jeudi 2 février 2023

La science est dans l'oeil du lecteur

J'aime la science-fiction. J'adore la fantasy. Je lis et j'écris beaucoup des deux (et un peu de tout le reste). 

Et je me rends compte que, souvent, la "science" de plusieurs de mes textes étiquetés comme de la science-fiction est dans l'oeil du lecteur.

Quand je crée l'univers d'un texte, je le dote de ses propres lois, de ses règles internes, qui vont assurer sa cohérence. Pour moi, magie ou pseudo-super-science (ou roman historique ou policier, etc), la démarche est identique. Mais si ces lois sont basées sur l'utilisation thérapeutiques des démons, on classera le texte comme de la fantasy. Si je parle plutôt d'une évolution de l'humain, même si elle est hautement improbable, comme avec des femmes-escargots, on dira qu'il s'agit de science-fiction.

Dans aucun des cas je ne me base sur des principes scientifiques avérés. 

Dans aucun des cas je n'explique.

C'est étrange. 

Et j'ai l'impression que cela mène, les années passant, à restreindre le champ de la fantasy. S'il y a magie désignée comme telle, divinités, créatures magico-mythologiques déjà rencontrées, d'accord, c'est de la fantasy. 

Sinon? Sinon c'est de la SF. (Le futurisme indigène et l'afro/africain-futurisme rajoutent même une couche de brouillage en faisant intervenir les croyances spirituelles dans des oeuvres résolument technologiques et donc relevant de la science-fiction.) 

Pour ma part, ça ne me dérange pas trop, je crée, hein, je laisse les universitaires s'arracher les cheveux à classifier les trucs. 

Mais tout de même, ça me chicote un peu. Difficile, dans ces circonstances, de renouveler la fantasy, puisqu'il faut s'appuyer sur des trucs déjà vus/lus/entendus et identifiés comme de la fantasy pour qu'on considère que ça en est. Tandis qu'à côté, la SF peut faire flèche de tout bois. 

Vous avez des avis sur la question?

7 commentaires:

Nathalie FT a dit…

Quand j'ai commencé à naviguer un peu dans le milieu en France, je suis tombée sur cette citation dont je ne retrouve pas l'auteur.. C'était peut être Patrice Duvic ou Jacques Goimard.
Évidemment les choses ont bougé un peu mais ça m'a permis de faire des distinctions plus strictes que ce que tu mentionnes. Pas obligatoire non plus de tout expliquer, mais si le monde suggère par ex qu'il y a une technologie en dessous c'est de la SF (le technobabble de Star Trek et les trucs impossibles actuellement comme le voyage plus rapide que la vitesse de la lumière)
Reste que depuis les années 1990-2000 où j'ai vraiment plongé dans les genres, il y a eu de plus en plus de fusion et de mélanges. Ce serait à amender probablement mais ça jette les bases sans trop de restrictions je trouve. Qu'en penses-tu ?

" * Si le chat parle parce qu’on lui a fait subir des manipulations génétiques, qu’on lui a posé des implants cybernétiques, etc, bref qu’il y a une explication rationnelle et scientifique à ce fait, c’est de la Science-fiction. Dans cet univers, un chat qui n’a pas subi ces procédures ne parle pas, par contre.

* Si le chat parle parce que c’est habituel et banal dans cet univers, que c’est un fait connu et établi qui ne choque personne, comme le fait qu’il y ait des dragons dans le ciel et des elfes à la taverne du coin, c’est de la Fantasy. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’explication est surnaturelle / non-rationnelle / non-scientifique / qu’il n’y en a pas, et que c’est un phénomène banal, qui ne choque personne et s’inscrit dans le cadre normal de ce monde.

* Si un chat se met à parler sans explication rationnelle alors qu’aucun chat ne parle et que c’est scientifiquement impossible, et ce dans un cadre qui est (la plupart du temps, du moins) notre monde moderne, terrestre, cartésien, c’est du Fantastique. Tout l’intérêt, toute l’essence de ce dernier genre est en effet de confronter ses protagonistes à quelque chose qui transcende ou viole le cadre banal, cartésien, de notre monde « normal », et de montrer les réactions de refus, rejet, peur et incompréhension qui en découlent."

Annie Bacon a dit…

En fait, la question devrait être: est-ce que la temporalité justifie l'étiquette de "science-fiction?", puisque tes trois exemples que tu donne (évolution des humains, futurisme indigène et l'afro/africain-futurisme), ont tous une idée de se passer dans le futur.

L'endroit est aussi souvent utilisé pour justifier l'étiquette de science-fiction. Si ton univers inventé est flou dans le temps et l'espace, il a plus de chances de se retrouver classé en fantasy. Dès que tu nomme la planète, c'est fini: science-fiction.

Sylvie a dit…

Les cas du futurisme indigi- et afro- sont particuliers dans ce tableau. D’une part, ils participent d’une revendication, celle du droit de s’approprier le futur comme le font les autres cultures, et ils relèvent aussi, d’autre part, d’une volonté de décoloniser la science en projetant dans la science-fiction des textes (autochtones ou afro) qui autrement seraient cantonnés au fantastique. «Notre savoir est une science comme les autres», disent-ils. Il faut lire à cet égard les textes de Daniel Heath Justice. Il est sûr que cela ébranle la SF et c’est très bien. Je ne suis pas une grande lectrice de fantasy, mais je lui souhaite aussi d’être ébranlée. Certains récits de fantasy d’Elisabeth Vonarburg en élargissent le spectre entre autres en s’inscrivant dans un continuum avec le corpus de SF de l’autrice.

Nathalie FT a dit…

pour la sF je resterai sur explication rationnelle et scientifique vs irrationnelle pour les autres. Il y a des tonnes de définitions et les genres évoluent et se mélangent. C'est déjà daté mais ça m'a donné de bonnes bases.

Nathalie FT a dit…

Pour la fantasy j'ai un gros faible pour Neil Gaiman et la fantasy urbaine. Il a joué avec les codes en sortant du carcan post-Tolkien. Et il a entraîné pas mal de monde derrière. Mais est-ce du fantastique ? mélangé ? Est-ce qu'il faut inventer d'autres catégories ou définir ce qui se fait aujourd'hui, sachant que ce sera temporaire ? Englober ce qui a été fait avant ? Plus de questions que de réponses..

Gen a dit…

@Nathalie : En effet, l'explication que tu donnes est celle avec laquelle j'ai commencé à travailler... mais je la trouve réductrice : on se s'étonne plus d'un nombre très élevés de phénomènes qu'on ne sait pourtant pas expliquer (demande au quidam comment son cellulaire fonctionne, genre). Donc pour moi "y'a pas d'explication = fantasy" ne vaut plus. Mais comme auteure, je ne prends pas toujours la peine de trancher sur l'origine des phénomènes que je mets en scène(ça pourraît être une race de chat plus intelligente arrivée naturellement... ou pas... ou par magie...) Et je laisse le lecteur trancher... et je trouve ça fort intéressant de voir comment c'est reçu, les réflexes de lecture. Le parti-pris pour la science est fort, très fort.

@Annie : En effet, les indices de temps et de lieux servent à établir le genre... mais ce sur quoi je m'interroge, c'est les textes qui ne nomment rien mais qu'on catégorise pourtant.

@Sylvie : Oui "notre savoir est une science comme les autres", voilà, c'est ÇA! C'est ça que j'aime et que je recherche. Pourquoi est-ce qu'on peut accepter un futur "sérieux" (classé SF) où les spiritualités de certains peuples ont leur place, mais si on y glisse plutôt du savoir folklorique (au sens premier "folk lore") européen, nous voilà en fantasy, ou en urban fantasy pis c'est pas sérieux... Abattons les murs, ébranlons les genres! lol!

Gen a dit…

@Nathalie : Mais QUI décide ce qui est "rationnel?" (Tu veux un indice? ça commence par p...) Et le problème avec cette distinction, c'est que ça nourrit l'idée qu'en fantasy on peut écrire n'importe quoi, que c'est pas rigoureux, sérieux, etc. (Mais oui, Gaiman a écrit des trucs merveilleux!)