À chaque fois que je relis Dojôji de Yukio Mishima (et surtout la nouvelle Les sept ponts), j'ai l'impression de recevoir une taloche donnée à un élève maladroit par un maître impatient. Après avoir lu ça, comment est-ce que je peux penser que ce que j'écris, ce sont des nouvelles valables?!?
Mishima est connu pour ses romans (très revendicateurs sur les plans de la culture guerrière et de l'homosexualité), mais je trouve que l'apogée de son art reste dans ses nouvelles. En fait, je dirais que tout ce que j'ai lu des auteurs japonais montre une maîtrise de la forme courte que l'on retrouve peu chez les Occidentaux. Ils arrivent à en raconter beaucoup en très peu de mot, principalement parce qu'ils usent souvent, et avec brio, de l'un des narrateurs les plus délicats et difficiles de la littérature : le narrateur absent.
Les nouvellistes et une bonne partie des romanciers japonais donnent l'impression qu'ils n'écrivent pas, mais qu'ils peignent simplement des tableaux. Ils nous décrivent les gestes des personnages, les éléments du décor, rapportent les paroles... et nous laissent faire les liens, deviner les implications, les pensées, les motivations. On termine donc notre lecture en ne sachant pas trop ce qu'on doit penser des actions qui se sont déroulées, en prenant arbitrairement parti pour l'un ou l'autre des personnages... comme si la scène s'était réellement passée sous nos yeux, quoi!
Certains lecteurs n'aiment pas ce genre de récit, mais moi je dois dire que j'adore. J'espère bien arriver à écrire un truc du genre un de ces jours...
Et vous, le narrateur absent, il vous plaît? vous déplaît? vous fascine? vous décourage?
6 commentaires:
Haruki Murakami utilise une forme de narrateur absent dans After Dark (désolé, je ne me souviens pas du titre de la version française).
Ça donne une impression de légereté. Malgré la profusion de détails, ça donne l'effet qu'on effleure l'histoire.
Ce genre d'écriture est souvent très fluide.
Personnellement, j'aime bien.
Moi aussi je reçois souvent des taloches derrière la tête en lisant :)
@Pat : (Je peux pas t'aider pour le titre, je pense pas avoir lu ce Murakami-là).
Mais effectivement, on dirait que ces écritures-là sont toujours légères, effleurées. Je n'ai pas trouvé l'équivalent avec des écrivains occidentaux.
... et j'ai pas réussi à écrire comme ça non plus.
Narrateur absent...Jamais lu..ou j'ai lu et je ne savais pas que c'était un narrateut absent.
As-tu des titres à me proposer. (littérature québécoise serait encore mieux) ?
J'aimerais bien observer les propos que tu relates dans ce billet.
@Pierre : Dojôji de Mishima est en vente dans la collection Folio 3 Euro, si tu veux voir de quoi ça a l'air.
En gros, le narrateur absent, c'est celui qui ne fait que décrire, sans jamais entrer dans la tête des personnages. C'est très spécial comme écriture et, justement, on en voit très peu en littérature québécoise. En tout cas, aucun titre ne me vient à l'esprit... peut-être que si quelqu'un me lit et en connaît, vous pouvez en proposer?
Si tu veux lire de quoi ça a l'air, je t'envoie un essai que j'ai fait.
Merci de me faire parvenir cet essai.
Tu l'as pas reçu?
Enregistrer un commentaire