Après Ysabel, roman de fantastique contemporain que j'avais trouvé extrêmement décevant, Guy Gavriel Kay renoue avec la fantasy à saveux historique dans Sous le ciel/Under Heaven, inspirée de la Chine des Tang.
Pendant deux ans, au cœur des montagnes, au-delà des frontières de l’empire de la Kitai, le jeune Shen Tai s’est voué corps et âme à la pénible tâche d’enterrer les os de tous les combattants d'une violente bataille qui s’est déroulée à cet endroit. Alors qu'il prépare son retour vers la cité impériale et la cour, tout aussi dangereuse que magnifique, un émissaire de Tagur, la nation rivale lui apporte une nouvelle surprenante : l'empire Tagur lui a offert, pour le remercier de sa tâche, un présent. Or, celui-ci est d’une telle ampleur qu’il peut changer le visage même de l’empire de la Kitai… ou mener Tai à une mort certaine.
Je ne sais pas pourquoi, dans le résumé, on parle d'un présent capable de changer le visage même de l'empire de la Kitai... Parce que voyez-vous, tout l'intérêt de ce roman est que, justement, pour une fois dans une histoire de fantasy, le sort du monde n'est pas en jeu. Il ne repose pas entre les mains du personnage principal. Shen Tai n'est qu'un petit nobliaux, le second fils d'un général célèbre certes, mais lui-même dépourvu de grade militaire, de fortune personnelle ou de charge civile. Et le présent qui lui tombe dessus est de proportions énormes, suffisantes pour susciter de profondes envies et menacer sa vie, mais il n'est pas de nature à changer la face d'un royaume...
Bref, ce roman, c'est en quelque sorte un antidote au syndrôme de l'Everest (faites une recherche dans la page, ça vaut la peine... et si vous l'avez jamais lu, prenez le temps de parcourir l'article au complet). Et c'est extrêmement rafraîchissant!
Évidemment, parce que c'est un roman, Shen Tai finira par jouer le rôle de la goutte d'eau qui fait déborder le vase, du grain de sable qui se coince dans l'engrenage, mais cet aspect de l'histoire n'est pas la plus intéressante d'après moi.
Non, ce qui a retenu mon attention, c'est le réalisme avec lequel l'auteur nous dépeint la vie quotidienne dans l'ultra-codifiée Chine de la dynastie Tang. Un univers où oublier une révérence pouvait vous valoir le fouet, tandis qu'en faire une de trop risquait de vous attirer de mortelles inimités. Le roman nous fait bien sentir toute la grandeur que la civilisation chinoise avait atteinte, mais également toute l'inertie qui la paralysait et qui, à terme, a permis aux nations européennes (et au Japon) de la dépasser.
En fait, le contexte historique est si brillamment évoqué et le fantastique si légèrement présent dans cette histoire que je me demande un peu pourquoi Kay prend encore la peine d'habiller ses fictions historiques d'un voile de fantasy. J'ai lu des supposés romans historiques moins solides que celui-là! Je comprends que cela lui donne une liberté accrue, mais je me demande s'il ne se coupe pas d'un public important en s'accolant volontairement une étiquette de "genre"...
Autre point qui mérite d'être signalé : l'auteur a un peu modifié son style dans ce roman. Ses phrases sont plus courtes, moins coulantes et lyriques, plus proches des styles d'écriture asiatiques (en tout cas, tels que révélés par les traductions). Ce n'est pas désagréable, quoique par moment c'est un peu saccadé, mais ça surprend!
Si vous avez envie d'un voyage en Chine ancienne, ou simplement de vous laisser à nouveau emporter dans un de ces univers dont Kay a le secret, je vous recommande fortement ce dernier opus! :)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire