samedi 19 juin 2010

Mon texte chez l'Ermite

Mon texte, "Sang, cendre et poussière", qui s'est rendu dans le top 10 du concours des Milles mots de l'Ermite est présentement en vitrine sur le blogue de Richard. :) Si vous êtes intéressés à connaître un peu plus ma plume et ma façon de créer, je vous suggère donc deux choses :

Premièrement, allez lire le texte! ;) C'est ici. Ensuite, si ça vous intéresse, revenez et lisez ci-dessous mes explications sur la création de ce petit texte qui ressemble peu à mon style habituel et qui m'a demandé pas mal de réflexion.

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À lire après avoir lu le texte (sinon plaignez-vous pas si je vous vends le punch!)

Le sujet de "Sang, cendre et poussière" m'a été inspiré par la mythologie mésopotamienne après que j'aie fini de lire "L'épopée de Gilgamesh". En effet, les gens de cette époque étaient assez pessimistes (ou réalistes). Contrairement aux religions qui vont suivre, les Mésopotamiens croyaient que la vie sur terre était le meilleur moment de l'existence, car selon eux les morts s'en allaient vivre dans un monde stérile et mangeaient de la poussière. De là est née mon idée d'un monde stérile où les êtres vivants sont ceux qui sont morts dans notre monde et où on plante des graines qui pousseront dans le monde des vivants. Ajoutez une petite morale (chère aux historiens) voulant qu'on construit notre vie grâce à la mort de ceux qui nous ont précédés et vous voyez dans quelles eaux mon imaginaire nageait ;)

Quand cette idée m'est venue, je l'ai notée sans trop savoir ce que j'en ferais. Une nouvelle? Une novella? Un roman? Puis l'Ermite a lancé l'idée de son concours et j'ai décidé de voir si je serais capable de développer mon thème en 1000 mots.

J'ai écrit une première version avec un narrateur en "il". J'ai fait 800 mots et je me suis aperçue que j'arriverais trop long. En plus, j'expliquais trop, alors ça me plaisait pas. J'ai recommencé avec un narrateur en "je" et le texte au passé composé. Déjà, ça avait plus de style. J'ai fait une première version complète. 1200 mots. Ouille, encore trop long.

J'ai commencé à essayer de couper des mots sans couper de contenu. Je me suis retrouvée avec 1100 mots et un texte qui commençait à contenir beaucoup de phrases elliptiques. Presque télégraphiques. Je ne détestais pas cela. Mais il manquait encore quelque chose au texte. Pourtant, j'avais l'impression d'avoir essayé de choisir soigneusement tous les paramètres : idée, narrateur, longueur des phrases...

C'est alors que ça m'a frappée : je n'avais pas fait de travail conscient sur le temps de narration. Or, il existait un temps de verbe qui s'accorderait au style court et elliptique du texte : l'infinitif. J'ai donc repassé sur mon texte, me livrant à l'étrange exercice consistant à retirer le plus de verbes conjugés possibles. En même temps, j'éliminais des pronoms, ce qui m'aidait beaucoup à réduire le nombre de mots.

Le résultat final est donc chez l'Ermite :) J'en suis très fière, surtout à cause de la démarche de création qui l'a accompagné... et pour ceux qui s'inquièteraient : non, d'habitude, je ne réfléchis pas aussi longtemps que ça à un texte! hihihihi! Je ne pense pas qu'il faille nécessairement s'interroger aussi longtemps sur une nouvelle, mais, des fois, ça peut valoir la peine pour nous faire créer quelque chose de différent.

(Et ça permet aussi d'écrire un billet explicatif qui se révèle plus long que le texte lui-même!) :p

5 commentaires:

ClaudeL a dit…

Et l'as-tu envoyé ailleurs?
Au fond tu as écrit comme je parle en anglais: tout à l'infinitif! hihi!
Non sérieusement, très bien et on ne dirait pas que l'idée te vient de si loin dans le temps. Fait très 21e siècle, peu importe l'étiquette.

Et puis tu as le droit de nous expliquer tant que tu veux. Christiane Rochefort a déjà écrit un livre de son livre, ce qui était d'ailleurs plus intéressant que le roman lui-même.

Isabelle Lauzon a dit…

J'ai vraiment adoré ce texte, et je pense que tu pourrais te baser dessus pour bâtir quelque chose de plus long. Ton processus créatif est très intéressant, ça me donne envie d'expérimenter d'autres avenues moi aussi! :)

Gen a dit…

@ClaudeL : Non, c'était un texte uniquement pour le concours de l'Ermite. Et là ce n'est plus un inédit, alors il est plus très publiable. Un jour peut-être, quand je ferai un recueil de mes meilleurs nouvelles! lol! ;)

J'ai bien réactualiser des vieux mythes :) Tant mieux si ça sonnait pas trop poussiéreux! :)

lol! Ok, le livre sur le livre, c'est fort!

@Isa : Merci! Oui, peut-être qu'un jour j'essaierai de le développer davantage. On verra bien. :) Et je te recommande fortement l'expérimentation : c'est très stimulant et après ça écrire "normalement" devient très facile.

Pat a dit…

(ai demandé la permission à Gen avant de laisser ce commentaire. ne me lapidez pas ;))

Il s'agit, comme je l'ai déjà dit à l'auteur concernée, du texte le plus savoureux que j'ai lu chez M.l'Ermite dans le cadre de ce concours.

Mais il y a un tout petit quelque chose qui me fait sourciller à la fin de ce récit.

La réplique qui introduit la finale me semble un tantinet «forcée». Celle où le copain de Danielle l'accueille à son retour parmi le monde des vivants.

Il lui dit: «J'ai eu si peur de te perdre! Je n'aurais même pas su tes dernières volontés...»

À mon oreille, ça accroche. Je comprends les restrictions d'une formule aussi courte et la nécessité, pour la finale, de faire dire au personnage «Oh que non! Moi je veux pas retourner là! Brûlez-moi. Pour que je ne renaisse pas de l'autre côté.»

Mais pourquoi la réplique du conjoint me paraît forcée? Exagérons un peu ses propos pour illustrer mon point de vue.

Ma blonde sort du comas. J'étais très inquiet pour elle, je me sens probablement coupable à cause de l'accident, je suis très ému de la voir s'en sortir. Qu'est-ce que je lui dis?

«J'ai eu si peur! Je n'aurais vraiment pas su quoi faire avec ta dépouille...»

Ce ne sont pas, à mon avis, les mots qui me viendraient spontanément à l'esprit au réveil de ma copine.

Voilà pourquoi, momentanément, je sors du récit et, pendant une fraction de seconde, il me semble apercevoir l'auteur qui tire une petite ficelle.

Je dis momentanément parce que cette toute petite faille n'enlève rien, ni au texte ni à la finale. Finale que je trouve d'ailleurs très puissante: je préfère le néant. Je préfère être cendre qu'être consciente. Je préfère m'éteindre à jamais que renaître dans cette misère.

Moi qui ai peur de la mort, ça donne de quoi à réfléchir ;)

Alors voilà, c'était mon petit grain de sel. Je crois qu'il est tout de même nécessaire de répéter à nouveau comment j'adore ce texte. Le travail sur la narration... wow! Les mots, les images...

Et je suis le seul à avoir remarqué la sonorité bien particulière de la dernière phrase? champ des vivants/sang des morts? Même si c'est involontaire, je trouve ça très habile.

Gen a dit…

@Patrice : Très bon commentaire! :) lol! C'est vrai que ça donne un drôle de copain celui qui dit "Hé, une chance que t'es pas morte, j'aurais pas su quoi faire du corps!" lolol!

À l'origine, ce dialogue était beaucoup plus long. Mais comme il a fallu couper, couper, couper... C'est vrai que là ça accroche. Si un jour je réutilise ce texte, j'essaierai de retravailler la fin.

Et la sonorité de la dernière phrase était pas totalement involontaire ;)