mercredi 2 juin 2010

La voix du couteau : on adore ou on déteste

Je viens de finir "La voix du couteau" de Patrick Ness, une recommandation de mon éditeur. L'écriture, m'avait-il dit, y est très particulière. Ouille, particulière en effet. C'est une véritable esplozion de termes approzimatifs qui donnent l'impression que le personnage a pas reçu une ben grosse éducassion.

Non, la phrase précédente n'est pas une erreur, ni une exagération. Le livre tout entier est écrit comme ça. Dès qu'un mot est un tantinet compliqué, l'orthographe en est tordue. Cela nous permet vraiment d'entrer en raisonnance avec le personnage principal... mais ça peut aussi taper sur les nerfs. Personnellement, je suis passée par-dessus et, au bout d'un temps, ça a participé à la couleur du récit. Mon chum a abandonné sa lecture au quart du bouquin et m'a demandé de lui raconter le reste.

Le reste... c'est un peu ici que le bât blesse en fait. Au plan des personnages, c'est pas si mal. Le personnage principal est un jeune adolescent solitaire et tourmenté, qui s'exprime avec une certaine violence, mais qui, au moment crucial, révèle un coeur tendre, et même trop tendre pour son propre bien. Il est apparié avec une jeune fille dégourdie et allumée, assez classique. Les interractions entre les deux sont intéressantes et réalistes, mais pas très originales. En fait, l'aspect de la psychologie des personnages qui sort le plus de l'ordinaire est probablement l'espèce de vénération mystique que le personnage principal voue à son couteau (une version à longue lame crantée façon Rambo). Cela dit, comme Vincent me l'a souligné, c'est un peu malsain comme concept...

L'intrigue du roman quant à elle est une longue fuite en avant, ponctuée de révélations plus ou moins surprenantes. Au début, il n'est pas supposé y avoir de femme sur la planète où se déroule le récit, puisqu'elles ont supposément toutes été tuées par une épidémie. Et puis on rencontre la jeune fille. Qui ne tombe pas malade et ne meurt pas. Puis on découvre...

Encore autre chose. Couche par couche, le mystère qui entourait l'histoire de la planète et de ses coutumes nous est dévoilé. C'est triste car, au bout du compte, il me semble que ce qu'on découvre en dessous est banal. Cruellement et violemment banal.

Cela dit, c'est un roman destiné aux adolescents. Étant moins blasés que moi, peut-être vont-ils en tomber sur le derrière et avoir envie de lire la suite de la série. Pour ma part, je m'arrête ici.

Addendum
Ma critique ayant l'air surtout négative, je précise : la majeure partie du bouquin m'a tenue en haleine. La fuite en avant est fort intéressante, ainsi que le mélange des genres. Ce n'est qu'une fois le bouquin refermé et analysé que ça se gâte un peu. Je ne le relirais pas, mais le lire fut très agréable.

15 commentaires:

Vincent a dit…

Pour ma part, j'ai détesté. Le texte est trop douloureux à lire. Quand c'est un effort de lire chaque ligne phonétiquement parce que les mots sont tordus à chaque phrase, je décroche. De plus, pour ce que j'en ai lu, le début de l'histoire avec l'ado tourmenté par les méchants adultes, c'est pas très intéressant. Je déteste les histoires de martyres qui sont si malheureux et si à plaindre... *beurk* J'ai décroché lorsque le personnage principale met la main sur son couteau et qu'aux deux désagréments précédents s'ajoute la vénération fétichiste du fameux couteau. Insipide...

Pat a dit…

J'ai l'impression que de rédiger un roman avec un narrateur ayant une ''voix'' très particulière, c'est un pari risqué.

Plus souvent qu'autrement, on s'aliène le lecteur. On rend la lecture plus lourde. Difficile.

J'aurais probablement réagi comme toi, Vincent

Gen a dit…

@Pat : Je pense que c'est surtout un problème quand la voix s'exprime seulement de temps à autre. Si c'est constant ou limité aux dialogues, on suit. Mais quand tout est écrit dans un français correct, sauf un mot sur 10, ça nous sort du texte à chaque fois et on se rappelle qu'on lit.

Pierre a dit…

Pour avoir les deux côtés de la médaille...

J'ai beaucoup aimé ce livre. J'ai trouvé que c'était un habile et original mélange de fantastique, de science-fiction, d'aventure... L'écriture est originale, intelligente, complexe et maîtrisée (en tout cas dans sa version française... le traducteur a fait du bon travail). À mon avis. Écriture déroutante dans les quelques premières pages, et on se demande alors pourquoi le livre a remporté des prix majeurs en Grande-Bretagne. Mais après l'avoir complété, je ne me posais plus la question.

J'ai quand même bien failli laisser tomber après 10 pages, mais je suis content d'avoir continué, et j'ai hâte de lire la suite...

Si on me soummet un manuscrit comme celui-là, j'offre 20% de droits à l'auteur au lieu du 10 habituel :-)

Bon, c'est quand même un livre pour adolescents, mais je ne peux être blasé, sinon je risque de laisser passer des occasions de publier de beaux succès.

Vincent a dit…

Il me semble qu'un bon compromis aurait été de massacrer ses phrases de dialogue sans pour autant massacrer son monologue intérieur. Ça nous aurait permis de comprendre que son niveau d'éducation est très bas, et le ressentir, sans pour autant nous rendre la lecture si pénible.

Gen a dit…

@Pierre : Tu sais que j'ai ta parole à l'écrit à propos du 20% là? ;P

Sans farce, effectivement, le mélange des genres est très bien réussi. Et je me suis habituée à l'écriture. Et même les mystères, ils m'ont tenue en haleine tout le long... J'ai juste été un peu déçue de leur résolution. J'ai trouvé qu'on abandonnait soudain beaucoup du côté fantastique.

Mais en effet, je peux me permettre d'être plus blasée que toi ;)

Pierre a dit…

Pas de problème pour le 20%. Ça va être dans ton contrat... à partir de 200,000 exemplaires vendus. Ça te va? :-)

Moi aussi je me suis habitué à l'écriture et je ne voyais presque plus les erreurs. Un peu comme ce texte qui circulait et dans lequel il n'y avait pas de voyelles (ou il en manquait beaucoup, je ne me souviens plus) et qu'on arrive à lire sans trop de difficulté.

Gen a dit…

@Pierre : Ah, me semblait aussi ;)

Pierre a dit…

@Vincent: Est-ce que ça aurait été cohérent? Il me semble qu'il est plus important de "parler" partout pareil, mais sans exagérer, que de trop changer de niveau d'un endroit à l'autre.

Je n'ai aucune théorie littéraire, vraiment, alors ce que je vais dire n'a peut-être pas de sens... Quand j'écris un texte dans lequel un enfant est le narrateur, je ne m'attarde pas à toujours le faire parler comme un enfant. Je veux transmettre sa pensée, ses émotions, qui sont, et que je veux, beaucoup plus évoluées que son langage. Mais de temps à autre, il redevient enfant dans son parlé, ses agissements et sa pensée. Juste pour qu'on n'oublie pas qui raconte. Le problème est de bien doser tout ça pour que ça coule bien, sans que le lecteur soit agacé, décroche, ni croit plus. Dans ton cas, le dosage de Patrick Ness n'était pas le bon. Dans mon cas, il a réussi. C'est vraiment personnel. Il semble avoir réussi à bien doser pour plaire à une majorité.

Gen a dit…

@Pierre : Ça fait du sens ;) C'est vrai que c'est toujours une question de dosage.

En fait, c'est de ce même dosage dont parle Vincent je pense : en faisant sentir le faible niveau d'éducation seulement dans les dialogues, on aurait compris que le personnage pensait plus clairement qu'il ne parle... sauf que dans ce cas-ci, je ne suis pas sûre que ça aurait été vrai. Le personnage, et c'est là l'intérêt du roman, est limité dans sa réflexion par son éducation, de là les fautes même dans son monologue intérieur.

Enfin, comme tu dis, le dosage fut parfait pour une majorité de gens, alors tant pis pour Vincent (il est difficile de toute façon! hihihihi).

Vincent a dit…

Selon moi, ça aurait pû être cohérent même si uniquement les dialogues étaient altérés. À condition que le personnage ne se lance pas dans des réflexions profondes et qu'il n'utilise pas un vocabulaire recherché dans ses pensées.

Après tout, personne ne pense à l'écrit. Le monologue intérieur est une audition imaginée (en tout cas, pour ma part). On ne fait pas de faute d'ortographe en discutant. On peut mal structurer sa pensée, voire ses phrases, mais pas son ortographe.

Il y a quand même une marge entre un niveau de langage réflété par le vocabulaire (populaire, familier, recherché, etc) et mettre des fautes d'ortographe partout dans le texte pour faire sentir le niveau d'éducation du personnage.

Personnellement, je trouve ça pénible et à la limite facile pour l'auteur. Plutôt que de se limiter à un vocabulaire populaire pour exprimer les pensées du personnage, il démolit son texte.

Remarque, ça m'a l'air doublement plus facile pour l'auteur:
1- Il ne prend pas la peine de faire une recherche hyper-poussée sur le niveau de langage et la profondeur des idées puisque la pauvre qualité de l'écrit le démontre déjà.
2- S'il échappe des coquilles dans son texte, inutile de les corriger: ça se perd dans les fautes préméditées. :)

Et oui, je sais que je suis difficile. :)

Cependant, le texte lui-même n'était qu'un des trois points qui m'offensaient. Si le problème n'avait été que le texte, j'aurais probablement passé au travers du bouquin.

Cela dit, je ne suis pas un expert en littérature non plus... :)

Pierre a dit…

En fait ce ne sont pas des fautes d'orthographe, mais de prononciation. Et tu as raison, ce n'était pas nécessaire, mais il me semble qu'il n'y en avait pas tant que ça (ça fait un petit bout que j'ai lu le livre).

Mais comme tu dis, ce n'est pas pour, ou à cause de ça, qu'on aime ou pas le texte.

Gen a dit…

@Pierre : Il y en avait une à toutes les 4 ou 5 phrases je dirais. Je pense que ce qui m'a aidé à ne plus les remarquer à la longue, c'est mon expérience de prof de français! hihihihi

Toi je pense que les manuscrits de qualité variable doivent aussi t'avoir appris à ignorer l'orthografe pour te concentrer sur les idées ;)

Pierre a dit…

Je suis pas bon en orthographe de toute façon. Ça doit être pour ça que j'ai aimé le livre :-)

Gen a dit…

lol! Ça me fait toujours rire d'entendre quelqu'un qui oeuvre dans le milieu du livre dire ça... surtout que tu fais pas tellement de faute :)