettes. Comme aux chiffres, on peut faire dire ce qu'on veut aux mots.
Féminisme: Doctrine qui fait la promotion des droits des femmes et de l’importance de leur rôle dans la société, mouvement qui milite en faveur des droits des femmes.
"faire la promotion" et "militer", ce n'est pas moi.
Je suis témoin, mais pas actrice.
Je te concède que je suis dedans, au milieu de, pas en dehors, mais je suis silencieuse. Je me tiens debout, mais je ne bouge pas. J'entends, je ne bouche pas les oreilles (quoi que certains jours...), mais je ne parle pas.
Sauf ici. Mais encore là, je ne parle pas, j'écris.
Bon, j'ai un texte qui m'attend, hihi!
@ClaudeL : Tu vois, la réflexion qui m'a amenée à écrire ce billet, c'est exactement ça : je me disais que je n'étais pas féministe, parce que je ne suis pas militante, je ne fais pas la promotion. Je vis ma vie, c'est tout.
Mais je n'ai jamais accepté qu'on me dise que je ne pouvais pas dire quelque chose ou faire quelque chose ou espérer quelque chose parce que j'étais une fille. J'ai rarement affronté directement, mais je me suis relevé les manches et j'ai pensé "Ah ouais? Regarde-moi ben aller!"
Donc, je dois me rendre à l'évidence : je suis féministe.
Et je crois, pour avoir fait ton chemin comme tu l'as fait, que tu l'es aussi. Même si tu ne veux pas de l'étiquette. Dire que tu es de facto féministe, pour moi c'était une manière de te complimenter, de saluer ton courage. Le courage de t'être tenue debout. D'avoir été toi-même. Même si tu as préféré le faire un peu en retrait.
Les deux exemples que tu donnes, les hommes sans femme ou les couples sans enfant, ce sont, pour moi, deux autres exemples de courage et d'authenticité. Les normes les ont sans doute poussé vers d'autres modèles, mais ils ont résisté.
Bon, ben on est quelques-unes et quelques-uns à vivre notre vie. C'est déjà beaucoup.
Et puis à moi non plus, il ne faut pas dire tu n'es pas capable...
Je suis capable de beaucoup, mais je ne veux pas toujours!
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