On parle souvent de la question délicate du choix du narrateur. Sera-t-il omniscient, absent, en "je", aligné sur un personnage ou sur un autre... On pèse les pour et les contre, on discute des techniques reliées à chaque choix...
Comme tout le monde (enfin, je crois), il m'est arrivé souvent de tâtonner, en début de texte, pour choisir le bon narrateur. Que ceux qui n'ont jamais écrit un texte en "je" pour le mettre ensuite en "il" (ou vice-versa) lèvent la main!
Cependant, ces jours-ci je travaille sur un texte où interviennent une dizaine de personnages. Il me semble clair que je dois adopter le point de vue de l'un d'entre eux pour raconter les événements.... Mais, mautadine, c'est la première fois que je n'arrive pas à déterminer sur quel personnage je dois m'aligner!
J'ai écrit une première version, où j'ai laissé "flotter" le point de vue : je racontais des bouts du texte selon la perspective qui me semblait la meilleure, sans me soucier du fait que le narrateur "saute" d'une tête à l'autre. Ça m'a donné l'impression qu'un personnage était au contre de l'histoire et devait assumer toute la narration. J'ai donc commencé une seconde version...
Et ça marche pas.
J'ai essayé une autre version avec un autre personnage.
Marche pas non plus.
Là j'en suis à considérer l'idée d'un narrateur omniscient.
Faisait longtemps que je l'avais pas utilisé celui-là!
Est-ce que ça vous est déjà arrivé de tâtonner comme ça pour trouver votre personnage-point-de-vue?
7 commentaires:
Pas vraiment parce qu'à chaque fois je fais, pour chaque personnage, la liste des avantages-inconvénients à l'avoir comme personnage point de vue (i.e. si X est personnage point de vue, il va me permettre de passer cette info-ci MAIS il va m'empêcher de cacher cette info-là...). Généralement, les personnages qui vont être les plus avantageux vont surgir d'eux-mêmes.
Moi, tâtonner pour les narrateurs? Pffft! Jamais! (lolol)
Tu as considéré la possibilité de faire un omniscient "triché", soit un alignement sur chacun des personnages chacun à son tour? C'est ce qu'EV nous a avoué faire quand elle tentait d'utiliser l'omniscient... ;)
@Phil : Le problème dans cette nouvelle, c'est que le personnage le plus avantageux rend la nouvelle "plate". Il faut que des infos soient cachées pour que ce soit intéressant, mais pas trop d'infos non plus... Cela dit, j'avais pas systématiquement fait ma liste des avantages-inconvénients, j'aurais sans doute dû.
@Isa : Oui, j'ai considéré cette idée, mais j'ai d'la misère. Je suis trop consciente de tricher! lol! Ça me bloque.
Ouais. Souvent. Comme c'est la base de l'écriture narrative, c'est un peu normal ;)
Mais j'avoue ne pas avoir encore buté sur un problème de narrateur aussi coriace que celui dont tu parles ici. Mon impression est qu'il y a d'autres problèmes structurels dans ton histoire, en plus de celui du narrateur.
(Je parle du fin fond de mon chapeau, remarque. T'entends l'écho?)
@Guillaume : Ouais, cette histoire présente un défi structurel de taille. Je pensais être capable de m'y attaquer, mais là je commence à douter.
J'essaie de faire un hommage à Rashômon de Akutagawa, soit une nouvelle où plusieurs personnages racontent leur version des faits, le tout rapporté par un seul narrateur, et le lecteur remet les morceaux en place tout seul. Enfin, ça c'était la théorie...
@Gen : Dans le texte d'Akutagawa -à moins que je ne me trompe- il n’y a pas un narrateur unique, mais bel et bien sept différents. Chaque narrateur/personnage s’adresse tour à tour au magistrat, mais celui-ci n’est qu’un personnage : nulle part y a-t-il de texte qui « provient » directement de lui (et qui ferait de lui un narrateur à son tour).
Comme le discours de chaque personnage est entrecoupé de questions posées par le magistrat, on peut avoir l’impression qu’il est un narrateur lui aussi, mais ces questions sont en réalité intégrées dans les discours (ex. « Ai-je vu une épée? Non, votre Honneur .») de chacun et, en tant que telle, prononcées et/ou émise par les personnages/narrateurs, et non le magistrat.
Peut-être que ton problème provient de là?
Bien sûr, le récit d’Akutagawa aurait pu (et le tien pourrait) être présenté du point de vue du magistrat : dans ce cas, il faudrait par exemple, que les témoignages de chaque personnages soit intégrés au récit en tant que dialogue adressé à ton narrateur et qu’ils soient entrecoupé de paragraphes alignés -intérieur ou extérieur- sur le magistrat, qui deviendrait ainsi le narrateur de ton récit. Dans un tel cas, tu pourrais même ajouter une couche supplémentaire: rien ne t’oblige à ce que ce narrateur qui reçoit tous ces témoignages soit lui-même fiable ou honnête…
@Luc : Oui, je sais que le texte d'Akutagawa n'a pas vraiment de narrateur, mais j'essayais, comme tu dis "d'en rajouter une couche". En fait, c'était nécessaire dans mon texte pour expliquer les particularités culturelles avec lesquelles je jonglais.
Mais bon, j'ai beau revirer ça dans tous les sens, ça marche pas!
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