mardi 4 novembre 2025

Journal extime

J'ai fait trois découvertes ces derniers jours. 

Premièrement, j'ai appris que ce blogue (oui, oui, celui que vous lisez) avait été étudié dans une perspective sociolittéraire tout à fait académique et sérieuse! (Je sais pas si je dois être surprise, flattée ou gênée.) Les résultats sont ici, disponibles gratuitement en pdf si ça vous tente

Deuxièmement, j'ai découvert dans cet article un nouveau terme : "journal extime". C'est-à-dire un journal qui a conscience d'exposer la vie privée aux regards et qui tente donc de la rendre amusante et divertissante. J'aime toujours quand j'apprends les mots pour désigner ce que je faisais "à l'instinct"! Hihihihi!

C'est très juste comme terme, parce qu'en effet, c'est pas mal ce que j'ai toujours essayé de faire avec le blogue : raconter ma vie privée, en restant consciente que je l'exposais. Au départ, c'était plutôt sous l'angle de l'exercice d'écriture : je me disais que si j'arrivais à tirer quelque chose d'intéressant de ma routine plate d'employée de bureau banlieusarde qui tentait d'écrire dans ses temps libres, je venais de m'équiper pour être capable de trouver un angle d'attaque pour n'importe quel sujet! (Et puis, lors des journées grises, être capable de trouver de quoi rire de ma vie, de mes doutes et de mes difficultés, ben ça m'aidait moi-même à dédramatiser!)

Le blogue était aussi une manière d'entrer en contact avec une communauté, de socialiser sans quitter ma maison (et l'autrice de l'article l'a très bien vu!). J'aime parler avec les gens (au cas où vous le sauriez pas déjà), j'aime découvrir la vie des autres, leurs manières de penser, leurs opinions... J'aime les débats, les vrais, ceux où on part de faits avérés pour exposer les divers points de vue, en écoutant l'autre, en essayant de se mettre à sa place, sans essayer de "gagner" la discussion (même s'il m'est arrivé de commettre cette erreur, mais bon, j'ai appris et je continue d'évoluer). Des discussions où on réfléchit en groupe et où, des fois, on arrive à des justes milieux fructueux. 

Ces échanges et débats étaient très présents aux débuts de l'ère des blogues. Puis Facebook est devenu plus populaire, les textes se sont raccourcis, les trolls sont arrivés, les techniques rhétoriques malveillantes se sont popularisées (cherry picking, ad hominem, sealioning, moving the goal post, etc) et les faits alternatifs et le mépris de la science ont tué ce qui restait d'espaces de discussion. 

L'autrice de l'article - Maryline Brick que je ne connais pas mais que je remercie de m'avoir lue si attentivement - note que le blogue a perdu de la vitesse à partir du moment où les commentaires se sont raréfiés. Elle a tout à fait raison : c'est le moment à partir duquel je me suis dit que tant qu'à écrire des textes qui ne susciteraient pas de réactions immédiates, j'étais sans doute mieux de me consacrer à mes fictions. (Je m'en sers aussi pour entrer en relation avec les gens, mais c'est moins directement "moi" et c'est plutôt à sens unique.)

L'autre aspect - qu'elle ne pouvait pas deviner - c'est que depuis 2020, j'ai dû énormément me censurer. Plusieurs anecdotes de mon quotidien auraient fait de très bons billets (où sans doute d'autres divorcées se seraient reconnues)... mais elles étaient liées à mon divorce (ou à mes prises de conscience sur mon ex-relation de couple) et donc elles auraient souvent fait mal paraître mon ex et il n'aimait déjà pas, quand nous étions ensemble, que je le dépeigne autrement que sous son meilleur jour, alors post-divorce, sachant qu'il surveillait sans doute ce que je publiais, ouf, j'ai décidé de m'épargner ses réactions. (Je me suis plutôt servi de tout ça en fiction. ;) J'ai aussi beaucoup moins de temps d'écriture qu'avant, mais ça c'est un autre dossier. 

Troisièmement, j'ai (re)découvert, en plongeant dans mes archives, à quel point j'ai évolué, tant personnellement que professionnellement depuis 2009. Je la trouve parfois d'une telle naïveté la petite Gen des débuts! (Faut dire qu'elle était solidement gaslightée pis subissait une bonne dose de misogynie internalisée.) Mais bon, elle avait 27 ans, j'en ai 43. La tentation est grande par moment de la faire disparaître, d'expurger les billets gênants. Cependant, je me retiens. Parce son(mon) parcours est valide. Le blogue montre qu'on peut évoluer comme personne et comme écrivaine. Qu'on peut même finir par gagner sa vie avec l'écriture au Québec, même si on ne devient jamais connue.

J'vais d'ailleurs essayer de voir si je ne pourrais pas reprendre un peu le fil du blogue. Maintenant qu'on n'ose plus dire quoique ce soit d'un peu dérangeant sur FB et que beaucoup d'écrivains s'ouvrent des substacks, peut-être que je pourrais reprendre l'habitude des textes longs, réflexifs ou informatifs (ex : "comment ne pas soumettre un manuscrit") dans cet espace qui est certes public, mais tout de même un peu secret... Par contre, y aura-t-il des gens pour les lire?

On verra, hein? 

lundi 20 octobre 2025

Fractale citrouille 2025

 


L'automne se sera fait attendre cette année, longtemps déguisé en été. Mais voici enfin le temps gris, les arbres flamboyants... et le retour des citrouilles fractales!

Si vous ne connaissez pas la tradition, c'est par ici!

Si vous la connaissez, j'attends vos offrandes, vos historiettes d’Halloween en 31 mots, ni plus ni moins… Trente et un mots, pour nous faire rire, frissonner, grimacer, sur le thème de la peur, de l'étrange, de l'horreur... bref, c'est l'Halloween, amusez-vous!

(Comme d'habitude, les commentaires du blogue resterons ouverts jusqu'au 1er novembre)

vendredi 19 septembre 2025

Constats suite à une expérience d'IA

Je suis contre les IA génératives. (Vous pouvez lire pourquoi ici et ici.) Non seulement, elles pillent les œuvres des artistes et génèrent une pollution monstre (dix fois plus qu'une recherche classique pour les requêtes simple, jusqu'à 60 fois plus pour les images), mais on commence à voir une dégradation des capacités cognitives de ses utilisateurs. 

Cela dit, je ne suis pas dogmatique : quand on me dit que "l'IA est bon pour ci ou ça", avant de me braquer, je vérifie. (Ce qui me permet de me tenir à jour technologiquement... même si, pour une fille qui a connu les ordinateurs pré-Windows et qui bidouille parfois ses clefs de registre, toute techno récente est assez facile à prendre en main.)

C'est ainsi que, ayant appris que plusieurs jeunes auteurs utilisaient l'IA comme bêta-lectrice, j'ai décidé d'expérimenter. 

Évidemment, comme j'ai pas envie de donner encore de mes textes à la machine (elle m'en a déjà volé plusieurs), j'ai utilisé une de mes nouvelles qui est disponible en ligne - donc déjà pillée - et dont je n'ai aucun doute sur la qualité (précisément "Certaines oublieront leurs boucles d'oreille" jadis finaliste au prix de la nouvelle de Radio-Canada). 

J'ai demandé à l'IA d'analyser le texte (thèmes, narration, style, rythme, personnages). 

Au début de ma lecture de l'analyse, j'ai été impressionnée, presqu'effrayée : wow, c'était au-dessus de ce que je pensais recevoir... Puis je me suis attardée aux détails. Hum... Côté thèmes, on reprenait beaucoup les mots du texte, sans vraiment les utiliser dans le bon contexte. Par exemple, l'IA me parlait de sororité des femmes (alors qu'il n'y a aucun lien entre les femmes de ce texte, au contraire, on parle du parallélisme des expériences), de narratrice au ton intime (alors que c'est une narration chorale), etc. Comme avec les images générées par IA, le premier coup d'oeil avait eu l'air très bien, mais dès qu'on examinait de plus près, les incohérences apparaissaient. La machine a identifié un style lyrique (je ne saurais pas faire ça même si ma vie en dépendait), disait que le texte avait un "rythme rapide" (alors que non, vraiment pas : il est juste court) et tentait de créer des personnages en fusionnant des expériences appartenant pourtant clairement à des femmes distinctes. 

Puis j'ai demandé à la machine comment "améliorer le texte pour le rendre plus littéraire". Et là... 

Là j'ai ri. Les suggestions de reformulations prenaient des phrases intéressantes, avec un rythme et une musicalité agréable et en faisait... des phrases plates, banales. L'IA me disait que c'était pour "varier le rythme" mais en fait l'application de ses suggestions aurait uniformisé la longueur des phrases (les textes par IA ont souvent ce défaut d'ailleurs). 

De la même manière, l'IA me suggérait d'utiliser davantage de métaphores, ce qui n'est pas un mauvais conseil en théorie, mais en pratique les exemples suggérés étaient ultra convenus. Les appliquer aurait rendu le texte à la fois difficile à comprendre (puisqu'il est déjà chargé) et banal. 

Finalement, la machine voulait que je creuse davantage les personnages (dans un texte fait pour être un collage d'instants), peut-être via des dialogues... Et puis, pour l'exemple, elle me mettait en scène un dialogue expositoire style série télé entre deux personnages qui, selon le texte, étaient dans deux chambres distinctes (je suppose qu'elles se parlaient à travers les murs). 

J'ai aussi soumis à l'IA un autre texte, volontairement écrit tout croche (un rescapé de mes participations aux maltraitements de texte du Boréal). Là, la machine a mieux performé comme aide à la réécriture. Le résultat est passé de "horriblement mauvais" à "correct, banal". 

On m'opposera que j'ai testé une seule IA, que vous ne savez pas comment j'ai formulé mes prompts exactement, etc, mais en fait, sachant comment l'IA fonctionne, comment elle se base sur tout ce qui a été fait et sur ce que vous semblez attendre d'elle pour vous proposer des trucs, il est assez évident qu'elle va toujours arriver à un résultat "attendu", "banal" ou "convenu". 

Bref, l'IA peut effectivement prendre un mauvais texte et en faire un texte correct. Le problème, c'est qu'elle risque aussi de prendre un bon texte et d'en faire un texte... correct. Pendant ce temps-là, les éditeurs n'ont rien à faire du correct, ils ne cherchent même pas du "bon" : ils veulent du "wow". 

Alors à la place des jeunes auteurs, je resterais loin loin loin des bêta-lectrices artificielles.

mercredi 20 août 2025

Léguer de la soie

Il y a quelques années, mon amie Valérie Harvey, qui se préparait à partir pour le Japon, m'avait demandé si je voulais qu'elle me rapporte quelque chose. "Un haori" avais-je répondu. En fait, je rêvais d'un kimono ou d'un yukata, mais sur ma silhouette sablier hyper marquée, je savais que ça n'irait pas. Le haori, cependant, je pourrais le porter comme veste...

Valérie m'avait donc ramené un superbe haori corail trouvé pour trois fois rien (50$ si ça vous intéresse) dans l'équivalent japonais d'une vente de garage. (D'habitude j'ai un certain dégoût des vêtements de seconde main, mais entre la propreté légendaire des Japonais et le fait qu'un haori n'est pas porté à même la peau, ça a bien passé.) Je l'ai porté dans presque tous les salons pendant trois ou quatre ans. Puis Valérie est repartie au Japon. Je lui ai fait la même demande. Un haori bleu ciel s'est ajouté à ma garde-robe. 

Je précise que l'haori corail, lui, était toujours aussi beau! Et qu'il s'inscrit sans mal dans ma démarche, commencée il y a plusieurs années, d'avoir une garde-robe minimaliste de vêtements durables. 

Et puis un jour, par hasard, sur Etsy, je suis tombée sur des revendeurs japonais de vêtements vintage. Des haoris. Au bout de mes doigts! Bon, avec les frais d'expédition, ils coûtaient trois fois le prix de ceux rapportés par Valérie, mais cette fois je pouvais les choisir moi-même et ne pas attendre les hasards des voyages de mes amis!

Et puis, 150$ pour une pièce de pure soie, un petit bout du passé japonais que je pourrais porter, c'était... bon c'était pas rien, mais c'était pas si cher. 

J'ai réussi à me modérer. Je n'ai cédé que deux fois aux sirènes d'Etsy. Ça me fait quand même désormais quatre haoris. Un pour chaque saison. (Je ne promets pas de m'arrêter là, mais je ne veux pas en acheter trop non plus. Non seulement j'essaie d'être minimalisme, mais vertu mise à part, je compose avec les limitations d'un quatre et demi!)

À ma fille qui me demandait si je lui en achèterais un éventuellement, je lui ai dit que je pouvais lui prêter les miens. Et même, qu'elle en hériterait sans doute. 

En cette ère d'ultra-fast-fashion, j'adore cette idée : je léguerai à ma fille des vêtements de soie brodée.  

lundi 4 août 2025

Où est passé juillet?

Où est donc passé juillet?

Je l'ai égaré, je crois, entre le souper qui fêtait mes 43 ans et le chant du huard qui venait saluer la brunante sur le lac près duquel on a pris nos vacances. 

Ou peut-être dans les pages des livres dévorés avec abandon. 

Peu importe, voici août, et le retour à la normale. 

Je vais m'ennuyer de mes baignades matinales.




lundi 16 juin 2025

Magies des temps brodés... enfin en prévente!

Je suis une autrice de fantasy. Ma bibliographie (avec ses romans historiques et policiers et ses nouvelle éparpillées dans tous les genres) pourrait vous laisser croire le contraire, mais non : comme autrice et comme lectrice c'est, depuis toujours, dans la magie que je m'évade. 

C'est pourquoi je travaille depuis plusieurs années, avec les Six Brumes, à un recueil regroupant mes nouvelles de fantasy, éditées comme inédites.

En fait, au moment où on a commencé à y travailler, un tel recueil n'existait pas vraiment sur le marché québécois... Bon, depuis, j'ai participé au collectif "Territoires enchantés, royaumes ensorcelés", mais la fantasy reste tout de même rare sous forme courte. 

Et pourtant, c'est un genre qui se prête très bien aux idées suggérées, aux arrières-mondes esquissés et aux métaphores sociétales... Ou même parfois à l'exploitation de clichés détournés, comme les épées intelligentes... hum, enfin, disons "pensantes". 

Dans ce recueil, je vous en fait la démonstration treize fois plutôt qu'une, en humour comme sur le mode sérieux, en m'inspirant tantôt du Moyen Âge (évidemment), mais aussi de la Mésopotamie, de l'Égypte ancienne et du Montréal contemporain. 

Pour découvrir mes Magies des temps brodés avant tout le monde, c'est par ici

Et si jamais vous aviez envie de vous retrouver dans une de mes histoires en tant que personnage - ou d'y transposer un membre de votre entourage - je vous en offre la possibilité! (Les modalités exactes seront à discuter! ;)

vendredi 9 mai 2025

Remettre le dentifrice dans le tube

L'autre soir, à moitié endormie et distraite, j'ai pris le tube dentifrice de ma fille au lieu de celui que mon chum et moi utilisons. L'odeur m'a frappée dès que j'ai approché la brosse à dents de ma bouche : un mélange de sucre artificiel et de gomme balloune. Ouache! Pas question de me brosser les dents avec ça! 

Mais, évidemment, comme le veux l'adage populaire, on ne peut pas remettre le dentifrice dans le tube. 

On nous sort cette maxime souvent dernièrement. Surtout au sujet de l'intelligence artificielle. Ça complique la job des profs? Ça rend les élèves encore plus paresseux? Ça répand des faussetés parce que la machine hallucine? Ça vole les créateurs? Ça inonde les réseaux sociaux de contenu de piètre qualité? Ça facilite la désinformation?  Et tout ça en consommant une quantité effroyable d'énergie et en contribuant au réchauffement climatique?

On peut pas remettre le dentifrice dans le tube, voyons! Faut s'adapter! Il y a des domaines où c'est super utile, notamment pour les recherches en santé ou en statistique...

Ok... alors pourquoi est-ce qu'on ne réserverait pas l'intelligence artificielle à ces domaines-là? Pourquoi est-ce qu'on la rend aussi facilement accessible - et gratuitement - à tous? (Parfois même de force comme les IA maintenant intégrées à Google et Windows et Meta...)

C'est impossible de revenir en arrière une fois la technologie disponible?

Savez-vous que lorsque le four à micro-ondes a été popularisé, les gens ont essayé de s'en servir pour cuisiner absolument tout? Parce que c'était l'avenir! Que c'était simple! Rapide! Nouveau! Et c'était... souvent immangeable. 

Peu à peu, le micro-ondes a pris sa juste place : il peut décongeler des aliments, réchauffer vos lunchs, faire quelques trucs simples (je m'en sers notamment pour la cuisson du riz), mais, en gros, il n'a pas détrôné la cuisinière traditionnelle. 

Oh! Aurait-on... remis le dentifrice dans le tube?!?

Non. Mais on a décidé que ça ne valait pas la peine de l'utiliser si ce n'était pas approprié. Comme moi, l'autre soir, qui a balancé la pâte à dents à la gomme balloune dans la poubelle, rincé ma brosse et utilisé mon bon vieux dentifrice à la menthe.

Puis j'ai écrit ce billet moi-même, lettre par lettre, à la plume trempée dans l'encre... Ah non : j'ai rédigé à l'ordinateur. Parce que c'est la technologie appropriée pour cet exercice. ;)