mercredi 31 mars 2010

L'art d'écrire des récits historiques (1) le plan

Une amie blogueuse écrivait l'autre jour qu'elle avait abandonné un projet de roman historique parce qu'elle s'était découragée devant l'effort que chaque phrase lui demandait. En effet, disait-elle, il est plus que compliqué de savoir combien se payait le beurre à Londres en 1900!

Étant donné que je me suis déjà heurtée à ce genre de problème, ça m'a donné l'idée d'écrire un petit guide sur l'art d'écrire des récits historiques, issu de mes tâtonnements. Cela dit, je vous préviens tout de suite : je n'ai "que" une maîtrise en histoire (dans un milieu où les doctorats sont courants) et je n'ai encore publié aucun de mes projets à saveur historique (cela dit, mon chantier le plus sérieux en est un). Je ne parle cependant pas tout à fait à travers mon chapeau : la moindre dissertation que j'ai eu à remettre durant mes études soulevait des problèmes très semblables à ceux qu'un auteur de fictions historiques va rencontrer. Comme tout étudiant, j'ai développé quelques stratégies pour les contrer, stratégies qui me servent à présent en tant qu'écrivaine.

Ces stratégies, ma méthode, je précise encore, se résument de la façon suivante : l'importance du plan, la recherche bien dosée et le recours au flou artistique.

L'importance du plan

Oui, je sais, beaucoup travaillent sans plan. Bravo! Je ne sais pas comment vous faites, mais je vous admire. Cela dit, je n'arrive même pas à concevoir comment écrire un ouvrage à saveur historique sans plan. Il faut dire que, pour un historien, le plan de travail est quelque chose de complexe à établir, mais de très important, car il permet d'aborder un sujet le plus scientifiquement possible, en considérant toutes ses facettes. En fait, pendant mes études, il m'arrivait de devoir faire des recherches avant même de pouvoir déterminer mon sujet et mon plan.

Dans mes expériences d'écrivaine, j'ai désormais l'avantage de savoir de quoi je veux parler, au moins en gros, avant même de commencer. Donc, je ne me prive pas de cet avantage et, avant d'écrire une histoire située dans le passé, je commence par en faire le plan. Je pourrai en déroger plus tard, mais cela me permet de savoir tout de suite les grands éléments sur lesquels je vais devoir me documenter.

Par exemple, si mes personnages doivent tenter de démasquer des politiciens véreux dans le Paris du 19e siècle, cela signifie que je dois apprendre comment fonctionnait le système politique de la France de l'époque et de quoi avait l'air la ville. Je voudrai peut-être également apprendre quelles étaient les lois en vigueur par rapport à la corruption, les conditions de détention dans les prisons, les châtiments les plus fréquents...

Bref, je me fais une liste et, une fois que j'ai une bonne idée des éléments sur lesquels je dois m'informer, c'est le moment de commencer la recherche... plus de détails là-dessus dans un prochain billet.

11 commentaires:

Karuna a dit…

J'admire les auteurs de romans historiques. Ils ont un mérite supplémentaire. J'attends la suite.

Gen a dit…

Ce sont les romans historiques qui m'ont orientée dans mon choix d'étude je dois dire. Je voulais pouvoir faire pareil. :)

Elisabeth a dit…

J'ai une grande amie, Mylène Gilbert-Dumas, qui serait tellement contente de te lire. Elle se tue à me chanter les louanges des plans et sa méthode de travail ressemble énormément à la tienne. Il faut dire qu'elle aussi fait du roman historique ;)

Gen a dit…

@Elisabeth : Dans mon cas, comme c'est l'histoire qui m'a ramenée à l'écriture, plan et méthode de travail rigoureuses se sont imposées. Avant mes études en histoire, j'écrivais plus au fil de la plume... Ça ne me réussissais pas. J'oubliais où je voulais aller, les projets prenaient une ampleur qui me dépassait, etc.

Chacun sa méthode je pense. Je partage la mienne parce que j'aime lire celle des autres, mais l'important c'est d'écrire :)

Gen a dit…

Mon chum remarque que je me dis "écrivaine" pour la première fois.

J'ai pas de mérite : Élisabeth Vonarburg arrête pas de répéter que l'écrivain, c'est celui qui écrit.

Comme j'écris à tous les jours maintenant, je pense que je commence à mériter le titre...

Vincent a dit…

Bien sûr que tu mérites le titre! Ça se voit à tes bouts de doigts où se trouvent imprimées les lettres des touches de ton clavier! :)

ClaudeL a dit…

J'aurais aimé t'avoir il y a 5-6- ans. Je t'aurais inondé de questions. Fiou, tu t'en es sauvée!
Avant même de faire un plan, j'ai lu tout ce que j'ai pu trouver sur la période qui concernait mon idée de roman. J'ai d'abord répertorié les livres: essais et romans. Il n'y en avait pas tellement en français. Et après seulement j'ai établi une sorte de plan. En fait c'Était simple: dates importantes, telles naissances, mariages, décès, arrivée à Montréal, les principaux lieux et faits principaux. Je savais que j'allais raconter mon histoire de manière chronologique.
Un an de recherches avant de commencer à écrire. Des pages et des pages de notes manuscrites. Et une boîte complète de feuilles imprimées à partir de sites ou de courriels échangés. Pendant la période de recherche et même tout au long, c'est bien de trouver des personnes ressources, surtout quand on n'a pas de doctorat, ni même de maîtrise (!!!) en histoire.
Le plus difficile c'est quand on s'obstine à chercher quelque chose (genre le bateau dans lequel nos héros -- de vraies personnes dans mon cas-- ont traversé l'Atlantique)et qu'on ne trouve pas. C'est après que j'aie renoncé à trouver que la véritable écriture a commencé.
Je raconterai en détails un jour...

ClaudeL a dit…

J'avais bien essayé d'obtenir l'aide de Micheline Dumont après la parution de cet article: http://www.usherbrooke.ca/histoire/personnel/prof_emerites/dumont_article.html

mais elle ne m'a jamais répondu.

Gen a dit…

@ClaudeL : Je vais parler de la recherche demain justement. Faire la recherche avant le plan, c'est parfait pour un chercheur, mais je sais pas si c'est une bonne idée pour l'écrivain... À moins de ne rien connaître du tout de l'époque visée, c'est dangereux de tomber dans le rapport de recherche au lieu de construite une histoire trépidante, non?

Pour ce qui est des personnes ressources... Ben les professeurs sont souvent débordés d'ouvrage (cours, recherches personnelles, étudiants de cycle supérieur à diriger), alors c'est rare qu'ils accordent du temps à un non membre de la communauté historienne... C'est d'ailleurs pour ça que je chéris mon titre de "Membre de la Société des Études Anciennes du Québec". ;)

Cela dit, en cas de question, je me tourne plutôt vers mes amis (qui ont spécialisé leur bac ou maîtrise dans divers champs) que vers des profs-experts.

Si tu veux des historiens qui seront sans doute prêts à t'accorder du temps, c'est plutôt dans les bulletins annuels des départements d'histoire que tu devrais regarder : trouve un étudiant qui vient de compléter une maîtrise sur un sujet proche du tien et essaie d'entrer en communication avec lui via l'université.

Le mieux, c'est d'avoir écrit ton roman (ou un plan détaillé), puis de lui demander de le regarder et de te soulever les éléments anachroniques ou incohérents.

ClaudeL a dit…

Il faut dire que dans mon cas, le plan était tout tracé: raconter chronologiquement l'arrivée de mes ancêtres.
Je sais aujourd'hui qu'un plan, c'est plus que cela. Je te laisse le plaisir d'en parler.

Une petite comique, toi: "c'est plutôt dans les bulletins annuels des départements d'histoire que tu devrais regarder " tout le monde a accès à ces bulletins, comme chacun sait !!!!!!!!!!!!!

Et puis pas certaine que dans le plan, l'auteur a déjà noté que la madame va prendre un tramway à Montréal en 18XX, qu'elle portera telle sorte de robe. Mon étudiant, c'est en cours d'écriture ou lors de la première lecture qu'il me le faudrait.

Gen a dit…

Heu, ben ouais, les bulletins sont disponibles en .pdf sur les sites des facultés (en tout cas, à l'Uqam, ils le sont).

En effet, c'est sûr que si tu réussis à te trouver un "expert", tu le veux sur ton comité pour la première lecture. Mais déjà, au niveau du plan, dépendamment de son niveau de détail, il pourrait te souligner les impossibilités (du genre : ils arrivent en train... heu non, pas de train à l'époque, etc)

Pour ce qui est de ce qu'est un plan... Ben là ça dépend du projet. Pour mon roman en cours, j'ai un plan chapitre par chapitre, assez détaillé, en plus de descriptions de personnage. Pour une nouvelle, c'est souvent une liste "bullet point"