Je sais pas si je suis dans le champ et/ou si je vais me faire lancer des roches, mais faut que j'en parle...
Je lis de tout. Du fantastique, du général, de l'historique, de l'horreur, du policier, en français, en anglais... Tout m'intéresse. Par contre, il y a une chose qui me laisse perplexe : malgré ma boulimie littéraire, l'opposition entre ce qui est supposé être "grand public" et ce qui est supposé être "artistique", je dois dire que je ne la vois pas toujours.
Oui, bien sûr, il y a des fois où c'est évident : impossible de mettre "Ange" d'Anne Robillard et "Une fêlure au flanc du monde" d'Éric Gauthier dans le même panier.
Par contre, il y a d'autres fois où c'est moins clair. Où on tombe sur des romans grands publics très bien écrits, avec une bonne histoire et tout. Romans qui se vendent bien et qui sont pourtant snobés par le milieu littéraire plus artistique.
Coudonc, où est la frontière? Si ça se vend, c'est grand public et si l'auteur crève de faim, il est un artiste? Plutôt réducteur...
J'en étais à me dire que je devais être imperméable au style lorsque j'ai eu une illumination. J'ai repensé aux romans que j'ai lus et à leurs personnages principaux et j'en suis venue à une constatation :
Dans le roman grand public, on vous présente des personnages sympathiques et simples, avec des défauts communs, dont n'importe quel lecteur peut facilement "enfiler les souliers". Dans le roman "artistique", on vous met en scène des personnages qui ont des travers, des frustrations, des façons particulières de voir le monde et embarquer dans leurs souliers pour les suivre dans leurs aventures, ce n'est pas nécessairement une expérience agréable.
Alors, d'après vous, est-ce que la nature plus ou moins commune des personnages principaux, ça pourrait être l'un de ces éléments qui forment la frontière des deux mondes littéraires?
13 commentaires:
Moi c'est pas tant l'histoire et ou la façon de présenter (ou de construire) les personnages qui me semble déterminant, mais plutôt la richesse de la structure formelle. Même s'il a eu une bonne visibilité, je ne considère pas que La Horde du Contrevent est une oeuvre grand public, par exemple.
C'est sûr que quand on est dans l'expérimentation sur la forme, on est définitivement pas dans le grand public! lol! Je pensais plutôt à ce qui peut distinguer "Millenium" de certains policiers publiés chez Alire.
C'est la sempiternelle question autour du "populaire" et du "littéraire". Par exemple Marie Laberge est considérée "populaire" et la France a pris du temps à la publier. Je ne crois pas que ce soit une question de personnages, sinon dans leur vocabulaire, mais plutôt de style. Je laisse aux universitaires et aux fonctionnaires (genre Conseil des arts et ds lettres) le soin de débattre. Moi, je lis ce que j'aime, point.
Ces distinctions sont artificielles, elles sont quasiment toujours a posteriori. S'il y avait des règles faciles à identifier, les éditeurs les appliqueraient et sauraient d'avance ce qui va être populaire. Ce n'est évidemment pas le cas. Qui aurait pu imaginer que _Le Nom de la rose_, oeuvre super érudite, serait un best-seller international? Personne. Le personnage principal du _Parfum_, best-seller aussi, est loin de correspondre à ta définition du personnage "sympathique et simple". Écoute, _Voyage au bout de la nuit_ est un best-seller, pareil avec _Le Rivage des Syrtes_, oeuvres denses sur lesquelles les universitaires écrivent des articles depuis 50 ans.
Joël Champetier
Comme les autres le disent si bien, je ne crois pas qu'on puisse cibler un seul facteur pour délimiter une frontière précise entre «populaire» et «artistique», mais tu offres une piste intéressante, à mon avis!
La complexité du personnage.
Je ne le conçois pas nécessairement comme «il est trop sombre, trop douloureux pour que je tente de me glisser dans sa peau», mais seulement comme une complexité, un relief dans sa personnalité.
Très intéressant comme billet, Gen.
-Pat the cat (qui n'arrive pas à publier depuis l'ordi du bureau...)
Moi quand je suis entourré de matantes qui connaissent ce que je lie, regarde ou écoute je me sens sale.
Sans blague je dirait que si c'est facilement accessible et formulaique,je qualifie le tout comme étant pour le grand public.
Puis si l'étiquette est péjorative on la change par "excellent point d'entré vers un sous genre".
Y'a le temps qui rentre dans l'équation aussi je pense. Ce qui est pop hier peut virer soudainement de l'autre bord, ou ce promener entre les deux, comme Alice in Wonderland, Catch 22 et Crush Groove.
Y'a aussi quand on a la conviction quand on a le feeling l'oeuvre est un quick cash in.
Anyway, essayé de trouvé les éléments qui ne constitue pas une ouvres pop c'est pas se tirer une balle dans le pied en créant une formule?
Il y a une belle expérience de machine learning à faire avec tout ça. Prendre une série d'oeuvres, les classer dans la catégorie grand-public ou artistique (utilisez les mots que vous voulez). Puis, associer chaque oeuvre à plusieurs qualificatifs normalisés qui le décrivent (le genre littéraire, la qualité de l'histoire, la caractérisation, le ton, le style d'écriture, etc). Quand beaucoup d'oeuvre seront annotées, il sera possible de demander à un ordi de dire quelles propriétés/combinaisons de propriétés permettent de classer des oeuvres nouvelles dans une catégorie ou une autre! Aussi facile que ça! (Non, je ne suis pas volontaire pour le faire. La question reste tétrapiloctomique)
Je penche plutôt du point de vue de Guillaume. "La Horde du Contrevent" est un bon exemple, c'est une oeuvre de fantasy qui expérimente, le contenu est frappant, la forme est extrêmement riche et soutiens l'histoire comme un mortier et la brique, le niveau de langue est si élevé qu'on ne peut ignorer le travail de l'auteur derrière. Il s'agit clairement d'une expérience d'écriture ET de lecture.
Cependant, ce qui fait un roman grand publique d'une oeuvre artistique, est la bouche à oreille quant à moi.
Prenons par exemple "A Song of Ice and Fire" qui est unanimement la meilleure série de fantasy actuelle, les littéraires l'acclame, les fans de fantasy l'acclame et présentement avec le soutiens de la série d'HBO, le tout devient grand publique; des rééditions avec des pubs d'HBO dessus, on en parle partout, aux bulletins de nouvelles, etc, etc. Les gens vont s'y intéressé, lire au moins le premier tome et voilà... on vient de passer d'une oeuvre artistique à une oeuvre grand publique.
Le même phénomène s'est un peu produit avec la trilogie Millénium de Stieg Larsson. On à publicisé à fond avec la mort de l'auteur, bouche à oreille, sorties rapides des films Norvégiens (corrigez-moi si je me trompe) et hop, succès monstre! Alors que les gens qui l'ont lu m'ont tous affirmé qu'il s'agit d'une excellente oeuvre policière.
Un peu de chance et le succès viendra, comme on dit... :p C'est un vrai effet boule de neige.
@ClaudeL : J'suis un peu pareille : je lis ce que j'aime et tant pis pour les étiquettes, mais de temps en temps j'ai une crise de tentative de compréhension des étiquettes ;)
@Joël : Pour Voyage au bout de la nuit par contre, je me demande s'il serait aussi populaire de nos jours s'il n'était pas au programme de tous les cégeps et de la majorité des universités! lol! Mais effectivement, si la recette du succès populaire était si simple, les éditeurs l'appliqueraient d'office. Ma question était plutôt : est-ce qu'on ne peut pas se douter, dès qu'on fonctionne avec un personnage auquel il est difficile de s'identifier, qu'on risque de se couper un large public? (à moins de faire une oeuvre très forte sur un autre plan, comme l'exploitation des odeurs dans Le Parfum)
@Pat : Oui, complexité, mais surtout "secrets inavouables" et pourtant si communs.
@Joe : Ou c'est comprendre quoi éviter! lolol! ;)
@Fred : Oh oh! Machine à prévoir le nouveau succès... J'ai envie d'effacer ton billet, d'un coup que tu donnes des idées à un éditeur (et qu'il se mette à passer des commandes)! Remarque, c'est ptêt comme ça que les films hollywoodiens sont créés ces dernières années...
@Alamo : Hum... Tu as un bon point avec le bouche à oreille, mais je remarque que les deux oeuvres que tu cites, bien qu'elles aient des aspects plus atypiques (thèmes durs avec Millenium, complexité de l'univers de GoT) n'ont pas été pensées comme des expérimentations (comme La Horde), mais comme des produits de leur genre respectif. Donc, le pas à faire vers le succès pop n'était pas si grand... et les personnages sont assez sympa (même Salander!)
Je ferais plus une classification oeuvre grand publique vs oeuvre obscure. L'oeuvre grand publique sera lu par un large évantail et qui va même chercher des lecteurs aux différentes habitudes. Oeuvre obscure = oeuvre moins découverte, donc mois lu que les autres.
Ex. Les livres de Dan Brown avant Da
Vinci Code. C'était des oeuvres obscures. Après Da Vinci Code, c'est devenu des oeuvres grand publique.
Patrick Sénécal = oeuvre obscure, jusqu'à la sotie du film Sur le Seuil, est devenu grand publique.
Dans les deux catégories, on peut retrouver des bons romans comme de très mauvais. c'est pas parce que c'est lu par un grand publique que c'est de la bonne littérature (wink Harlequin, LCDE).
Les oeuvres artistiques, je dirais plus que ce sont des oeuvres où l'auteur y va d'un exercice de style ou de forme (écrire sans la lettre ''e'', écrire toute une histoire en dialogues, écrire toute une histoire en alexandrain). Encore là, ça peut être très mauvais ou très bon. Bon ma définition est pas trop bien, mais d'habitude, je reste loin de ce genre d'oeuvres.
Mais entre vous et moi, n,importe quelle oeuvre est une oeuvre artistique, comme tout tableau, beau ou laid est une oeuvre artistique, comme tout film, comme tout ce qui découle de l'art.
La classification ce n'est bon que pour les coups de coeurs de Renaud Bray.
@François : Hum, faut pas confondre "grand public" avec "succès international". Dan Brown a toujours été grand public, même si plus ou moins connu.
Mais bon, effectivement, pourquoi se casser la tête avec des catégories? ;) J'ai pas de coup de coeur à vendre.
> impossible de mettre "Ange" d'Anne Robillard et "Une fêlure au flanc du monde" d'Éric Gauthier dans le même panier.
Pas impossible, juste risqué. Mais l'expérience est amusante: ça génère de jolies flammèches vertes et ce n'est pas toujours le même livre qui se dissout le premier.
Plus sérieusement, la frontière entre "grand public" et "artistique" est quelque peu floue, comme la plupart des frontières en littérature d'ailleurs. Ça s'apparente à la dichotomie Art vs. commerce qui revient souvent et me paraît un peu futile. Un livre peut être de l'Art, mais dès qu'on le met en vente, c'est aussi du commerce. On n'a pas affaire à des paniers distincts mais plutôt à un spectre plein de nuances.
Si on tenait à établir une distinction, la complexité des personnages peut être une bonne piste. Le travail sur la forme aussi. En tant que lecteur de SFF, j'ai aussi tendance à privilégier les oeuvres selon "l'audace" des idées proposées. L'auteur utilise-t-il les mêmes blocs de constructions que tout le monde? Invente-t-il de nouveaux blocs, ou de nouvelles approches? Ça reste des critères personnels plutôt qu'une façon d'étiqueter les oeuvres. James D. MacDonald ramène souvent les débats à une même question: "does it work?" ("est-ce que ça marche?"). Est-ce que le livre accomplit ce que l'auteur voulait, est-ce qu'il est satisfaisant pour le lecteur?
On peut viser le "grand public": concevoir cyniquement un roman pour qu'il soit attrayant au plus grand nombre. Rien ne garantit le succès. Là où j'en suis, c'est d'écrire l'histoire que je veux écrire, puis de chercher à faciliter l'entrée au lecteur sans rendre l'oeuvre bébête pour autant.
@Éric : lol! "Ange" fait cet effet-là à beaucoup de livre je pense! :p
Je n'en suis pas à essayer d'écrire un truc grand public (et j'espère ne jamais me rendre là!), mais quand j'observe ce que les gens lisent autour de moi (on s'entend que je suis entourée de beaucoup de "lectrices moyennes" aka "matantes"), j'essaie de comprendre ce qui les a accrochés et pourquoi, ce qu'ils aiment dans un livre ou un autre, ce qui les rebute.
Et je constate que les personnages jouent des grands rôles. Et que quand ils sont sympathiques, c'est souligné. Souvent et longtemps! :P Dans des termes du genre "je l'inviterais à souper"!!!
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