lundi 14 novembre 2011

Utiliser la mythologie (4) - Étiologie et Fondation

C'est lundi! Alors on commence avec un cours de mythologie (avouez qu'il y a pire matière pour partir sa semaine ;)

Une partie des universitaires pédants partisans du "positivisme", dont je vous ai déjà parlé, ont un jour changé leur fusil d'épaule et se sont mis à dire que les Grecs n'étaient pas des arriérés qui croyaient vraiment que leurs dieux vivaient sur une montagne et fôlatraient avec les bergères, mais qu'ils étaient au contraire des scientifiques qui tentaient d'expliquer le monde à l'aide d'un vocabulaire limité et qui utilisaient donc des récits fantasistes pour préserver et faire connaître leurs découvertes.

C'est ce qu'on nomme l'interprétation "étiologique" d'un mythe, c'est-à-dire que le récit raconté est destiné à expliquer les causes et les effets d'une réalité du monde.

Ainsi, les tenants de l'étiologie prennent souvent comme exemple le mythe d'Hélios et de Phaéton (où Hélios est le dieu qui conduit le soleil dans un char autour de la terre et Phaéton le fils qui veut un jour conduire le char de papa, mais qui fait ça tout croche et brûle une partie de l'Afrique parce qu'il passe trop près), croyant y trouver la preuve que les Grecs savaient que la Terre était ronde (ils ont fini par savoir, en effet) et que la peau noire des Africains était une acclimatation au climat.

Personnellement, je crois que l'interprétation étiologique des mythes est à utiliser avec précaution, parce qu'une fois qu'on connaît les faits scientifiques, c'est facile de retourner en arrière et de plaquer la vérité par dessus les multiples fantaisies des mythes. Cela dit, si vous décidez de parsemer vos fictions de faux récits étiologiques, ça pourrait se révéler très drôle! C'est particulièrement adapté à un univers qui aurait connu un âge obscur ou autre éclipse de la science.

Les scientifiques qui sont à l'écoute ont peut-être des exemples de récits étiologiques intéressants? (soit parce qu'ils sonnent vrais, soit parce qu'ils racontaient vraiment n'importe quoi)

Certains rapprochent les mythes de fondation des grandes cités à des mythes étiologiques, parce que ce sont également des mythes destinés à expliquer un phénomène ou ses origines.

Par exemple, dans l'Antiquité, les Grecs racontaient que Rome avait été fondée par un descendant du Troyen Énée. Cela expliquait, à leurs yeux, pourquoi la civilisation romaine était si puissante, sans être grecque : les Romains étaient les descendants d'un autre peuple "civilisé" que les Grecs avaient côtoyé.

Du côté des Romains, on racontait plutôt que Rome avait été fondée par les deux frères Rémus et Romulus, enfanté par le dieu Mars lui-même (selon les versions, soit avec une femme d'une grande beauté, soit avec une descendante d'Énée). Les enfants ayant été abandonné, ils furent nourris par une louve (en latin, ça se dit lupa et c'est pas clair si c'est un animal ou une prostituée puisque les deux se disaient pareil). Lorsque les frères, ayant grandi, avaient dû décider qui dirigerait la ville, Rémus avait vu en premier un augure le favorisant, mais Romulus en avait vu de plus nombreux. La primauté aurait dû l'emporter, mais le nombre des augures était si impressionnant que Romulus était devenu le chef. Cela avait laissé Rémus amer et il s'était moqué de Romulus en franchissant le sillon qui marquait l'enceinte sacrée de la cité. Outré qu'on bafoue ainsi sa cité, Romulus tua Rémus.

Ainsi, les Romains, selon leurs propres mythes, descendaient d'une louve et du dieu de la guerre, d'un homme pour qui la force du nombre pouvait l'emporter sur un principe et qui n'avait pas hésité à tuer son frère pour protéger sa ville. Disons qu'ils servaient un avertissement clair à tous les peuples qui auraient pu se dresser sur leur chemin, tout en expliquant d'où leur venait leur férocité au combat.

11 commentaires:

ClaudeL a dit…

Je me souviens de cette naissance de Rome. Finalement, l'histoire de Marie enceinte du Saint-Esprit est aussi bizarre que la naissance de Rome, non?

Gen a dit…

@ClaudeL : Ben la différence, c'est que quand les mortelles faisaient la chose avec les dieux, elles étaient plus vierges ensuite! lol! ;)

Et non, une naissance d'origine divine, c'était pas bizarre à l'époque.

Prospéryne a dit…

@Gen, oh oui, détail important, le Saint-Esprit avait le truc pour baiser sans laisser de traces de son passage! :P

Isabelle Lauzon a dit…

Très, très intéressant! Une chose m'impressionne là-dedans : l'imaginaire humain est vraiment vaste et infini. Déjà, dans les temps anciens, on s'amusait à inventer toutes sortes d'histoires...

Mon petit grain de sel : Soit le Saint-Esprit avait le truc, ou bien Joseph (comme je l'ai déjà dit effrontément à mon prof de religion en secondaire 5) était un ti-peu innocent sur les bords et s'en était fait passer une petite vite... Ou avait lui-même procédé à la petite vite avec Marie... (coup donc, j'étais déjà une vilaine fille à cet âge, moi!) :P

Oups! Désolée pour ceux qui croient encore à l'immaculée conception! Moi, j'ai toujours eu un doute raisonnable là-dessus... ;P

Et puis, mon prof de religion (qui était vraiment cool) nous a expliqués que c'était possible, mais que la religion est avant tout une question de symboles et de paraboles, et qu'il fallait avant tout chercher derrière la signification de ces paroles le message qui en ressort... :)

Prospéryne a dit…

@Isabelle, ah d'accord, le hic, c'est que l'Église n'a pas beaucoup insisté sur le côté symbole durant les deux derniers millénaires. Ça semble être une invention plutôt récente!

Pat a dit…

Ce que j'aime surtout, c'est l'interprétation qui est faite du mythe de Rome, de l'image qu'il projette... très intéressant. Élément à creuser pour nos histoires: quels messages souhaitaient passer ceux qui ont écrit le mythe.

Gen a dit…

@Prospéryne : En effet, le Saint-Esprit avait le tour! ;) La virginité de Marie est reconnue depuis le concile de Latran (649). (Hé, les gars de l'époque voulaient pas se faire répondre "c'est le Saint-Esprit" à tout bout de champs!) La version "symbole" est assez moderne en effet. Et ce n'est pas la version officielle. Plutôt la version des prêtres avec deux sous de jugement et des profs de religion! :p

@Isa : Oui, ça me fait tripper tous ces mythes différents. Et pour les remarques au prof de religion! LOLOLOL! J'ai passé pas mal les mêmes! ;)

@Pat : Exactement! Le message derrière le mythe, je crois que c'est une piste qui pourrait être génératrice de beaucoup de profondeur dans une histoire.

Isabelle Lauzon a dit…

LOLOL! Et moi qui croyais que j'étais toute seule à avoir osé dire tout haut ce que les autres pensaient tout bas! ;)

Pour les symboles, effectivement, ce ne sont pas tous les curés qui ont envie de démystifier le tout... Mais mon prof, à l'époque, avait affaire à une grosse gang d'étudiants écoeurés de la religion... Il a su s'adapter pour survivre! ;)

Luc Dagenais a dit…

Par contre, Il ne faut pas confondre Immaculée Conception et virginité de Marie, qui sont deux concepts distincts.

Gen a dit…

@Isabelle : lol! En effet, je crois que c'est une question d'adaption. À l'écoeurement... et à la science!

@Luc : Ah, l'immaculée conception... Concept beaucoup plus tardif (fin 1800 je crois) et qui dit que Marie elle-même a été conçue exempte de péché originel (ce qui lui enlève pas mal de mérite d'être vierge, si elle était dépourvue des bas instincts venus d'Adam et Ève! lol! ;)

Luc Dagenais a dit…

@Gen: ROFL! Ouais, ça expliquerait bien des choses sur Marie.