Ce blogue a un an aujourd'hui. En le commençant, je m'étais donné pour défi de publier un billet par jour de la semaine, pendant un an. Ensuite, m'étais-je dit, j'aviserai. Objectif atteint et dépassé! (J'ai parfois fait des billets la fin de semaine). Pour souligner ça, je vous offre un petit texte original. Demain, je vous raconterai sa genèse.
Oh et oubliez pas que je suis toujours à l'atelier littéraire au Saguenay, donc il est fort possible que je ne réponde pas aux commentaires élogieux que vous allez me laisser ;)
Addendum
Et ça risque d'être parce que je suis morte d'ennui ou de chagrin. Vincent me manque tellement que je suis toujours sur le bord d'éclater en sanglots. Je me retiens, mais c'est limite. J'ai hâte d'être revenue.
--------------------------------------------
La malédiction de l’éditeur
Marcel aurait dû lire le manuscrit depuis des jours. La baisse de ses activités n’a cependant pas changé ses vieilles habitudes. Les auteurs qui insistent pour le rencontrer l’ennuient, alors il se prépare toujours à la dernière minute pour les entrevues. Il aimerait les refuser systématiquement, mais sa maison d’édition périclite. Les auteurs le fuient. Il a besoin de redorer sa réputation. L’écrivain d’aujourd’hui lui a juré qu’il avait un moyen d’y parvenir.
Sceptique, Marcel se verse un café, puis il s’attaque à la lecture du manuscrit. Par habitude, il commence par le feuilleter rapidement, son regard aiguisé parcourant les pages à la recherche du mot honni. Si jamais il le rencontre, le manuscrit prendra le chemin de la corbeille au mépris des promesses de l’auteur.
Il s’arrête au milieu d’une page, réalisant ce qu’il est en train de faire. Une bouffée d’angoisse lui serre la poitrine. Il a recommencé, malgré tout ce qui lui arrive ! Par automatisme, il s’est encore empressé de s’assurer que le récit ne contient pas ce mot…
Marcel se renverse dans son fauteuil le temps de se calmer, puis il se remet au travail. Cette fois, il commence sa lecture à la première page, comme un lecteur bien élevé.
Trois feuillets lui suffisent à se faire une idée du style d’écriture. Pas mauvais, mais pas de quoi rebaptiser le Goncourt. L’intrigue prend quelques chapitres à se préciser. Ce sera une histoire psychologique, plutôt amusante, mais pas très originale, avec des relents du Haute fidélité de Nick Hornby. Le personnage principal est un salaud et un raté. Il enchaîne les copines névrosées. Il espère chaque matin qu’il gagnera le gros lot à la loterie…
L’éditeur consulte l’horloge. Il ne lui reste que quelques minutes avant l’entrevue. Il saute plusieurs chapitres et atterrit au milieu d’une scène où le personnage principal se fait salement corriger par une fille qu’il a insultée. À l’hôpital, il avoue à l’infirmière qu’il est un taré et qu’il ne sait pas par où commencer pour remettre sa vie sur les rails. Qu’il n’a fait, jusque là, qu’attendre que la fortune tombe du ciel. L’infirmière trouve sa franchise touchante…
Un coup de sonnette interrompt l’éditeur dans sa lecture. Il se lève et va ouvrir. Derrière le battant, il découvre un grand type mince, en jeans élimés et chemise tapageuse. Le nouveau venu a le teint blême de celui qui ne fréquente que les bibliothèques et les écrans d’ordinateur. Pas de doute, c’est l’écrivain.
Marcel lui tend la main, en combattant le réflexe qui lui fait fixer les oreilles de son visiteur. Petites et rondes, celles-ci n’ont rien de remarquable.
- Monsieur Quinère, je présume ?
- Appelez-moi Paul, répond l’autre avec un sourire large et une poignée de main solide qui évoquent à Marcel un vendeur de voiture usagées.
- Dans ce cas là, appelez-moi Marcel ! dit l’éditeur en indiquant un siège à son visiteur.
Les deux hommes s’assoient de part et d’autre de la table de travail de l’éditeur. L’ouvrage de Paul Quinère y trône bien en vue.
- Alors ? fait ce dernier au bout d’une seconde de silence. Allez-vous me publier ?
Marcel est un peu surpris. D’ordinaire, les auteurs veulent savoir comment il a trouvé leur récit. Un seul autre lui a demandé d’entrée de jeu s’il allait le publier… Il se secoue pour chasser ce mauvais souvenir. Paul est normal, lui.
- Paul, commence Marcel, je présume que vous êtes au courant des difficultés présentes de ma maison d’édition…
- Difficultés ? s’étonne l’autre. Vous aimez les euphémismes, vous. Dans le milieu, tout le monde sait que vous êtes maudit !
- Une telle affirmation…
- Écoutez, Xang s’est pendu, Yberville a eu une crise cardiaque et Zara s’est fait frapper par un train. Trois décès d’écrivain en un an, c’est déjà étonnant pour une seule maison d’édition, mais quand, en plus, les morts connaissent la même fin que leur personnage principal, ça ne peut plus être une coïncidence.
- Oh, vous, les écrivains, décidément, vous avez trop d’imagination. Je pourrais simplement les avoir tués moi-même, non ? Ça ne vous a pas traversé l’esprit ?
- Si, mais les policiers ont enquêté et ne vous ont pas accusé. Donc… reste la malédiction. D’ailleurs, on murmure partout que vous avez couru après. À ne jamais vouloir publier une histoire parlant d’elfe…
Le mot seul fait sursauter l’éditeur, qui grimace de dégoût.
- À refuser tous les manuscrits qui parlaient d’eux, Marcel, vous avez fini par les offenser et ils se sont vengé.
Tendant de ne pas laisser voir son trouble, Marcel écarte d’un geste les explications de Paul. Il transpire abondamment malgré la fenêtre ouverte. Il se rappelle sa surprise ce jour-là lorsque le visiteur éconduit avait enlevé son béret. Les longues oreilles cireuses hantent encore ses cauchemars…
- Si vous croyez vraiment à cette malédiction, pourquoi voulez-vous publier chez moi, hein ? se défend Marcel.
- Parce que vous êtes mal pris, dit Paul, et que vous êtes donc le seul éditeur à ne pas pouvoir faire la fine bouche. Vous allez me publier, n’est-ce pas ?
- Je…
Marcel réfléchit un instant.
- Bon, je vais être honnête avec vous. Normalement, non, je ne vous publierais pas. Votre histoire, c’est du déjà vu. Cependant, dans les circonstances…
Le visage de l’écrivain s’illumine. Il sait ce qui va suivre.
- Dans les circonstances, d’accord, Paul, poursuit Marcel. Je vais vous publier. Mais… enfin, vous savez que vous prenez un risque statistique, n’est-ce pas ?
À ces mots, Paul éclate de rire.
- Ah, alors c’est vrai que vous lisez rarement les manuscrits jusqu’à la fin ?
Marcel se renfrogne.
- Pourquoi cela vous amuse-t-il ?
L’écrivain répond en affichant à nouveau son sourire de vendeur.
- Grâce à moi, vous allez transformer votre malédiction en occasion d’affaires.
Devant cette affirmation, l’éditeur lève un sourcil incrédule.
- À la dernière page, Marcel, mon personnage gagne le gros lot.
15 commentaires:
Bonneu fêteu, blogueu ! Bonneu fêteu, blogueu !
Longue vie !
Bonne fête à la plume! Bonne fête au poing!
Merchi merchi! :) (dit la plume un peu en panne ce matin)
Belle petite nouvelle, j'ai pris plaisir à la lire. C'est tellement amusant de pouvoir, contrairement à notre vie quotidienne, prévoir la fin. Et la faire heureuse.
Longue vie au blogue.
Et puis au moins, les billets de nos blogues, nous pouvons les écrire et les publier selon nos volontés, pas besoin d'attendre un éditeur.
@ClaudeL : J'aimais bien l'idée d'un livre qui finirait bien (puisque j'ai tendance à écrire des histoires qui finissent mal) et qui se réaliserait :)
Ça donne envie de lire le prologue: pkoi il ne voulait pas publier de texte avec des elfes? D'où sort cet elfe vengeur à bérêt?
Bonne fête,
Bonne fête!
Whhhéééé
Boooonnnnee fêêête P&P!
S'cusez là =;o)
@Vince : Ta réponse vaut la mienne.
@Luc : T'es pardonné ;)
Bonne fête La P et le P. Ohé, ohé ohé, ohé ohééééééé, ohé ohé !!!!! :)
@Pierre : :)
Bonne fête à la plume et au poing. Un an de billets quotidiens, ça mérite des fleurs.
Longue vie :)
Bonne Fête!
@Karune et Kevin : Merci! C'est reparti pour une autre année... mais je promets pas de maintenir la cadence!!!
Bonne fête au blogue et j'ai bien aimé ta nouvelle. C'est vrai que cela serait vraiment bien de pouvoir prévoir la fin de toute chose.
@Isa : Mets-en! :) Quoiqu'il faudrait penser aux conséquences à longs termes... ou écrire des suites! hihihihi
Enregistrer un commentaire