Je vous rassure : cette interminable série achève. J'ai presque fini de mettre de l'ordre dans mes notes de cours et, en plus, j'ai déjà décidé comment j'aborderais la mythologie que je désirais construire! hihihi
Alors, aujourd'hui nous allons aborder l'école "fonctionnaliste" de l'interprétation des mythes, ainsi que l'école proprement historique. J'en parle en parallèle, parce que la frontière entre les deux est trop ténue, tant qu'à moi, pour qu'on s'y attarde.
En gros, les fonctionnalistes disent que les mythes avaient une fonction sociale, qu'ils servaient à refléter et à véhiculer les valeurs de la société, à éduquer. (Et, à mon avis, ils semblent être tombés pas mal près d'une explication assez universelle...)
Cette vision des mythes semble s'appliquer particulièrement aux mythes grecs entourant Héra. En effet, Héra, femme de Zeus, le plus infidèle des dieux, est toujours représentée comme une épouse fidèle. Elle peut être jalouse ou vindicatrice, mais elle ne vit jamais d'aventure extraconjugale. Comme, dans le monde grec, la pureté de la descendance était importante, on comprend que les mythes entourant Héra servaient à éduquer les jeunes filles. On leur apprenait à imiter cette "reine des dieux" et à rester fidèle à leur époux. On leur apprenait aussi que si elles avaient des aventures, elles risquaient de s'attirer le courroux d'Héra. Bon, par la bande, on leur apprenait aussi qu'il était correct d'être méchante envers l'époux infidèle ou ses conquêtes, mais je suppose que c'était un juste retour du balancier! ;)
Les mythes entourant Arès (dieu de la guerre brutale) et Athéna (déesse de la guerre rusée, de l'espionnage et de la stratégie) avaient également une valeur d'éducation. En effet, dans toutes les histoires où les deux divités s'opposent, Arès perd. Le message aux jeunes Grecs (destinés à vivre en tant que soldat dans un pays en guerre constante) était clair : si vous comptez juste sur vos muscles, vous vous ferez battre par une fille! ;)
(Mais non, je ne vulgarise pas à outrance, voyons! ;)
Pour les historiens, cette interprétation de la fonction sociale des mythes est évidemment une mine d'or pour essayer de retracer les valeurs des civilisations, en dehors des textes de lois officiels ou des écrits des intellectuels de l'époque. À partir de cette interprétation, on peut extrapoler et interpréter un changement dans la version du mythe comme un changement de valeur sociale et en tirer certaines conclusions.
Mais ce qui est le plus intéressant au niveau des mythes, pour les historiens, c'est tout le bagage de culture matérielle et de gestes quotidiens qu'ils traînent avec eux sans en avoir l'air. Quand on lit l'Illiade et qu'on se fait raconter trois fois qu'un combattant, pour se rendre, touchait les genoux de son adversaire pour se mettre sous sa protection, on finit par comprendre qu'il y a une signification là. Que ce n'est pas seulement une enjolivure de l'auteur. Même chose lorsqu'on lit le mythe de Prométhée, qui accomplit le premier sacrifice animal en faveur de Zeus et lui demande de choisir la part qui revient aux dieux. Zeus est trompé et choisit par erreur la graisse et les os, laissant la peau et la viande aux humains. Ce récit a permis aux historiens de comprendre que lors d'un sacrifice fait aux dieux, on ne laissait pas l'animal pourrir ou se gaspiller : seule la graisse et les os était brûlée pour honorer les dieux. Le reste était mangé.
Évidemment, il faut faire toutes ces interprétations historiques avec beaucoup de prudence, parce qu'il est très difficile de savoir à quelle époque les mythes font référence. Ainsi, on ne sait pas si la manière de faire des sacrifices a évolué dans le temps, si un jour les gens ont décidé de brûler un peu de viande pour les dieux ou, au contraire, d'arrêter de leur donner les os, mais en conservant le mythe tel quel par habitude. D'ailleurs, on a fini par découvrir que l'Illiade raconte des événements qui se sont passé vers la fin de l'époque Mycénienne (vers -1200), mais que les poèmes ont probablement été codifiés, écrits et figés dans leur forme au cours des Siècles obscurs (vers -750). Alors les événements et la taille des armées correspond à la gloire de l'époque Mycénienne, mais la description des objets d'usage courant, des palais, de la structure des familles, etc, semble plutôt être celle des Siècles obscurs, qui étaient beaucoup plus pauvres.
Cela dit, ce qui donne des maux de tête aux historiens peut se révéler une manne pour les écrivains. On peut aisément imaginer des mythes qui se révèlent être en partie vraie, mais dans un cadre chronologique différent, avec des conséquences sur des "légendes" officielles ou de la propagande et tous les impacts tordus que vous pourrez imaginer! ;) Quant à la fonction pédagogique des mythes, suffit de la rendre un peu subtile (et de la prévoir longtemps à l'avance dans le récit) pour en faire un ressort d'intrigue fort utile.
4 commentaires:
Finalement, on n'invente rien!
Merci madame le professeur, en classe avec des images venues de livres, et la voix du prof, ça devait être très bien.
Trouves-tu que les illustrateurs de livres s'inspirent de ces mythes-légendes ou c'est de la pure fantaisie?
@ClaudeL : En classe y'avait pas tellement d'images (on était à l'université), mais on avait un prof qui récitait les textes grecs et latins! lol!
Tout le monde s'inspire des mythes et des légendes, ça a toujours été fait. Les illustrateurs actuels les réactualisent souvent, comme l'avaient fait les peintres de la Renaissance.
Eh bien! Après toutes ces explications,je dois dire que l'école de pensée qui me plait le plus, c'est celle-ci (Toi aussi je pense! C'est en tout cas l'impression que j'ai en te lisant!). L'idée de relier le mythe à un contexte historique me semble l'approche la plus pragmatique de la chose. :)
Pour le plaisir : tu as écrit "viandre" à la place de "viande" à un endroit dans le texte... Je te laisse trouver où! ;)
@Isa : C'est effectivement, dans la vraie vie, mon école préférée, puisque c'est le bébé des historiens! ;) Par contre, pour écrire de la fiction, c'est pas nécessairement le plus inspirant.
lolol! J'ai fait la correction, merci! :)
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