vendredi 11 novembre 2011

Utiliser la mythologie (3) - Evhémérisme

Après cet intermède, je continue ma série de billets sur la façon d'interpréter et d'utiliser la mythologie.

Après le positivisme et la simple compilation, une autre école d'interprétation de la mythologie, c'est de considérer que toutes les histoires concernant les dieux ou les héros sont en fait des récits rapportant, en les exagérant et les amplifiant, les exploits de gens morts depuis fort longtemps, mais qu'on a divinisé (ou tout comme). On nomme cette école "evhémérisme" et elle était déjà présente dans l'Antiquité!

Et c'est à partir de ce billet-ci que mon petit exposé sur les mythologies va devenir intéressant (ou que vous allez décrocher complètement) : l'evhémérisme est une interprétation tout à fait acceptable des mythes. Enfin, de certains d'entre-eux. Ou plutôt de certaines parties d'entre-eux. Parfois. Sous le bon éclairage. En oubliant pas que c'est exagéré. (Vous allez voir, je vais vous dire ça à propos de plein d'autres écoles d'interprétation, parce que s'il y a une règle avec les véritables mythologies, c'est qu'elles sont toujours floues et issues d'un amalgames d'influences.)

Le meilleur exemple d'evhémérisme est sans doute le cas du roi Arthur et des chevaliers de la table ronde. Un roi nommé Artus faisait partie d'un cycle de légendes celtes bien avant que Chrétien de Troyes le récupère pour en faire un roi modèle. Les sources historiques nous laissent penser que ce roi a bel et bien existé. Quant aux divers personnages qui peuplent sa cour, ils seraient apparus à différentes époques, chaque ancêtre un peu illustre des divers peuples voyant ses exploits reculer dans le temps peu à peu jusqu'à ce qu'il devienne un contemporain d'Arthur.

Ce procédé est parfaitement utilisable en littérature, mais pour donner un bon résultat vous devrez probablement établir les actions vraiment posées par votre héros, puis la légende qui en découle, puis la réaction des gens à cette légende et peut-être, éventuellement, la découverte d'une partie de la vérité grâce à des fouilles archéologiques ou autres recherches (mais faites attention : on a rarement des réponses claires et complètes avec l'archéologie!). Oups, je viens de vous raconter une des trames qui sous-tendent "Chroniques du Pays des Mères" d'Élisabeth Vonarburg... :p

Maintenant, pour terminer la semaine en beauté, jouons à un jeu : quel personnage moderne pourrait faire l'objet d'évhémérisme et prendre un aspect mythologique dans une histoire de SF qui se déroulerait dans deux ou trois siècles?

15 commentaires:

Vincent a dit…

Avons-nous encore des "héros" ou des "grands" à notre époque? C'est pas facile d'en trouver, le focus est plutôt sur les monstres dorénavant. Je suis peut-être trop cynique...

Gen a dit…

@Vincent : Cynique, toi?!? :p

Mais je suppose qu'on pourrait imaginer dans le futur une secte d'adorateurs de Michael Jackson, d'Elvis (oups, ça existe déjà), de Bill Gates ou de Steve Jobs! ;p

Prospéryne a dit…

Pourquoi pas du type qui court le 100m avec des jambes artificielles et qui bat les bipèdes en compétition? Je ne me rappelle plus de son nom. On pourrait en faire dans deux ou trois cents ans le premier homme bionique!

Gen a dit…

@Prospéryne : Je me souviens plus de son nom moi non plus, mais c'est effectivement un bon exemple! :)

Vincent a dit…

C'est Oscar_Pistorius. Je n'avais jamais entendu parler de lui. Intéressant! :)

Gen a dit…

@Vincent : En plus, il a un bon nom de héros/divinité :)

Philippe-Aubert Côté a dit…

Je détournerais alors la question (hin hin hin) : qui, dans notre monde moderne, pourrait, dans 300 ans, être considéré comme celui a le plus causé de troubles aux générations suivantes? :-)

Parce que dans les mythologies, on a des héros, mais on a aussi des diables.

Et d'un côté, un diable, ça peut aider à s'améliorer aussi. Au fond, les vilains sont aussi importants que les héros :-p

Joe_G a dit…

Le mythe de Capone est déjà bien entammé.
Puis j'amerais voir ce que les siècles vont faire du 43e Président. Me semble que y'a assez de matériel là pour faire une saga interressante, y'a même un comic-relief qui tire son ami dans la figure!

Je suis tout de même d'accord que coté héros y'a un vide. Y'a que "Deep Throat" qui me vient à l'esprit. (La personne et non le film)

Gen a dit…

@Phil : Harper est bien parti. :p

@Joe : Ah oui, Capone, c'est bon ça!

Gen a dit…

@Phil : Les "bons" méchants sont encore plus importants que les bons je pense. Un bon, c'est facile à créer : t'as juste à en faire une personne gentille et ordinaire par certains côtés. Un méchant intéressant, ça c'est dur à faire! ;)

Isabelle Lauzon a dit…

Les méchants que je trouve les plus intéressants, c'est ceux qui ne le sont pas tout à fait... Qu'on veut détester, mais qu'on en arrive à comprendre un moment donné (ce qui nous torture, parce qu'on voudrait le détester!). Pas facile à faire, mais trop génial...

Ouais, je pense moi aussi que les héros sont durs à trouver à notre époque. Mais les pourris... c'est un peu trop facile...

Philippe-Aubert Côté a dit…

Il y a une question intéressante : les contemporains d'Artus le considéraient-ils comme un héros? Autrement dit: pourrait-on déceler un héros de son vivant? Le statut de héros ne peut-il être qu'a posteriori? Comme les prix Nobel. Ou bien le statut de grand bâtisseur du Québec... (Hé hé hé...)

Gen a dit…

@Isa : Moi les méchants que je préfère, c'est ceux qu'on déteste tout en les comprenant (genre les méchants qui ne voient juste pas la vie selon le même code de valeurs). J'ai un faible pour les méchants manipulateurs de type "pacte avec le diable".

@Phil : Étant donné qu'à l'époque d'Artus on écrivait des chansons à propos des hauts faits des chevaliers célèbres, oui, Artus a dû prendre le statut de héros de son vivant. Mais à l'époque, c'était plus courant, donc ça devait être moins lourd à porter.

Isabelle Lauzon a dit…

De nous jours, je doute qu'on puisse trouver un "héros" et l'idolâtrer de son vivant ou même après sa mort. Héros du hockey? Héros du UFC? Héros d'un jour parce qu'il a sauvé une vie? Des vies? (genre : les pompiers, les policiers).

Trop de petits héros momentanés, mais tellement difficile de laisser sa marque dans l'Histoire pour toujours... La faute des médias peut-être? On parle trop de tout le monde, alors on devient blasés?

Est-ce que c'est comme pour le hockey, le talent est dilué? Ou on est juste plus habitués que dans les temps anciens à côtoyer des gens exceptionnels... qui ne le devienne plus vraiment, exceptionnels, car plein de gens sont exceptionnels de nos jours...

Gen a dit…

@Isa : Il y avait des "héros instantanés" à l'époque aussi (le général qui venait de gagner une bataille, l'homme riche qui payait un aqueduc pour un quartier de la ville, etc). L'histoire a retenu les noms de César et de Cicéron, mais ils avaient quelques centaines de milliers de contemporains à Rome.

Cela dit, c'est sûr que la tendance moderne à la vedettisation de tout un chacun dilue l'ampleur des renommées. Mais je pense que l'épreuve du temps saura partager les vrais "grands" du reste.

(Pis le UFC a son temple de la renommée, alors ils travaillent fort à se créer des "dieux". Royce Gracie et Randy Couture sont en bonne voie... ;)