Fuat que j'en parle ici, parce que ça discute juste de ça au bureau... J'ai pas besoin de vous rappeler le contexte j'espère? Bon, ok, je résume : Lola fut la conjointe d'Éric pendant des années. Lui a donné deux enfants. Éric décide qu'il ne l'aime plus. Ils ne sont pas marié. Ils se séparent. Éric verse une pension pour les enfants. Rien pour Lola par contre. En tant que conjointe de fait, elle n'a pas droit à une pension pour elle-même, même si elle n'a jamais travaillé, ayant toujours élevé les enfants à la maison, ni au partage du patrimoine familial. Pour ça, il aurait fallu qu'ils soient mariés.
Lola trouve que la situation est discriminatoire envers les conjointes non mariées. Éric a toujours refusé le mariage, mais a toujours été très heureux d'avoir une conjointe au foyer. Lola refuse de voir son train de vie baisser ou de devoir soudainement aller travailler parce qu'Éric ne l'aime plus.
Comme Éric est milliardaire et que Lola a sans doute mis un sous ou deux de côté, elle le traîne en cour.
À ce point-là de l'histoire, ma réaction est : "T'avais juste à pas faire d'enfant avec un gars qui était pas prêt à t'épouser!" Pour moi, la question a toujours été claire : la fatigue de la grossesse, les suites de l'accouchement, l'allaitement... bref toutes les conséquences que les hommes ne peuvent pas assumer font que les femmes risquent de perdre de l'argent en ayant des enfants (ne serait-ce parce que même les plus zélées d'entre les travailleuses ne feront plus autant de temps supplémentaire pendant quelques mois). Donc, la seule façon sécuritaire économiquement parlant d'avoir des enfants, c'est à l'intérieur du mariage. Cela garantit qu'ensuite le couple séparera ses acquis équitablement (partage du patrimoine familial) et que dans les cas où le couple avait décidé d'un commun accord que madame sacrifierait sa carrière, hé bien elle recevra une pension pour elle-même le temps de retomber sur ses pattes.
Mon chum a entendu pendant des années "Pas de mariage, pas de bébé". Le jour où il a décidé que j'étais bien la femme avec laquelle il voulait des enfants, on s'est mariés. Au palais de justice. Rien de fancy. On signait un contrat au fond. Un contrat qui me protégeait légalement et me permettrait d'avoir des enfants l'esprit en paix. Pour mon chum, ce ne fut pas un événement particulièrement stressant. Certes, c'était un engagement, mais on songeait déjà à avoir un jour des enfants. Dites-moi, c'est quoi signer un contrat pouvant être ensuite annulé à côté du fait de prendre la responsabilité de mettre au monde un autre être humain? Enfin...
Lola s'est donc fait, comme je m'y attendais, débouter en première instance. Elle va en appel. Et là... Surprise! Les juges lui donnent raison. Oui, la loi serait discriminatoire. Les conjoints de fait qui se sont appauvris au profit de l'union devraient avoir droit à une pension pour eux-mêmes. Pas au partage du patrimoine familial (valeur de la maison, des fonds de pension et des épargnes), mais à la pension, oui.
Et là je ne comprends plus. Me semble que toute cette histoire, c'est comme poursuivre un commerçant parce qu'on a refusé la garantie étendue quand il nous l'a proposée, mais que là on la voudrait parce que notre bidule est cassé...
21 commentaires:
Il me semble bien que Éric lui aurait aussi donnéune maison, luxueuse maison, il va sans dire. Et comme madame Lola va sans dout sortir un livre dans quelques mois (C'est ce que tout le monde fait non ?)... elle est pas dans la misère non plus.
J'ai lu plusieurs commentaires de femmes en union de fait qui partageaient ton opinion, n'ayant pas voulu avoir recours au mariage, elles ne voient pas l'utilité de se faire imposer une loi qui ferait exactement de leur union un mariage.
@Éléonore : Peu importe le cas de Lola exactement. C'est le principe de droit qui est en cause ici.
Par contre, il est faux de dire que l'union de faire deviendrait exactement comme un mariage. Il n'y aura toujours pas de partage du patrimoine familial, ni de protection si l'un des conjoints meurt sans testament.
Ce que je trouve déplorable, c'est que les gens qui ont choisi en toute connaissance de cause de ne rien se devoir ne le pourront plus. Et ceux qui se croiront aussi protégés que s'ils étaient mariés déchanteront.
Bref, ça règle pas les problèmes!
Étant plutôt pro-Lola, je me dis que devant ce nouvel état de fait, « les gens qui ont choisi en toute connaissance de cause de ne rien se devoir » n'ont qu'à signer un contrat de renonciation, non ?
@Richard : Faudra voir. Il y a des obligations auxquelles on ne peut pas légalement renoncer. Et on s'entend que beaucoup de gens ne signent jamais de papier, se disant que s'il n'y a rien, ils ne se doivent rien. Le jugement les place dans une drôle de situation.
Quand le marchand ne te propose pas de garantie étendue, savais-tu que tu avais quand même une garantie, selon la loi ?
Et si cette même loi accepte les croyances religieuses avec tout ce que ça implique, j'exige (oui oui, exige !) qu'elle accepte et considère aussi les miennes : mon union libre en fait partie. Et moi et ma blonde, on ne croit pas davantage au bout de papier du palais de justice. Ce n'est donc pas juste religieux une croyance. En passant, j'ai deux filles (11 et 6 ans), et j'habite avec ma conjointe depuis 16 ans. Suis-je différent d'un couple marié ? Juste en raison de mes croyances, de mes choix ? Si oui, alors je dis "discrimination".
À mon sens, le fait que cette histoire implique des milliardaires à fait dériver le débat. Pour les gens ordinaires, le jugement est selon moi un pas en avant. La loi doit représenter une société, pas le contraire. Je ne vais pas aller me marier simplement pour me protéger les fesses. Je n'y crois pas. Me semble que ça, c'est un accommodement plutôt raisonnable, je ne vois pas en quoi ça dérange les autres.
PS. Quand un seul conjoint ne veut pas se marier, là, c'est autre chose, je suis bien d'accord avec toi.
@Richard "Étant plutôt pro-Lola, je me dis que devant ce nouvel état de fait, « les gens qui ont choisi en toute connaissance de cause de ne rien se devoir » n'ont qu'à signer un contrat de renonciation, non ? " tu ne trouves pas ironique de dire à quelqu'un qui ne veut pas se marier pour ne pas voir la loi jouer dans sa plate -bande et ne pas avoir de papier, de lui dire de passer chez le notaire se faire faire un papier ?
@Less : Si toi et ta blonde ne croyez pas au bout de papier du palais de justice, pourquoi croiriez-vous une loi qui dit désormais essentiellement la même chose? C'est à dire que si vous vous séparez, le plus pauvre de vous deux pourra réclamer une pension à l'autre pour ses propres besoins?
Enfin... Ayant toujours considéré le mariage comme un contrat légal comme un autre, je suppose que ma vision des choses est biaisée...
@Éléonore : On voit l'ironie à la même place ;)
@Less: Je ne vois honnêtement pas le rapport d'un contrat avec des croyances. Un contrat de marriage, c'est un contrat comme un autre: une entente entre deux parties. Ça stipule entre autre ce qui se passe lors d'une séparation. Si tu vois ce contrat comme une déclaration sentimentale, c'est autre chose.
On s'entend que quand il n'y a pas de contrat pour un couple, ça laisse tout de même un flou juridique: qu'est-ce qui se passe au juste au moment de la séparation?
Que la loi décide qu'il doit y avoir une pension alimentaire pour un conjoint s'il n'y a pas de contrat, je trouve ça un peu abusif. Un couple doit signer un contrat de renonciation, c'est quand même plus bizarre qu'un contrat de vie commune pour séparer les biens.
En tout cas, j'ai l'impression que des gens qui décident de s'unir (pour la vie ou bon pour un bon moment) ont plus tendance à essayer de se protéger l'un l'autre avec un contrat de vie commune que des gens qui s'unissent mais ne planifient pas trop auraient tendance à signer une entente de renonciation.
Que je sache, deux personnes qui forment un couple qui cohabite depuis un an, deviennent automatiquement conjoint de fait au bout d'un an. Je ne suis pas certain qu'au bout d'un an de cohabitation (ce qui est très court) un membre voudrait payer une pension alimentaire à l'autre advenant une séparation. Comme je disais, les gens qui planifient à long terme auront plus tendance à signer un contrat pour sceller une entente qu'un couple qui ne prévoit pas à long terme va signer un contrat de renonciation puis le faire changer plus tard s'ils décident de s'engager pour plus longtemps.
Et si tu ne va pas te marier pour te protéger les fesses, le bon move à faire c'est de faire un contrat de vie commune. Que ce soit un marriage ou non, ça change quoi?
Bref, pas d'accord avec toi. Si tu veux être safe, tu ne laisses pas ton cas dans un flou juridique ou à la merci du système judiciaire: tu prends action pour te protéger de façon claire.
Le fait de ne pas croire au mariage doit-il m'exclure de toute protection légale ? Un mariage juif vaut au mariage musulman, catholique, civil, mais aussi, maintenant, une union de fait. C'est ça que le jugement dit. Alors, oui, je crois en une telle loi d'égalité pour tous, au-delà des croyances.
@Less : Attention. Non, une union de fait ne vaut toujours pas un mariage (civil ou religieux).
Si tu décèdes sans avoir fait de testament et sans être marié, tes biens seront partagés entre tes enfants... et tes parents. Ta blonde devra négocier avec belle-maman pour avoir sa part. :S (Je sais pas ce que ça donne de ton bord, mais moi ça m'empêcherait de dormir la nuit).
Autre chose : le patrimoine familial n'est toujours pas séparé. Alors si l'un des membres du couple n'a pas son nom sur la maison, même s'il en a payé une partie, rien ne lui reviendra. Idem pour les meubles achetés par une seule personne. Pour l'auto, etc.
Tu vois, c'est ce que je disais au début : j'ai peur que ça donne un faux sentiment de protection.
Et là j'évoquerai pas les cas d'horreur. Les manipulateurs qui vivront aux crochets d'un conjoint de fait pendant des années et réclameront une pension le jour où l'exploité se décidera à les mettre dehors...
Oui, c'est vrai. De là "le pas en avant" de ma première intervention.
@Less : Je suis ambivalente tu vois. Parce que par "pas en avant", tu impliques que tu aimerais que du moment où un couple devient "conjoints de fait", tu voudrais que toutes les protections légales s'appliquent.
C'est bien beau pour un couple formé depuis 16 ans. Mais pour un couple qui n'a qu'un ou deux ans d'existence?
La ligne, on la trace où? Les protections légales, on les donne quand? Avec l'arrivée des enfants?
Mais alors, des conjoints de fait qui sont ensemble depuis 20 ans mais n'ont pas d'enfants? (Parce qu'ils ne peuvent pas où n'y croient pas) Ceux-là, on les protège pas?
C'est pas discriminatoire ça aussi?
Bref, j'ai peur qu'on vienne de créer plus de problème qu'on n'en règle. Tout ça, parce que le mot "mariage" a pendant tellement longtemps impliqué des valeurs douteuses qu'il y a énormément de gens qui ne croient plus en lui.
Or, ne pas croire au mariage civil, à mon sens c'est comme ne pas croire aux hypothèques ou aux testaments. Je comprends qu'on puisse le refuser à cause de ce qu'il a déjà représenté, mais j'ai peur des dérives que cela va engendrer.
On pourrait discuter une vie entière sans jamais s'entendre. Je dis seulement que les choix d'union de vie ne doivent pas être considérés différemment par la loi les uns des autres. Point final. Ce qui d'ailleurs, comme tu me l'as fait remarquer, n'est pas encore le cas. Maintenant, tu as tes croyances, j'ai les miennes...
Je suis d'accord avec toi sur un point fondamental, par-contre : Tant et aussi longtemps qu'une cour de justice ne rendra pas un jugement clair là-dessus, les possibilités d'abus sont bien réelles.
@Less : Les possibilités d'abus ou de dérive des nouvelles zones grises étaient en effet mon point principal.
Less dit : "À mon sens, le fait que cette histoire implique des milliardaires à fait dériver le débat."
Quant au mien, c'est justement ce fait qui m'empêche de me forger une opinion générale sur la question par rapport à cette histoire : je trouve que c'est cette indécence qui prend toute la place, ici, et je refuse de considérer ces faits comme un cas type propice au débat.
@Guillaume : Je te comprends, mais en même temps, c'est parce qu'ils avaient cet argent-là que Lola a pu faire les démarches qu'elle a faites et obtenir un jugement qui risque, à long terme, d'avoir un impact sur la vie de tous.
Prendre une bonne décision pour les mauvaises raisons, est-ce vraiment une bonne chose? Je me le demande.
@Guillaume Voisine: Je me pose la même question.
@Guillaume : On peut même argumenter sur le bon côté de la décision. Enfin, cette histoire-là n'est pas terminée.
Ça discute solide ici!
"T'avais juste à pas faire d'enfant avec un gars qui était pas prêt à t'épouser!", avez-vous écrit.
Pourquoi ne pas nuancer un peu? Les couples vivant en union libre ne finissent pas tous comme Éric et Lola tout de même.
Sachant que l'amour n'est pas nécessairement la seule et l'unique raison qui pousse les gens à faire vie commune, j'ai plutôt tendance à voir de bon oeil la décision de la Cour d'appel.
Allez donc proposer à un(e) dépendant(e) affectif(ve), par exemple, d'exiger le mariage ou le passage chez le notaire pour clarifier les détails post-rupture...
La loi ne peut ignorer l'existence de 34 % de couples québécois pour la simple et bonne raison qu'ils ont ignoré les prérogatives légales les protégeant.
Puisque la société a muté depuis l'adoption du Code actuellement en vigueur, la loi régissant la vie conjugale se doit de refléter cette mutation.
@Agasi : lol! Non, ça ne discute pas tellement en fait ;) Y'a eu des jours plus animés.
Je suis d'accord avec vous que la société a muté. Par contre, je trouve qu'on décide désormais d'assujettir tous les couples non mariés à des conditions qui ne leur conviennent pas nécessairement.
De plus, ce minimum de protection risque de décourager les gens de mettre le reste de leurs affaires en règle. Et ouvre la porte à d'autres problèmes.
Pour finir, le dépendant affectif, je suis désolée (et là je vais être méchante et brutale), mais peu importe la législation, il sera, par nature, la victime.
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